Yann Moix : « Je ne mettrai plus les pieds en Corée du Nord ! »

L’écrivain-chroniqueur a passé une partie de ses vacances sur l’île promise à la destruction par le leader nord-coréen. Tout ça pour faire son intéressant ? Entretien corrosif

Hello Yann. Qu’est-ce qui t’a pris d’aller passer tes vacances sur l’île de Guam, menacée de destruction par Kim Jong-un cet été ?
Yann Moix : C’était pas vraiment des vacances, j’y ai passé trois jours. Comme je m’intéresse beaucoup à la Corée du Sud et à la Corée du Nord, j’ai voulu aller sur place voir l’ambiance au moment des menaces. (Le despote nord-coréen a déclaré être prêt à envoyer des missiles sur ce territoire US se trouvant au beau milieu du Pacifique, ndlr.)

Et qu’as-tu vu sur place ?
Une île très étrange qui prouve à quel point les Coréens du Sud sont dans la résilience totale par rapport à la Corée du Nord. Pour eux, ne pas aller sur cette île – une destination de vacances très populaire – serait comme si les Français décidaient de ne plus aller à Marrakech à cause de Daech. C’est un non-sujet.

Ils n’avaient pas peur ?
La Corée du Sud a bien compris, en quarante, cinquante ans de menaces, que le Nord ne passera sans doute jamais à l’acte. C’est ce que je pense aussi.

Pourquoi leur leader multiplie-t-il les menaces ?
Kim Jong-un se sent perpétuellement menacé dans sa légitimité – comme peut l’être le leader d’une démocratie. Quand des centaines de milliers de personnes descendent dans les rues de Pyongyang, ça permet de faire passer le message à ceux qui rêvent d’un putsch : « Les gars, c’est pas pour maintenant ! » Et il avait bien besoin de créer un ennemi de toutes pièces.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Trump joue le jeu.
Pour Trump, les guerres désincarnées du XXIe siècle sont trop compliquées pour son cerveau. Là tout d’un coup, il a réhabilité la guerre telle qu’on l’a connue au XXe siècle : une guerre manichéenne Est/Ouest, les cocos contre les Yankees, incarnée par un seul « méchant », Kim Jong-un. Ce qui lui permet de dire : « Moi aussi, je sais faire la guerre. » Merci Kim !

Ils se sont bien trouvés, non ?
L’islam, c’est trop compliqué pour Trump : il y a des chiites, des sunnites, il y a plein de pays, de logiques différentes… Avec Jong-un, il a un ennemi désigné. Obama, lui, ne rentrait jamais dans la logique de Kim Jong-un. C’est comme si un gamin t’insultait de son balcon et toi, adulte, tu montes lui éclater la gueule…

Donc Kim Jong-un, c’est un gamin inoffensif ?
Ah non, il ne faut pas infantiliser la Corée du Nord non plus. Mais sans prendre la défense du pays, ils ont aussi leurs raisons de détester les États-Unis.

Tu y étais en 2012 et en 2014. Tu as prévu d’y retourner ?
Non, j’ai décidé de ne plus m’y rendre car c’est devenu une destination pour des gens dont je ne veux plus citer les noms, ceux qui font de la France une sorte de marigot irrespirable (la clique de Soral et cie, ndlr). Je n’irai plus à Pyongyang ; ils ont, d’une certaine manière, souillé ce tropisme-là. En plus, ils disent à nos interlocuteurs communs sur place : « Yann Moix est l’ami d’Israël donc Yann Moix est l’ami des États-Unis », etc. Pour ces deux raisons-là, je n’y mettrai plus les pieds.

Dernière question : qui préfères-tu, Jong-un ou Trump ?
Alors… Les Coréens du Nord vivent enfermés dans un pays abject – mais ils adorent leur pays. Et le peuple ressemble à son leader, et inversement. Pareil avec Trump : il ressemble à son peuple, et inversement. D’ailleurs, le monde se porte plutôt bien depuis que Trump a été élu : il n’y a pas eu de crise économique grave, il fait connerie sur connerie mais on lui pardonne à chaque fois sachant qu’il y en aura une autre la semaine d’après… Ça passe comme une lettre à la poste parce que finalement le monde occidental a fini par lui ressembler… Mince, j’ai du mal à les départager !

ENTRETIEN LAURENCE RÉMILA

Paru dans Technikart #215, septembre 2017