JEAN BAPTISTE MATRAY (MÉDECINS DU MONDE)  : « NOUS VOULONS UN SYSTÈME DE SANTÉ PLUS INCLUSIF »

MATRAY Jean-Baptiste

Pourquoi avez-vous choisi de travailler chez Médecins du Monde ?
J.B Matray : J’y travaille depuis 6 ans, mais je suis dans le milieu associatif depuis bien plus longtemps. Ce que j’apprécie, c’est le statut indépendant de Médecins du Monde. L’association tient à conserver une certaine indépendance financière qui lui permet d’élargir ses champs d’action sans dépendre d’autres organismes. Cette indépendance nous permet d’agir plus librement et rapidement. Cette particularité est vraiment importante puisque nous intervenons très régulièrement dans des situations d’urgence. Il y a aussi chez Médecins du Monde un engagement politique fort qui promeut un réel changement social et qui dénonce les extrémismes. En quelque sorte, Médecins du Monde a aussi un statut de contre-pouvoir.

On a le cliché du French Doctor qui part soigner à l’étranger mais vous intervenez aussi beaucoup en France…
En effet, nous agissons dans une trentaine de pays dans le monde dont la France où l’accès aux soins est loin d’être égal pour tous. On travaille par exemple dans les déserts médicaux, sur des territoires sensibles comme Lens et Hénin-Beaumont dans le Nord où les taux de mortalité et d’alcoolisme sont dangereusement élevés. Nous agissons dans une logique de sensibilisation et de prévention, toujours main dans la main avec les associations locales. À Paris et dans d’autres villes de France métropolitaine, nous menons des programmes de réduction des risques qui s’adressent aux travailleurs et travailleuses du sexe ou aux consommateurs de drogues. Sans juger ces pratiques, nous militons pour des lois et des protocoles de soins adaptés et efficaces. D’ailleurs Médecins du Monde est à l’initiative des “salles de shoots”, ces lieux de consommation encadrée dont l’idée est de garantir une certaine sécurité aux personnes en les accompagnant. Nous préférons cela à la répression qui est en réalité peu efficace et qui engendre des problèmes parfois plus graves que la toxicomanie elle-même.

Vous intervenez aussi à l’international, en Europe par exemple, dans le contexte du conflit entre la Russie et l’Ukraine ?
Il y a une quinzaine d’associations Médecins du Monde à l’international. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, trois de ces associations collaborent sur le terrain ukrainien ou dans les pays limitrophes. Elles interviennent aux frontières par exemple, pour accueillir les réfugiés et procurer les premiers soins avec une attention particulière à la santé mentale des victimes de guerre. À l’intérieur du pays, nos associations appuient des structures de santé, renforcent l’offre de soins et proposent un soutien psychosocial au personnel soignant ukrainien, épuisé par plus d’un an de guerre. Ce sont des actions qui vont durer puisqu’à la fin du conflit, nous aiderons aussi à la réhabilitation du système de santé lors de la reconstruction du pays.

En 2023 vous lancez un évènement, le Festival des Gros Maux, ce n’est pas la première fois que MDM prend ce genre d’initiatives…
Le Speedons : Il y a 3 ans nous avons lancé Speedons, un marathon d’e-gaming caritatif. En somme, 80 heures de jeu en ligne de haut niveau sans interruption. La troisième édition s’est tenue en mars 2023. Nous en attendions beaucoup et la générosité du public a été au rendez-vous puisque nous avons récolté 1 252 637 euros. Speedons est aussi une occasion pour Médecins du Monde de partager ses combats avec le grand public, de défendre ses valeurs et de proposer des solutions d’engagement à nos côtés.

Et le Festival des Gros Maux alors ?
Nous voulions créer un événement marqueur, propre à l’identité militante de notre ONG. Un événement fédérateur qui reviendrait tous les ans, pour parler de la richesse de notre association, informer sur les problèmes liés aux difficultés d’accès aux soins, collecter de fonds. Nous cherchons aussi à établir des partenariats avec des entreprises en phase avec nos valeurs. Ce sera un festival d’art urbain en tout genre. Au mois de février, nous avons lancé une première étape importante avec le concours d’écriture du festival, ouvert à tout le monde. Chaque participant devra nous envoyer un texte engagé pour dénoncer les maux de notre société. Cela peut être un poème, une lettre ouverte, un texte d’éloquence, une nouvelle ou même une chanson. Les textes sélectionnés seront interprétés par des personnalités ou exposés lors du Festival des gros maux en novembre 2023 à l’espace Ground Control à Paris.

Comme d’autres associations liées à la santé, vous avez besoin de bénévoles, est-ce que la crise sanitaire à jouer un rôle dans l’engagement des citoyens pour MDM ?
Pour les associations, il y a un vrai enjeu autour de la question de l’engagement bénévole. La crise Covid est venue bouleverser les habitudes. Nous travaillions avec beaucoup de personnes bénévoles âgées, des retraités qui souhaitaient donner de leur temps pour nous soutenir. Par précaution vis-à-vis du virus, elles se sont peu à peu retirées, ce qui est compréhensible. Aujourd’hui, nous voudrions sensibiliser les générations plus jeunes à aller au-delà du don, qui est déjà très bien en soi bien sûr, et à trouver des formes d’action de bénévolat t d’engagement à nos côtés.

 

Entretien Anna Autin