Eric et Quentin : « Le bad buzz rendra le film culte ! »

Ils sont quelques milliers à avoir vu leur premier film en salles. Et des centaines de milliers à le flinguer sur les réseaux. Un bon bad buzz vaut-il mieux que no buzz ?

Bon, comment deux humoristes qui cartonnent au Quotidien de Yann Barthès se retrouvent à l’affiche du plus gros flop de l’année ?
Éric : Ah d’accord, ça va être comme ça ! (Rires.) Ça faisait un moment qu’on parlait de faire un film avec Abel Nahmias (producteur, entre autres, de Cinéman et Seuls, ndlr). Et de fil en aiguille, l’idée de traiter d’un bad buzz nous a plu. On sentait que ça pouvait donner quelque chose d’assez trash et transgressif. Et maintenant que le film est terminé et sorti, on est fiers d’avoir tenu cette ligne-là.

Vous vous êtes inspirés du cas Galliano.
Éric : C’est fascinant de voir comment une carrière peut être détruite de manière immédiate. Et c’est ta vie privée aussi, tout, pas que ta carrière. Avec un bad buzz, c’est toute une vie qui s’effondre… Galliano, ce qu’il a dit, c’était affreux – et pas de bol pour lui, ça a été filmé.
Quentin : Tout part très vite ; et tout est vite oublié, d’une certaine manière.

On aimerait prendre la défense de votre film, mais ce n’est pas facile. On pourrait dire qu’il a une portée sociologique qui n’a pas été saisie ?
Éric : Eh bien, tu sais quoi, je pense que c’est justement parce qu’il a une portée sociologique, et je dirai même politique, qu’il a été si mal accueilli. Si si !
Quentin : C’est devenu très compliqué de faire des comédies qui ne sont ni lisses ni tendres. Dès que tu t’y essaies, tu te retrouves avec des gens qui se disent scandalisés.
Éric : Qu’on te dise qu’une vanne est foirée, d’accord. Mais quand on voit qu’une blague sur un torero mort (faite à l’antenne de France Inter par le chroniqueur Frédéric Fromet, ndlr) suscite des milliers de plaintes, y’a un problème. Faire de l’humour noir devient impossible.

Vous auriez dû faire une comédie beaucoup plus familiale, non ?
Quentin : Non, surtout pas !
Éric : On est fiers de notre film, tu sais.
Quentin : Maintenant, si le but c’est de faire 6 millions d’entrées, oui il faut faire des comédies familiales.
Éric : Mais bon, ceux qui n’ont pas aimé le film ne l’ont même pas vu, alors…

Mais pourquoi avoir refusé les projections presse ? C’était tendre le bâton pour vous faire battre.
Éric : Pour être tout à fait honnête, on n’était pas au courant.
Quentin : C’est une politique du distributeur (EuropaCorp, ndlr) avec tous ses films. Bon, on s’est quand même pris des articles titrés « Éric et Quentin interdisent la presse ».

Et comment ça s’est passé le jour de la sortie ?
Éric : On a tourné un sketch pour Quotidien. Journée normale.

Et après, vous êtes allés à la « soirée chiffres » de votre producteur ?
Éric : Euh, à la soirée chiffres, on en rigolait. Parce que ce n’est pas grave, ce n’est pas la fin du monde… Quentin : Bad Buzz est un film modeste de toute façon (avec un budget de moins de cinq millions d’euros, ndlr), pas un « accident industriel ».
Éric : On en retiendra, en tout cas je l’espère, qu’on ne s’est pas lissés pour faire des entrées. Tout ce bad buzz rendra peut-être le film culte.

(Sorti dans 240 salles le 21 juin, Bad buzz a été retiré de l’affiche au bout de 15 jours.)

ENTRETIEN OLIVIER MALNUIT

Paru dans Technikart #214 juillet/août 2017