LE DROIT À LA STUPIDITÉ !

EDITO laurence remila

Le 6 janvier, les musiciens John Maus (il pratique une sorte d’électro-pop croonée) et Ariel Pink (lui, c’est le patapouf post-pop enregistré sous codéine) ont la riche idée de se rendre à la manif’ de soutien à la « victoire » de leur idole, Donald J. Trump. Et non, ils n’ont rien à voir avec l’assaut sur le Capitol. Mais oui, ils ont chacun le cerveau bien cramé par la théorie de « l’élection volée » (et aussi, j’imagine, par une vie à gober lysergiques, champis et tout ce qui peut passer par un tourbus). Ce jour-là, nos deux rock’n’roll casualties clament donc leur soutien au président sortant devant les caméras. La sentence ne se fait pas attendre. Ariel Pink est viré illico de son label Mexican Summer. Quant à John Maus, il voit le nombre de ses followers chuter (l’ultime punition par les temps qui courent)…

Quand on a grandi en écoutant « la musique du diable » à la fin du siècle dernier, on était trop heureux de découvrir les aventures – racontées avec la gourmandise un peu envieuse des meilleurs journalistes rock – des têtes brûlées derrière les enregistrements. Spoiler : les plus fascinants ne brillaient pas vraiment par leur correction politique. Depuis, on a du mal à juger l’intérêt d’un artiste selon le nom inscrit sur son bulletin de vote.


On propose donc : 

  • De zapper les déclarations engagées de 99 % de nos artistes chéri(e)s. (J’apprends à l’instant que le batteur – oui, le batteur – d’un groupe de métal californien quitte ses camarades pour « divergences politiques ». Fantastique.) 
  • Qu’une rédaction (celle du Monde, au hasard) ne se désolidarise pas illico, et fort maladroitement, de son dessinateur (Xavier Gorce, donc) pour un dessin loupé. 
  • De se montrer plus indulgents avec les interviews de Camélia Jordana (celle accordée à l’Obs est tellement décousue, on croirait entendre un Keith Richards en pleine soliloquie à Nellcôte à trois heures du mat’). 
  • Bref, exigeons le droit à la stupidité pour tous les artistes !


Sur ce, permettez-moi de foutre le premier Motörhead (mené par Lemmy, collectionneur de babioles du Troisième Reich) ou le When de Vincent Gallo (le chef d’œuvre anémique d’un futur Trumpien) sur la platine. Et je vous laisse à vos Biolay (Hollande 2012) et à vos Noah (idem). 

Très bonne lecture (et désolé d’avance de l’intelligence qui se trouve un peu partout dans ce numéro),


Laurence Rémila
Rédacteur en chef