Pourquoi nos amis de la gauche bobo kiffaient-ils autant Mehdi Meklat ?

Célébré par la gauche culturelle la plus bobo-ronronnante (Télérama, La Maison de la Radio ..), le Bondy blogueur Mehdi Meklat inondait pourtant le Net de ses tweets dégueulasses. Simple erreur d’appréciation, ou symptomatique d’une classe médias au bout du rouleau ? Le politologue Laurent Bouvet répond. 

L’affaire Mehdi Meklat, du nom de ce journaliste du Bondy Blog mis en cause pour ses nombreux tweets antisémistes, sexistes, homophobes ou insultants à l’égard de diverses personnalités, sous le pseudonyme de Marcelin Deschamps, est le nom de trois gros défauts de notre époque, de notre société et de certains médias.

Le premier, c’est l’impunité. Celle de l’auteur, Mehdi Meklat, qui pendant des années et malgré des centaines de tweets ignominieux – il en a écrit en tout plus de 50 000 en 5 ans ! – était accueilli, invité, promu et embauché dans toute une presse de gauche ravie d’avoir sous la main un jeune homme « issu de la banlieue » à mettre ainsi en avant. De la couverture des Inrocks aux pages cultures de Télérama en passant par la soirée spéciale « 10 ans » des émeutes de 2005 de Mediapart ou encore le micro de France Inter pendant des années, Meklat était partout chez lui aux côtés de son ami Badrou dont les tweets, plus sages et plus prudents, relèvent parfois d’une même inspiration.

Cette impunité était due à la complaisance de ces médias, second défaut révélé par l’affaire Meklat. Une complaisance délibérément aveugle à l’immonde dès lors que celui qui en bénéficie vient de banlieue plutôt que d’ailleurs, dès lors qu’il s’appelle Mehdi Meklat plutôt que Lorant Deutsch ou Eric Zemmour. La complaisance de médias qui voient immanquablement dans la «banlieue», sa «diversité», ses « jeunes » et leurs manières de parler, de se vêtir, leur musique, etc., la pointe avancée et l’avenir radieux de la société contemporaine à la fois. Une complaisance qui suinte la culpabilité néocoloniale et le paternalisme dès qu’elle exprime son enthousiasme débordant pour le moindre mot du duo du Bondy Blog et l’« humour décalé » ou la formidable « licence poétique » du « double maléfique » de Meklat sur Twitter. La complaisance d’une presse qui sait qui est Meklat, qui le prévient même que tout cela peut mal finir mais qui ne prend jamais, pendant des années, aucune mesure pour qu’il cesse.

DÉLIRE IDENTITAIRE

Troisième défaut mis à jour, crûment, par l’affaire Meklat : la dérive identitaire dont il a été un porte-parole aussi efficace qu’excessif. Celle de tout un milieu, un éco-système, fait de multiples entrepreneurs identitaires qui construisent leur réussite médiatique sur la mise en exergue d’une identité spécifique – couleur de peau, pratique religieuse, origine… – afin, version officielle, de dénoncer discriminations, stigmatisations, « islamophobie » ou « racisme d’Etat »… en faisant en réalité progresser leur agenda politique sinon une vision de la société, où chacun est d’abord assigné à résidence en tant que ce qu’il est, dans son essence identitaire, plutôt que pour ce qu’il dit ou fait. « Comité contre l’islamophobie en France », « Parti des Indigènes de la République », association « Les Indivisibles », Collectif « Urgence Notre Police Assassine », camp décolonial interdit aux « non blancs » mais aussi Bondy Blog depuis quelques années…, ils sont nombreux aujourd’hui, activistes associatifs, chercheurs, journalistes… à répandre la vision d’une société qui serait principalement structurée par la guerre identitaire, le néocolonialisme, le racisme ou encore très largement le complotisme… Devenus la dernière cause politique de cette presse qui a encensé et protégé Meklat, leur dérive en forme de délire identitaire s’avère finalement l’exact décalque de ce qu’ils prétendent combattre quotidiennement : une société empreinte d’un fascisme généralisé, blanc, colonialiste, raciste et « islamophobe ». Cette vision identitaire, de la séparation et du conflit, justifiant in fine la violence verbale dont Meklat a usé et abusé.

Dernier titre paru : La Gauche zombie (Lemieux Editeur, mars 2017)

LAURENT BOUVET

Technikart #211, avril 2017