CONDÉ NAST BOYCOTTE-T-IL LE CALENDRIER GRÉGORIEN ?

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Mais pourquoi le groupe derrière nos mensuels préférés refusent désormais de les sortir tous les mois ? Décryptage.

On l’a tous appris en quatrième : en 1583, le pape Grégoire XIII réforme le calendrier julien. 365 jours, 52, 17 semaines et douze mois. Cette timeline s’est révélée bien utile par la suite pour échelonner les sorties de magazines et justifier les abonnements des lecteurs. Les astronomes de l’époque seraient donc très chagrinés d’apprendre que le groupe Condé Nast – propriétaire de Vogue, GQ, Vanity Fair et Wired, entre autres (et jusqu’ici LA référence en presse de luxe) –, n’en n’a visiblement plus rien à carrer…

2 septembre 2025. Anna Wintour cède sa place de boss éditorial du Vogue US (mais pas celle de boss éditorial de Condé Nast monde) à Chloé Malle (ci-dessus), 39 ans, journaliste à la tête de Vogue.com depuis 2023. La fille du réal’ français et de l’actrice américaine Candice Bergen est nommée « head of editorial content » du magazine. Quelques jours plus tard, la New-Yorkaise la plus en vue des médias annonce que la périodicité de son magazine snobera les mensualités classiques pour suivre un rythme saisonnier, et ainsi se caler sur les grands événements culturels (Fashion Weeks, Met Gala, Festival de Cannes, peut-elle même le Festival de l’Andouille d’Aire-sur-la-Lys, qui sait).

FLOU EDITORIAL

Rappelons que GQ et Vanity Fair, deux autres marques emblématiques de Condé Nast, avaient déjà abandonné la rigueur mensuelle et, depuis cinq ans environ, ne publient parfois qu’un numéro sur deux ou trois mois, le tout dans un flou éditorial qui n’est pas pour rassurer ni les abonnés, ni les annonceurs : « Vanity Fair publie tous les mois, sauf pour les éditions de juillet/août et décembre/janvier (jusque-là, pourquoi pas, ndlr), et d’autres éditions combinées comptant pour deux, indiquées sur la couverture du magazine ». Tip top. Autre cas encore plus inquiétant, celui du magazine Wired, passé d’un rythme mensuel à trimestriel fin 2024 (après avoir fait fusionner les sites web des éditions US et UK).

Qu’est-ce à dire ? Que Condé Nast aurait de plus en plus de mal avec son business-model (ses titres prestigieux sont censés générer d’autres revenus à travers ses offres de brand content, en événementiel, etc) ? Ou faut-il voir dans cette lente, mais effective, transformation éditoriale une stratégie globale visant à transformer ses magazines, Vogue en première ligne, en mook de table-basse, fabriqué à moindre frais (la baisse de qualité du papier n’est pas passée inaperçue), mais toujours en grande synergie avec les marques ? D’autant que les dernières covers (Emma Stone, Gigi Hadid et Kendall Jenner) ont déçu les fans (boring, déjà-vues…), que le site Vogue Runway a mis fin à son accès tout-public (et rendu le challenger Tagwalk, du jour au lendemain, in-con-tournable !) et que les plus avertis craignent un débinage progressif des talents journalistiques qui avaient fait la gloire du mag’ préféré de la reine-mère Wintour. À suivre donc – mais peut-être pas le mois prochain.


Par Violaine Epitalon