Fondatrices du studio de parfumerie Flair, Amélie et Anne-Sophie créent avec leur équipe de boss ladys des fragrances pour des marques partout dans le monde. Interview duo.
Légende photo : AU PARFUM_ Anne-Sophie Behaghel (à gauche) et Amélie Bourgeois (à droite) ont fondé leur studio de parfumerie Flair en 2013. Leur objectif ? Inventer un contre-modèle aux grands laboratoires, et proposer des fragrances anti-conformistes.
Il y a un peu plus de vingt ans, vos chemins se croisent grâce à Monique Schlienger – légende et pionnière de la parfumerie de niche. Comment cette amitié coup de foudre a-t-elle donné naissance à Flair ?
Anne-Sophie : En un mot : Amélie ! Au début des années 2010, le monde du parfum tournait un peu en rond, coincé dans ses codes internationaux. On rêvait d’un vent de liberté, d’une parfumerie où les créateurs pouvaient à nouveau s’exprimer sans filtre. La parfumerie de niche en était à ses débuts, timide mais déterminée, avec ses créations audacieuses. On s’y est reconnues tout de suite.
Amélie : On voulait faire bouger les lignes ! Avec Anne-Sophie, on vibrait sur la même longueur d’onde. On avait besoin de garder ce lien direct avec les gens, de sentir leurs réactions, littéralement ! Elle, c’est la fougue, le trait urbain, trash et brut. Moi, je suis plus nature, poésie et dentelle. Ensemble, ça fait des étincelles.
Aujourd’hui, vous accompagnez plus d’une centaine de marques en France et à l’international. Votre mantra ?
Anne-Sophie : Liberté, créativité et bienveillance. Nos clients savent qu’ils peuvent tout nous demander – du brief ultra-précis à la carte blanche totale. Notre vraie force, c’est notre complicité, mais aussi notre équipe incroyable : cinq parfumeures (Amélie Bourgeois, Anne-Sophie Behaghel, Margaux Le Paih-Guérin, Camille Chemardin et Pauline Jégousse), une parfumeure analyste (Ambre Bouchard), un assistant parfumeur (Yusuke Masuda) et Sandra Barré, qui pilote la direction artistique.
Amélie : Ce qu’on adore, c’est l’énergie que chacun apporte. On est une petite entreprise avec de grandes ambitions. Chez nous, tu peux tout faire, mais il faut le faire soi-même. Dans la bienveillance et la sororité ! On travaille toutes sur les mêmes projets, mais quand le parfum d’une autre est validé, c’est la fête pour tout le monde.
La niche s’invente à contre-courant des tendances, alors d’où viennent vos inspirations ?
Amélie : De tout ce qui nous traverse ! Une œuvre d’art, un plat, un bouquin, un voyage, une balade en forêt… C’est notre empathie et notre curiosité qui nous permettent de capter ce que veulent les directeurs artistiques, chacune avec notre touche personnelle.
Anne-Sophie : Et puis, on expérimente beaucoup. Pour moi, la liberté, c’est de créer des parfums qui ne ressemblent à rien au premier sniff. Je pars souvent d’une matière première en overdose, je teste, je compose, je laisse la formule parler d’elle-même.
C’est cet amour des matières premières qui vous a conduites à ouvrir une usine de production près de Paris ?
Anne-Sophie : Exactement ! Depuis le début, nous voulions suivre chaque étape du processus, du sourcing des essences à la mise en fût. Nous travaillons main dans la main avec nos producteurs – souvent des artisans cultivateurs, passionnés et engagés – pour comprendre la réalité du végétal. Nous allons régulièrement sur le terrain, pour observer, toucher, sentir, mais aussi pour analyser la qualité et la pureté des matières. Pendant des années, nous avons rêvé d’un lieu qui nous permettrait de tout maîtriser, sans dépendre des contraintes extérieures. C’est une manière d’assumer notre responsabilité de créatrices, jusqu’au bout du flacon. Nous n’avons pas voulu d’un lieu industriel déconnecté, mais d’un espace à taille humaine, vivant, qui reflète notre philosophie. En 2025, tout s’est enfin aligné : les bons partenaires, la bonne énergie, le bon moment.
Amélie : C’est aussi un espace d’expérimentation. Nous y testons de nouvelles associations, de nouvelles concentrations, de nouvelles façons de travailler la matière. C’est un peu notre terrain de jeu, notre laboratoire d’idées. Cette proximité physique avec les matières premières nourrit directement notre créativité : on ne compose pas de la même façon quand on sent, au quotidien, les huiles, les absolus, les concrètes dans leur forme la plus brute.
Un podcast, un prix… Chez Flair vous établissez un lien fort entre l’olfaction et la création artistique.
Amélie : Complètement. Il y a trois ans, Sandra Barré a franchi la porte de notre bureau avec une idée : créer un espace dédié au dialogue entre art et parfum. Un lieu où les projets culturels – d’artistes, de galeries ou de musées – seraient accompagnés avec soin, temps et rigueur. On a tout de suite adhéré. De là sont nés le Prix Flair pour l’art olfactif et le podcast Flair l’art. Un prolongement naturel de notre vision : celle d’une parfumerie qui parle à tous les sens !
Par Adèle Thiery
Photo Pierre Cathala




