POM KLEMENTIEFF : « J’ADORE ME SURPASSER »

Pom Klementieff technikart

Girl power et déconstruction de mâles toxiques. La Française Pom Klementieff revient pour casser des bouches et sauver le monde au côté de Tom Cruise dans Mission: Impossible –The Final Reckoning. Rencontre.

Par Marc Godin

« T’as vu mon short de l’espace, c’est pas mal, non ? » Elle est comme ça, Pom, incroyablement nature, très drôle et elle s’exprime dans un français pas vraiment châtié. Dans la suite d’un grand palace parisien, elle assure la promo du prochain volet de Mission: Impossible, The Final Reckoning, alors qu’elle vient de terminer le tournage de Mi Amor, un thriller avec Benoît Magimel. Et si Pom Klementieff, 39 ans depuis le 3 mai, a grandi en France, c’est aux États-Unis qu’elle a connu la gloire, grâce à deux franchises : Les Gardiens de la Galaxie, grosse machine made in Marvel, et Mission: Impossible, avec Tom Cruise. Une saga Mission: Impossible qui s’est quelque peu métamorphosée, et en partie grâce à elle…

Depuis le premier volet, mis en scène par Brian De Palma en 1996, les Mission: Impossible étaient des festivals Tom Cruise, qui gonflait ses triceps, s’accrochait aux avions, escaladait des gratte-ciels, cavalait comme un dératé dans les plus belles villes du monde. Il y avait bien quelques femmes (qu’il embrassait parfois maladroitement), mais la plupart comme Thandie Newton, Maggie Q ou Michelle Monaghan faisaient de la figuration de luxe. Femmes fatales en Louboutin, tueuses SM, amoureuses malheureuses d’un Cruise bien sûr inaccessible, elles étaient des potiches à la 007, du papier peint. Pourtant, tout change avec le septième volet de la saga, l’excellent Dead Reckoning. Cruise fait toujours son macho à moto, mais cette fois, ce sont quatre femmes qui mènent la danse : Vanessa Kirby, dans le rôle de la Veuve blanche, Rebecca Ferguson agent du MI6, Hayley Atwell, véritable moteur de l’intrigue. Et bien sûr Pom Klementieff qui manie le fusil d’assaut en jupe tartan ou étouffe Tom Cruise avec ses cuisses lors d’une baston anthologique. Elle est la grosse sensation du film et se révèle une redoutable voleuse de scènes. Bref, Tom Cruise a enfin compris qu’il était impossible de continuer à faire des films d’action comme avant #Metoo, et que les femmes cognent aussi fort que les mâles toxiques qu’elles déconstruisent en tailleur immaculé.

La femme est donc bien l’avenir du cinéma d’action et si l’on a vu Charlize Theron et Anya Taylor-Joy transformer Mad Max en personnage secondaire, on va découvrir en juin prochain Ana de Armas flinguer les nuisibles dans Ballerina, film dérivé de la franchise John Wick. Et dans le genre cogneuse du troisième type, Pom Klementieff semble promise à un brillant avenir…

Mission: Impossible - The Final Reckoning
POM BADASS_
Crop top, Glock 17 à la main, une belle cicatrice sur l’abdomen, Pom s’offre deux énormes scènes d’action dans le nouveau volet de Mission: Impossible.


Pom Klementieff :
Je n’aime pas trop quand on me demande pourquoi ça marche pour moi, pourquoi j’ai été choisie dans tel ou tel film ? Comme si j’en avais la moindre idée…

Alors, pourquoi ça marche pour vous ?
(Pom se marre) Si je réponds à cela, on va croire que je m’envoie des fleurs, et si je dis rien, c’est relou. 

Vous avez quand même une idée ou deux ?
C’est chelou ! Pfff, je n’en sais vraiment rien… 

Vous venez de terminer un nouveau film français, le thriller de Guillaume Nicloux… 
Oui ! Je l’adore. On a tourné aux îles Canaries un mois non stop et cela faisait longtemps que je n’avais pas eu le rôle principal d’un film. C’était très intense, très émouvant, j’ai l’impression que j’ai donné des choses que je n’avais jamais montrées auparavant. 

Comment s’intitule le film ?
Mi Amor, avec Benoît Magimel. Il est génial, tout comme Nicloux dont j’adore la facilité avec laquelle il passe d’un registre à l’autre. Il a réalisé des comédies, des drames, des documentaires… C’est un mec passionnant. 

Vous aviez envie de revenir tourner en France ?
Très ! Mais je ne recevais aucune offre. En même temps, je n’avais plus d’agent ici, donc cela n’aide pas non plus… Je tournais plus facilement aux États-Unis. 

Avant les USA, vous avez fait un fac de droit à Assas. 
(Elle explose de rire) Je ne comprenais rien, j’étais nulle. Mais le droit mène à tout et cela rassurait ma tante et mon oncle qui m’ont élevée. Je n’y suis restée qu’un an. Mon oncle est mort quand j’avais dix-huit ans et de nombreux événements dramatiques se sont succédés dans un laps de temps très court. Je me demandais quand cela s’arrêterait. La fac de droit ma semblé une bonne idée à l’époque. 

Mission: Impossible Dead Reckoning Part One
POM GLAM_
Ambassadrice d’une marque de cosmétique, Pom a défilé, entre autres, pour Alexander McQueen, tourné un court-métrage pour BMW présenté à Cannes (The Calm) et monté les Marches en Atelier Versace, une robe dessinée par Donatella elle-même.


Pourquoi avez-vous intégré le cours Florent ?
J’étais très timide, je parlais à peine au sein de ma famille, mais j’aimais beaucoup le cinéma. J’avais envie de découvrir comment cela se passait vraiment. J’ai donc pris mon courage à deux mains et intégré la classe libre du cours Florent. J’ai adoré ! Au bout de quelques mois, j’ai remporté le concours de la classe libre. Je me suis dit qu’il y avait peut-être des gens qui auraient envie de me voir sur un écran, cela m’a donné confiance. J’ai pris un agent et j’ai décroché mon premier rôle. 

« J’AI TOURNÉ AVEC LES LOUPS… »

 

En 2008, après un petit rôle dans un film de Jean-Paul Rouvre, Sans arme, ni haine, ni violence, on vous retrouve dans Loup de Nicolas Vannier. 
On l’a tourné en Sibérie orientale, il faisait parfois -55 degrés. J’ai conduit un traîneau avec des rênes, monté à cheval, tourné avec des loups… C’était génial, j’ai adoré cette aventure, je galopais dans la toundra pour passer d’un set à l’autre. 

Vous avez enchaîné avec le film de Frédéric Beigbeder, L’Amour dure trois ans, Radiostars ou Les Kaïra
Oui, mais à chaque, j’avais un petit rôle. Bon, dans Les Kaïra, le rôle était plus étoffé, je me suis vraiment amusée et j’ai même tourné avec un ours lors de ma première journée sur le plateau ! Mais je n’arrivais pas à franchir la marche, je passais des auditions, et à chaque fois, on m’offrait des rôles stéréotypés, pas très intéressants.

À cause de vos origines asiatiques ? 
Bien sûr ! Il faudrait que ça bouge un peu plus en France… 

C’est pour cela que vous avez tenté votre chance aux États-Unis ?
En partie. Mon frère s’était suicidé, ma mère était malade, j’avais connu une rupture amoureuse, j’avais besoin de changer d’environnement, tout était trop pesant ici. Je suis partie seule à Los Angeles, je parlais à peine l’anglais, je n’arrêtais pas de galérer. En fait, j’écrivais un nouveau chapitre de ma vie sur une page blanche, j’avais besoin de construire quelque chose de neuf, sans passif, sans tristesse. Et ainsi, je pourrais peut-être devenir quelqu’un de nouveau.  

Vous êtes donc partie à l’aventure. Vous aimez prendre des risques ?
J’adore ! Je suis rentrée en contact avec Roy Lee (producteur de Ça, Minecraft, ndlr) et il est devenu mon ange gardien. Il est Américain, mais d’origine asiatique, et dès qu’il voyait un projet intéressant, il me mettait sur le coup. À l’époque, il n’y avait que les actrices d’origine asiatique Lucy Liu et Jamie Chung qui travaillaient à Hollywood. Roy sentait quelque chose en moi et il m’a fait parvenir le scénario du remake de Old Boy de Spike Lee. 

Pas de bol !
(Rires) Le film coréen de Park Chan-wook est un de mes préférés, c’est un des films qui m’a donné envie de devenir actrice, j’avais vraiment envie d’être à l’affiche de ce remake. Roy m’a dit qu’il pouvait me présenter à la directrice de casting, mais pas à Spike Lee car on ne peut rien lui dire, encore moins lui imposer. 

Le film n’a pas marché. 
Non, mais j’ai adoré l’expérience et la vie à Los Angeles, le soleil, cette obsession pour le cinéma. 

En 2015, vous vous présentez au casting des Gardiens de la Galaxie Vol. 2 , une grosse production de la Marvel. 
J’ai auditionné sans même savoir quel rôle je pourrais obtenir, tant le secret entourant cette superproduction était jalousement conservé. Mais même si j’avais été engagée pour ouvrir une porte, j’aurais été contente ! 

On parle de Mission: Impossible – The Final Reckoning ? 
Volontiers, mais je n’ai pas le droit de révéler grand-chose…

Mission: Impossible - The Final Reckoning
TEAM WORK_
Dans Dead Reckoning, Pom, qui incarne Paris, était la redoutable méchante en kilt qui correctionnait Tom Cruise. Dans ce nouvel épisode, elle rejoint l’équipe des agents de la IMF pour affronter L’Entité.


J’avais eu l’impression que vous étiez morte à la fin du précédent ? 
Oui mais non (rires). Si tu te rappelles bien, le personnage joué par Greg Tarzan Davis déclare « She’s got a pulse » (il y a un pouls). C’est un détail, il le dit tout doucement, mais je suis bel et bien vivante. Et donc je reviens !  

Vous étiez vraiment une méchante vraiment badass, « hard to kill ». 
Exactement, increvable !

« TOM CRUISE VEILLE À CE QUE LES AUTRES PERSONNAGES AIENT LEUR MOMENT DE GLOIRE. »

 

Votre personnage, Paris, était la grosse sensation du précédent volet. Vous avez aimé l’entraînement, les combats, botter le cul de Tom Cruise ? 
J’ai adoré, mais c’est Tom qui gagne à la fin de notre combat dans la ruelle sombre, même si je lui donne quelques bons coups à Venise. Tourner des scènes d’action, essayer de surpasser mes limites, j’adore ! Tom vous challenge chaque jour. Il travaille dur et il est d’une grande générosité, à l’écran, mais aussi en dehors du plateau. Bien qu’il soit la star du film, il veille toujours à ce que les autres personnages aient leur moment de gloire. C’est génial de travailler avec des gens aussi talentueux, qui sont au sommet de leur game. Mission: Impossible est une opportunité géniale. 

C’est vrai que les scénaristes des différents Mission: Impossible écrivent des scènes suivant les capacités physiques des acteurs ? 
Absolument. Tom et le réalisateur Christopher McQuarrie castent les acteurs en pensant aux scènes d’action. Puis ils adaptent le personnage par rapport à l’acteur, alors que le plus souvent, c’est l’inverse. Et ça évolue pendant le tournage. Comme pour mon personnage de Paris. Ils m’ont rencontrée, ils ont vu comment je me battais pendant les entraînements et ils se sont dits qu’ils allaient me confier plus de scènes de baston. On a également fait évoluer ensemble le look du personnage. J’adore la mode, mais c’est Christopher, qui a des origines écossaises, qui m’a suggéré le kilt en tartan lors de la poursuite de voitures. Le maquillage, c’est mon idée ! C’est vraiment du travail collaboratif. Comme je voulais faire des coups de pieds hauts, j’avais besoin de jupes ouvertes et surtout pas de talons… Je déteste les films d’action avec des filles qui se battent en talons, c’est n’importe quoi !

Vous semblez véritablement aimer l’action, les sports extrêmes. Sur votre compte Instagram, on vous voit pratiquer le surf, la moto ou le parachutisme au dessus des pyramides égyptiennes… 
J’ai un côté aventurière, j’aime bien faire des sports extrêmes. Ce qui m’anime, c’est quand je dois faire face à quelque chose d’impossible, quand j’ai peur de le faire. Je m’entraîne, j’apprends et je me surpasse. J’adore cela ! Tu dois dompter tes peurs, dompter l’animal et l’animal, c’est toi. Tout est lié, le mental et le physique. 

À quoi peut-on s’attendre dans Mission: ImpossibleThe Final Reckoning ?
Niveau cascades, Tom s’est surpassé. Il y a tous les éléments, l’air, le feu, l’eau, c’est complètement bluffant. J’ai quant à moi plein de séquences géniales et deux scènes de combat vraiment énormes, avec pieds, poings et armes à feu. Je me suis beaucoup entraînée avec Wade Eastwood (coordinateur de combat de 75 films, dont plusieurs avec Tom Cruise, ndlr) et ça devrait être très fun à regarder. 

Vous êtes aussi ambassadrice d’une marque de cosmétique. 
Oui, pour NARS. Quand j’ai fait mon audition avec Spike Lee pour Old Boy, il m’avait demandé une petite chorégraphie d’arts martiaux. J’ai donc fait un truc un peu pourri, avec des fringues de sport. Il m’a dit que le personnage était très féminin, avec talons et maquillage. Il m’a demandée de repasser chez moi pour me changer et il m’a assuré qu’il m’attendrait. Spike Lee qui m’attend ! Je suis donc allée faire du shopping. J’ai chopé des chaussures de tass-pé à plateformes, des trucs de ploucasse de Los Angeles et j’ai acheté une robe légère et décolletée. Et j’ai acheté un rouge à lèvres NARS, rouge pétant. J’avais l’impression d’être Pretty Woman et Spike m’a dit « Oh, you look like a different person. » Je lui ai répondu que je ressemblais à surtout une tepu (rires). On a fait l’audition, j’ai improvisé et j’ai obtenu le rôle. Des années plus tard, NARS est venu me chercher pour que je devienne leur ambassadrice. 

Mission: Impossible Dead Reckoning Part One
RETOUR EN FRANCE_
Pom, qui a quitté la France pour fuir les rôles stéréotypés qu’on lui offrait sans cesse, en est revenue en mars dernier pour tourner le thriller Mi Amor, de Guillaume Nicloux, où elle incarne un premier rôle et donne la réplique à… Benoît Magimel.


C’est important pour une actrice d’être l’ambassadrice d’une marque ?
Cela me donne de la visibilité, c’est financièrement intéressant et surtout, cela me permet de refuser les rôles que je n’ai pas envie de jouer. Et en plus, j’adore les produits NARS, donc ce n’est vraiment pas un problème pour moi, j’aime leur côté audacieux, irrévérencieux. Ils ont un blush qui s’appelle « Deep Throat », tu imagines ? Ils sont sexy et différents, j’adore ! 

Que pensez-vous du movement #Metoo ? Avez-vous lors de votre carrière été victime de violences sexistes ou sexuelles ? 
Tout le monde en a été victime à un moment ou un autre dans sa carrière. Je n’ai pas connu de drame ou de choses trop dures, mais il y avait parfois de des ambiances bien misogynes sur les plateaux. 

Est-ce que les choses changent ? 
Bien sûr, bien sûr… Certaines personnes pouvaient se permettre de mal vous parler, avec des remarques sexistes, blessantes. J’ai l’impression que nous sommes plus en sécurité maintenant. 

Mission: Impossible – The Final Reckoning de Christopher McQuarrie
Sortie en salles le 21 mai


Entretien Marc Godin
Photos Lorenzo Agius