VOTRE COUPLE A-T-IL (VRAIMENT) BESOIN D’UNE LICORNE ?

couple licorne technikart

Bonne nouvelle ! Les codes de la rencontre sont sur le point de connaître une grande révolution : l’homme parfait n’est pas fait pour vous (snif), mais il pourrait bien sauver votre couple… Décryptage.

Légende photo : TRIPLE GOAL_ La dernière rom’ com’ signée Celine Song, Materialists, semble nous donner une leçon : il te suffit de rencontrer la « perle rare » pour comprendre que ton ex fauché mais bigrement attachant était the one. Convaincue ?

Sur le balcon, perchée au septième étage d’un immeuble haussmannien, Clara triture la branche de ses lunettes de soleil et soupire pour la quatrième fois en deux minutes. Célibataire depuis janvier, elle a abandonné l’idée de retrouver l’amour dans un parc ou au détour de la ligne 12. L’été arrivant, ses envies ont mué en désirs et c’est à corps perdu qu’elle s’est lancée dans les bras de Paris. Cela fait plusieurs semaines à présent qu’elle me narre ses rencontres, ses dîners, ses ivresses, ses nuits et… ses désillusions. Qu’a-t-il bien pu se passer pour qu’une jeune femme d’à peine trente ans me déclare ce matin, café fumant en main, avoir fait le deuil des relations saines ? « Je ne trouverais jamais le bon ». Je l’ai jugée fataliste, elle a rétorqué être réaliste. Le bon ? Ça ne veut rien dire. Le bon pour qui ? Pour soi ? Pour la société entière ? Ça n’existe pas un homme bon pour la société entière.

ICK & RED FLAG

J’écoute Clara d’une oreille. Je pense à ces milliers de tiktokeuses qui se confient à des millions de spectatrices sur les défauts de leurs prétendants, leurs coups bas, leurs infidélités, leurs promesses non tenues. Je pense aux podcasts qui dissèquent les relations, parlant de ick et de red flag. Je pense aux applications de rencontre, celles chez qui un couple sur deux se rencontre en France. Celles qui ont tant affiné leurs critères que l’on peut débusquer un brun barbu aux yeux noisettes et aux lobes percés sans sortir nos fesses du canapé. Le 2 juillet dernier, le deuxième long-métrage de Celine Song est sorti au cinéma. Comédie romantique moderne, Materialists suit le parcours d’une matchmakeuse à succès (Dakota Johnson), qui va rencontrer l’homme soit-disant parfait (Pedro Pascal). Au cours de leurs échanges, elle lui explique : « Dans mon domaine, tu es ce qu’on appelle une licorne. Tu es beau, charmant. Tu as une note de 10 sur 10 dans toutes les catégories. » Le personnage tenu par notre « zaddy » en chef a beau « être un dix », pour en arriver là, il a fait le choix de se briser les deux jambes afin de gagner quelques centimètres de hauteur. Il avoue à Dakota que cette opération chirurgicale lui a ouvert les portes de la séduction, le rendant soudainement intéressant aux yeux des autres. Triste constat ? Pourtant…

Clara rigole, je raccroche à la conversation. Son dernier date a réglé l’addition d’une très bonne table et c’est, malgré elle, un détail important : « Il est indépendant financièrement. C’est attirant un mec qui ne va pas appeler sa mère en fin de mois pour qu’elle règle les charges de son appart. » Elle marque un point… Mais nos critères sont-ils devenus si bas que l’on applaudit un mec qui étend son linge et se fait à manger ? Depuis quand parle-t-on de critères d’ailleurs ? De standards ? Depuis quand sommes-nous à la recherche de l’homme parfait alors que nous savons pertinemment qu’il n’existe pas ? À ce sujet, le philosophe André Comte-Sponville a enfoncé une porte déjà bien ouverte au micro de France Inter, en mai dernier : « La peur d’être seule se retrouve chez beaucoup de femmes qui vont baisser leurs exigences parce que les mecs, souvent, ne sont pas à la hauteur et qu’elles préfèrent contrairement au dicton bien connu “être mal accompagnée qu’être seule” ». Elle est vraie cette idée comme quoi être seule nous empêche tellement de dormir qu’on préfère accepter un intermittent du spectacle dans notre lit ? Laissez-moi en douter. Bien que l’idée de remettre la faute sur les hommes m’enchante, j’ai du mal à me contenter d’une explication aussi primaire.

CORPS ET ÂME

Je repense à la rupture de Clara, survenue en janvier. Elle a perdu quatre ans à tenter de faire changer son partenaire, quatre ans pour l’aider à sortir la tête de l’eau et qu’il soit bien dans sa peau. Devenue infirmière malgré elle, elle s’est retrouvée piégée par ce syndrôme si répandu qui pousse les femmes à se donner corps et âme dans une relation déjà perdue d’avance. Quand elle a compris qu’il ne changerait pas, même par amour pour elle, elle a fait ses valises et est partie. Non sans séquelles et cicatrices. Si aujourd’hui Clara n’a pas mis le doigt sur ce qu’il lui faut en amour, elle a du moins retenu une chose essentielle : l’homme parfait n’existe pas. Puisque des émissions comme « L’Amour est dans le pré » ou « Mariés au premier regard » subsistent et fonctionnent en audience, il faut en tirer une leçon : le jeu de l’amour n’est finalement qu’hasard. De son côté, l’ex de Clara n’a pas bougé. Toujours seul, il aurait été aperçu dans la salle d’attente d’une clinique esthétique. Qu’il se fasse briser les jambes ou pousser une corne sur le front, il restera lui-même. Et c’est tant mieux.

 

Par Suzanne Derquine