MEME PAS PEUR : POST-POCALYSME ET MECHANTS MUTANTS

Alors qu’un cyclone approche vers l’île de La Réunion, le festival Même pas peur diffuse The Land of the Sons et The Innocents.

Festival haute tension, Même pas peur aura tout connu : le cyclone Batsirai il y a une quinzaine de jours, qui a secoué l’île de La Réunion, fait échouer un pétrolier à Saint Philippe, et qui a provoqué une coupure du net et de l’électricité pendant trois jours, avant que le préfet n’imposé un couvre-feu à 21h à cause de la Covid. Et voici que la tempête tropicale Emnati, à 1000 kilomètres de La Réunion, se rapproche dangereusement et pourrait se transformer en un dangereux cyclone…  Est-ce que cela va empêcher Aurélia Mengin de mener à bien son festival de ciné fantastique ? Que nenni ! Après des séances de courts-métrages bien flippants pour les scolaires, les festivaliers ont pu découvrir un film post-apocalyptique italien, The Land of the Sons, signé Claudio Cupellini.

Après un mystérieux cataclysme, un effondrement, une poignée de survivants craspecs (look Balenciaga/SDF, mood zombie dépressif, haleine de phoque) tentent de survivre à la famine et aux costauds-patibulaires qui veulent les transformer en kebab sauce blanche, le tout dans une lagune crado. Parmi eux, un père et son fils, toujours en quête de nourriture, essayant de survivre une journée de plus. Quand le père meurt, l’ado analphabète se met en tête de trouver une personne capable de lui lire le journal intime de son papounet et de lui en livrer les secrets. Ambitieux, bourré d’excellentes idées, The Land of the Sons ne tient pas toutes ses promesses et le résultat final est inférieur à la somme de ses parties. La faute à un scénario parfois répétitif et un flagrant manque d’émotion. Il semble évident que Claudio Cupellini s’est inspiré dans les grandes largeurs de La Route de Cormac McCarthy, adapté au cinéma avec Viggo Mortensen. Mais si on vibrait à chaque microseconde du livre et du film, c’est que l’on était terrifié par ce qui allait arriver à ce père brisé, mort-vivant qui poussait son caddie et qui gardait toujours une balle dans son revolver pour tuer son propre fils s’ils se faisaient capturer par des cannibales. Ici, Claudio Cupellini filme l’apocalypse comme un entomologiste, même s’il parvient à boucler une dernière demi-heure bouleversante où il perce enfin l’armure.

DU CINÉMA PUR

On enchaîne avec du lourd, une des œuvre les plus terrifiantes de ces dernières années, The Innocents du Norvégien Eskil Vogt, pote et scénariste de Joachim Trier et scénariste d’Oslo 31 août et de Julie (en 12 chapitres). Pour sa seconde réalisation, Vogt délaisse un temps les histoires de trentenaires nordiques qui palabrent des heures durant dans des salons meublés Ikéa. « J’avais envie d’autre chose, un film fantastique, ce genre que j’adore, avec des images incroyables, du cinéma pur, sans dialogue, et des références à Hitchcock ou au cinéma d’horreur. » Inspiré par ses propres enfants, il écrit une histoire d’enfants mutants, de jeux pas vraiment innocents et de super pouvoirs. Loin d’un gros blockbuster Marvel ou DC, Vogt joue habilement la carte de l’enfance et de ses mystères, et sa mise en scène est un modèle de minimalisme radical avec une efficacité maximale, quelques SFX incroyablement efficaces et un beau travail sur le hors-champ. Dans la moite torpeur d’une banlieue assoupie par l’été nordique, le spectateur est entraîné dans une spirale de tortures, de violences, et de meurtres. Et Vogt génère avec ce Scanners en culottes courtes angoisse sourde, inquiétante étrangeté et malaises (voir la scène du massacre du chat), qui parviennent à clouer le spectateur à son fauteuil, terrassé par la trouille.

Projeté à Cannes, primé à Gérardmer, The Innocents a terrassé les spectateurs de Même pas peur, qui vont rentrer maintenant affronter les éléments déchaînés.

 

Par Marc Godin