FRANÇOIS DOSSA : OBJECTIF VERT !

jaguar JLR François Dossa

François Dossa le directeur de la stratégie du groupe Jaguar Land Rover revient à l’occasion de la soirée « Têtu et Jaguar » sur l’avenir du groupe automobile JLR, qui se situe à la croisée du développement durable, des nouvelles technologies et de l’art. 
En partant de son propre parcours et de son orientation sexuelle, il souligne également la nécessité de promouvoir davantage la diversité et l’inclusion au sein des entreprises.

Est-ce que vous pouvez nous préciser votre fonction au sein de Jaguar Land Rover ?  
Mon rôle au sein de JLR, c’est d’être « le patron de la stratégie ».
C’est une mission assez vaste, car elle concerne un certain nombre de secteurs importants : l’innovation, le développement durable, toutes les nouvelles technologies ainsi que la diversité et l’inclusion. 
Nous appartenons au groupe de technologies indien Tata, avec lequel nous sommes en train de nouer une relation de plus en plus forte pour vivre notre transformation. 

Par rapport à ces technologies comment allez-vous les intégrer à l’automobile et comment cela va-t-il être innovant ? 
On va commencer par l’électrification, en passant d’une voiture thermique à une voiture électrique avec les nouvelles technologies de batterie et de moteur électrique, ce sont des innovations importantes.
Ensuite on va devoir créer des véhicules connectés.
La connectivité pour les jeunes clients c’est indispensable. Or c’est très difficile de l’être dans un élément qui se déplace dans un tunnel, les campagnes… Pour répondre à cette problématique, nous allons devoir trouver les technologies nécessaires dans le groupe « Tata communication », qui est le leader mondial de la connectivité. 
Après il y a évidemment la question de l’autonomie de la voiture où l’on choisira de conduire ou d’être conduit. 
Enfin arrivent tous les nouveaux « business models ». Ainsi, la jeune génération, ne va pas forcément avoir envie d’être propriétaire mais peut-être de louer, de faire une souscription… Il y aura pour ces nouveaux usages l’utilisation de technologies digitales.

Vous qui gérez aussi tout ce qui concerne la diversification et l’inclusion, pouvez-vous nous dire quelle est l’importance pour des entreprises aujourd’hui d’intégrer cette dimension dans la stratégie ?
C’est très important. Selon ma vision, c’est « juste » d’avoir une entreprise diverse. Une entreprise doit ressembler à ses clients, qui sont des hommes, des femmes, des noirs, des gays…
Si l’entreprise n’est pas le reflet de ces populations on ne va pas savoir leur parler.
Il y a des études statistiques qui disent que les entreprises les plus diverses sont les plus rentables et les plus innovantes. Ce qui paraît évident, car c’est en mettant en avant les différences qu’on crée beaucoup de valeur.
J’y suis personnellement attaché aussi car je suis gay, et que pendant longtemps je pensais que la société n’était pas faite pour moi car je ne voyais pas de gays dans le comité exécutif, pas de femmes, pas de noirs… Il faut que ça change !
On peut donc le faire car ça nous touche ou car c’est plus rentable, les deux fonctionnent. De toute façon il faut travailler là-dessus. 
Au sein de JLR on met en place une politique de quotas. Il faut donc embaucher et promouvoir les minorités avec des quotas, autrement les entreprises ne le font pas suffisamment. On a quatorze réseaux au sein de l’entreprise qui représentent des minorités et qui travaillent en faisant remonter les informations, c’est le « bottom up ». C’est par exemple des politiques comme celle des paternités : pourquoi les pères ne pourraient pas élever leurs enfants ? 
Mon rôle c’est de faire le « top down », afin que le comité général de l’entreprise agisse aussi. Cela va prendre du temps, on a commencé fermement il y a deux ans mais ça doit continuer car le monde dans lequel on vit est encore un monde très injuste. Il y a des pays qui reculent, au sein desquels on revient sur les acquis.

Quels seraient selon vous les combats de demain à mener ? 
Il y en a un d’une urgence absolue c’est le développement durable. On l’a vu cet été avec par exemple, les incendies en Grèce : on ne peut plus respirer, il faut très vite que tout le monde le comprenne et change ! Or la difficulté c’est justement le changement. 
Au sein de l’entreprise, la première chose que l’on a faite, c’est d’informer tout le monde à travers des formations pour tous nos employés sur le changement climatique. Premier stade : qu’est ce qui est en train de se passer ? 
Deuxième stade : comment agir dans le quotidien pour changer ?
Je ne sais pas quelle planète on va laisser à nos enfants mais je trouve ça très préoccupant.  

L’avenir de l’automobile semble se forger avec l’intégration du développement durable dans la stratégie, comme l’introduction de moteurs électriques par exemple, est-ce que ça doit aller plus loin ?
Oui ça n’est pas suffisant…
Les voitures ont des moteurs électriques mais il faut trouver de l’énergie renouvelable pour intégrer cela dans les batteries. Si on trouve de l’énergie avec une centrale à charbon, imaginez ce que qu’on a jeté dans l’atmosphère…
Une fois que la batterie a été utilisée pendant une dizaine d’années, il faut pouvoir la recycler, car on n’aura pas assez de lithium… On doit donc penser à l’économie circulaire. Il faut recycler tout ce que l’on peut recycler et là on sera dans une vraie énergie verte.

Et vous avec le groupe Tata, comment êtes-vous concrètement en train de développer des technologies qui permettent de mieux intégrer le développement durable ?
Natarajan Chandrasekaran, « chairman » de Tata ne fait pas un discours sans souligner l’importance pour notre groupe de devenir le plus éco-responsable au monde !
Ce qui veut dire que chacune des entreprises dans son secteur, doit devenir la plus éco-responsable.
Il y a des synergies mises en place entre nous avec une entreprise qui s’appelle « tata steel » qui fait de l’acier vert qu’on appelle « green steel », que l’on va utiliser dans les voitures, une autre c’est « tata chemical » qui fait des produits chimiques verts que l’on va pouvoir utiliser. On a donc un atout particulier c’est qu’on appartient à un groupe avec beaucoup d’intelligence et de technologies. 

A quoi doit-on s’attendre pour les prochains modèles de Jaguar qui vont sortir en 2025 ?
Vous allez avoir un choc ! J’en vois beaucoup des voitures c’est mon métier, mais les futures voitures vont être très disruptives tout en étant des voitures d’art. 
Jaguar c’est l’art, c’est ce qu’on fait avec le magazine Têtu en faisant venir des jeunes artistes au cours d’une soirée pour imaginer des créations autour des modèles qui sont pensés par rapport au nouvel ADN de Jaguar.
La voiture va être à la croisée de toutes les technologies intégrées avec une plateforme qui permettra une conduite très agréable, et une communication avec la voiture.
Jaguar aime prendre des risques, et n’a pas peur d’innover !

 

Par Juliette Dana
Photo : Alan Marty