LES PNEUS HYPERCONNECTÉS DE PIRELLI

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À l’occasion de la présentation du nouveau P ZERO de Pirelli, rencontre avec Corrado Rocca, directeur recherche et développement au Cyber Tyre technology du groupe Pirelli, à Milan.

L’« esthétique Pirelli », c’est un logo fort. Créé en 1908 à New York, son « P » englobant le nom de la marque fait partie intégrante de la pop culture. Qu’on sache ou qu’on ne sache pas qu’avec ces pneus Pirelli est une marque phare de l’histoire des courses automobile, on connaît et reconnaît ce logo, décliné, par exemple, sur les casquettes données aux pilotes sur les podiums de Formule 1 pour célébrer leur résultat en course. Quelques-unes des campagnes de la marque italienne des 80’s-2000’s font également partie de l’histoire de la publicité pop, couleur criarde et idée précise : la plus significative d’entre elles est le sportif Carl Lewis en talon rouge vif pour Pirelli, en 1994, nommée : « La potenza è nulla senza controllo », photographié par Annie Leibovitz, à Houston.

Comment Pirelli cultive cette image de marque à la fois pop, sportive et technique ? Fournisseur unique et exclusif de la F1, depuis 2011, le championnat de monoplace lui permet d’incarner cette double casquette : être à la pointe de la haute performance, tout en étant au cœur d’une des machines sportives les plus sexy de la scène mondiale – le championnat de F1 est de plus en plus regardé, et adoubé, avec un public qui s’est diversifié avec la sortie de la série Netflix Drive to survive.

Par Annie Leibovitz, photo du sportif Carl Lewis, pour Pirelli, 1994.
Par Annie Leibovitz, photo du sportif Carl Lewis, pour Pirelli, 1994.


13 mai 2025, circuit de Monza. À quelques mètres des stands, une voiture exceptionnelle est présentée pour la première fois à la presse, la Pagani Utopia Roadster. La nouvelle Pagani fait le bruit d’un avion au décollage. C’est à la fois insensé et sublime. Pourquoi autant de vitesse, mais aussi, autant de démesure dans le design ? Il y a là une exigence sans vergogne. L’idée jusqu’au-boutiste d’un fabricant radical – Horacio Pagani. Le modèle est équipé d’une autre nouveauté, l’adoption de la technologie Cyber Tyre de Pirelli. Un capteur est fixé directement sur la gomme du pneu. Conçu pour le moment uniquement pour des modèles prestigieux, comme les voitures Pagani, Pirelli présente ce qui pourrait bien être l’avenir du pneu haut-de-gamme : un outil hyperconnecté. Cette collaboration avec Pagani est une nouvelle façon pour la marque au P jaune d’affirmer son statut pop et sportif.

Rencontre pointue sur la gomme avec Corrado Rocca, directeur recherche et développement au Cyber Tyre technology du groupe Pirelli, à Milan.

Corrado Rocca présente à la presse le Pirelli P ZERO™ au circuit de Monza, Italie.
Corrado Rocca présente à la presse le Pirelli P ZERO™ au circuit de Monza, Italie.


Vous présentez Pirelli P ZERO™, qui équipe notamment les nouveaux modèles de la marque Pagani. En quoi sont-ils nouveaux ?

Corrado Rocca : Le pneu est équipé d’un capteur, d’une batterie et d’une interface sans fil. Nous transmettons donc les informations via Bluetooth low energy à un récepteur dans la voiture. Et automatiquement notre logiciel, qui se trouve dans les unités de contrôle du véhicule, est capable de traduire ces informations en informations utilisables.

Par exemple ?
Nous pouvons anticiper l’aquaplaning. En tant qu’être humain, lorsque je marche sur de la glace, je peux me dire que je suis sur de la glace, et qu’il me faut, pour ma sécurité, ralentir, mesurer chacun de mes pas. De la même manière, l’aquaplaning est un phénomène qui se produit lorsque vous avez trop d’eau sous votre pneu et que vous n’arrivez pas à l’évacuer par les rainures ; pour l’éviter, il faut ralentir. Avoir une donnée directe des pneus permet de recevoir l’information qu’il faut ralentir et anticiper l’aquaplaning. Avec la Pagani Utopia, c’est la première fois au monde qu’un système actif comme l’ABS et l’ESP utilise ces informations, de manière entièrement automatique, de sorte qu’il n’y a aucun bouton, aucun réglage à effectuer. La voiture reconnaît les pneus et, automatiquement, le système fonctionne de manière optimale. Auparavant, le système était toujours sous-optimal, c’est-à-dire que c’est un système fantastique, mais si vous ne savez pas quel est le pneu, il vaut mieux prendre un niveau de précaution plus élevé, n’est-ce pas ? C’est donc ce concept qui est à l’origine du projet. Le potentiel est énorme.

Comment pouvez-vous anticiper pour obtenir les meilleurs résultats possibles ?
Plus vous vous rapprochez de la route, plus vous réagissez rapidement. Et plus vous réagissez vite, plus vous gagnez de mètres ou de centimètres lors d’un freinage d’urgence. Les voitures sont désormais très connectées. Et cette information, au plus près de la réalité de la route, de son humidité, de son potentiel glissant, dangereux, peut se transmettre d’une voiture à l’autre. Ce qui est en cours aujourd’hui, c’est le développement de la route intelligente. Cette technologie y participera. Notre idée : donner un rôle décisif au pneu, qui a toujours été considéré comme un élément passif. Permettez-moi de vous donner un autre exemple. Nous coopérons également avec les autoroutes italiennes pour utiliser ces capteurs afin de comprendre la déformation de l’asphalte. Vous savez que l’asphalte a un cycle d’entretien et en fonction de l’asphalte, il peut y avoir différentes granularités et il peut commencer à se produire un phénomène appelé gravillonnage. Avec un capteur, nous pouvons donc comprendre quel est le niveau de détérioration de la route et envoyer ces informations.

Ce pneu connecté, faut-il le recharger avant de prendre la route ?
Non, le système est conçu pour durer la vie du pneu. Si vous avez une voiture de sport, vous allez sur la piste, vous faites deux tours et vous brûlez vos pneus. La durée de la batterie peut être courte, cette utilisation demande des informations précises, mais de courte durée. Dans le cas d’une voiture de ville, nous concevons généralement un pneu pour une durée de vie de cinq ou six ans. Nous dimensionnons donc la batterie, d’après la logique de son utilisation.

Cette technologie fonctionne d’après un capteur placé à l’intérieur du pneu. Quid de sa fin de vie : est-il réutilisable ?
Il ne sera pas récupéré car il aura normalement épuisé ses ressources en même temps que le pneu. Il est par ailleurs assez facile de séparer les composants électroniques du pneu lui-même. Ensuite, nous avons conclu des accords avec les acteurs du secteur, que ce soit avec notre partenaire Bosch, ou les revendeurs. Il existe un système de collecte.

Quel est le futur de cette technologie ?
Idéalement, être capable de donner une nouvelle dimension à la conduite autonome. Aujourd’hui, la plupart des nouvelles voitures utilisent le Lidar (technologie de télédétection par laser, ndlr), le sonar (détecteur de mouvement sonore, ndlr) et les caméras. Chaque ajout de technologie permet de perfectionner chacune d’entre elles pour améliorer la sécurité des conducteurs, mais aussi permettre à chaque technologie d’être la plus performante possible. Or, jusqu’à aujourd’hui, le pneu n’a pas contribué à cela. Le cerveau reçoit toutes les informations de notre corps pour agir. Donc, plus on veut aller vers des voitures autonomes sophistiquées, plus le cerveau d’une voiture doit avoir la capacité de prendre des décisions de manière autonome. Ainsi, plus il reçoit d’informations, y compris du pneu, meilleures sont les décisions qu’il prend. Nous travaillons donc également sur cet aspect pour voir quelles sont les fonctions qui peuvent être disponibles. Et bien sûr, cela dépend du segment automobile. Mais les voitures autonomes, je pense que c’est un défi intéressant pour tout le monde. Nous voulons donc y contribuer.

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Par Alexis Lacourte