VICTOR WEINSANTO, CRÉATEUR BURLESQUE : « L’ALSACE, C’EST TRÈS SEXY ! »

Victor Weinsanto technikart mode

À la tête de sa maison éponyme, le jeune Victor Weinsanto fait rayonner son Alsace natale à travers des créations oniriques, entre le burlesque et le théâtre. Rencontre avec un amoureux de la scène.

Tu es un ancien danseur classique, comment as-tu été rattrapé par la mode ?
Victor Weinsanto : Je suis issu d’un milieu plutôt modeste, qui n’a aucun lien avec le milieu de la mode. En grandissant, je me suis rendu compte que c’était quelque chose que je trouvais hyper intéressant, car ça alliait la danse et le théâtre. Quand je pensais « mode », je ne pensais pas à ce qu’on pouvait acheter dans les grands magasins, mais à de grands créateurs qui me fascinaient.

Cette expérience de l’opéra a-t-elle forgé ton identité mode inspirée des codes du théâtre et du burlesque ?
J’ai toujours été dramatique ! J’ai commencé la danse, intensément, à l’âge de 4, 5 ans. La mode, c’est l’occasion pour moi de rendre hommage à cet art-là. Je visualise beaucoup mes défilés, je pense toute la scénographie de A à Z, ce qui a une influence sur mes créations et donne des inspirations pour mes looks. 

La mise en scène et le costume au service de la danse, est-ce que ça t’intéresserait ?
On ne sait jamais de quoi sera fait demain, mais je suis certain que je finirai par dessiner des costumes pour un spectacle. J’attends le bon projet !

Tu as collaboré avec la maison de vins blancs alsacienne Wolfberger cette année, comment est né ce projet ?
J’ai créé une collection SS22 en hommage à mes racines alsaciennes. J’ai eu la chance que le boss de Wolfberger, qui est quand même la plus grosse maison de crémants et vins alsaciens, m’ait vu à la télévision, dans une présentation de mon travail par Loïc Prigent. Il a eu l’idée de faire appel à moi pour fêter les 120 ans de la marque en 2022.

Quelle place occupe ta région d’origine dans tes inspirations et dans ton travail ?
Je suis très attaché à là d’où je viens, à mes souvenirs d’enfance et à ce que j’ai aimé étant petit, donc forcément on essaye toujours de s’y rattacher et de l’exploiter à sa façon. Je ne pensais pas du tout que mes références à l’Alsace allaient autant plaire, mais tant mieux ! J’ai envie de faire rayonner ma région et de montrer que l’Alsace peut être très sexy !

On a pourtant traditionnellement tendance à gommer notre régionalisme quand on monte à Paris.
Ça fait dix ans que je suis là, donc je n’ai plus besoin de gommer. Mais je suis certain de l’avoir fait au début sans forcément le vouloir, inconsciemment ! On y passe tous je crois.

Si tu devais résumer ton année 2022 ?
Ça a été la plus belle année ! C’est la première fois que j’ai pu faire des collaborations et avoir accès à des projets qui me paraissaient inatteignables, ne serait-ce qu’il y a deux ans lorsque j’ai créé ma marque.

Ton dernier défilé à la Fashion Week de Paris, intitulé « Common Love », a été ouvert par Noémie Lenoir, mais on a pu y voir défiler Charles de Vilmorin. N’y a-t-il pas de rivalité dans la mode ?
Tout est parti d’un dîner Vogue auquel étaient invités des designers de la jeune génération. Tout le monde était bienveillant et l’image qui a souvent été donnée de la mode, où les designers des années 1990 s’entretuaient, est aujourd’hui bien datée. C’est là que j’ai eu l’idée de faire défiler mes amis créateurs et artistes.

C’est aussi l’idée de casser cette image distanciée et très élitiste de la mode ?
Parmi mes amis créateurs, comme Kevin Germanier ou Pressiat, personne n’a cette idée de la mode ou cette mentalité. Monsieur Gaultier nous a ouvert la voie à tous et a laissé la place à une mentalité bienveillante qui a cassé ce système. Maintenant, il faut que les grands groupes suivent…
 

« C’EST COMPLÈTEMENT ENNUYEUX DE PRÉSENTER TOUT LE TEMPS DES FILLES QUI ONT À PEINE 17 ANS. »

 

Pourquoi avoir fait le choix de ne pas uniquement faire défiler des mannequins professionnels, au-delà de l’idée de mettre en avant des amis ?
Je trouve ça complètement ennuyeux de présenter tout le temps des filles qui ont à peine 17 ans, qui font 1 m 80 et qui pèsent 30 kilos. Ça existe, mais ça n’est pas représentatif de la majorité des gens. Je vais reprendre les mots qu’a eus Monsieur Gaultier, mais ce sont les rencontres avant tout qui m’inspirent. C’est la raison pour laquelle je suis très fidèle et que je ferai toujours défiler des copines danseuses ou artistes.

Que penses-tu du rapport muse et créateur dans la mode ? Aspires-tu à avoir une relation comme Saint Laurent et Loulou de La Falaise par exemple ?
C’est quelque chose qui se fait naturellement… J’aspire à avoir des relations qui soient de grandes sources d’inspiration, d’un côté comme de l’autre. Souvent elles me disent « Il n’y a que toi qui me fasses me sentir aussi belle en dehors de ma mère. » Le sentiment est fou. 

Tu participes à l’Arab Fashion Week de Dubaï. Comment observes-tu cette nouvelle scène créative très éloignée des codes de la mode parisienne ?
J’aime cette scène, j’y vais chaque saison. C’est une belle collaboration qui a été faite entre la Fédération de la Haute Couture parisienne et son homologue arabe. Je suis le premier à vouloir respecter la culture qu’ils ont là-bas, donc je ne présente pas exactement mes modèles de la même manière qu’à Paris, mais c’est chouette de se dire que j’apporte une touche différente. Je m’inspire également de ce que je vois là-bas, c’est comme un voyage scolaire. J’y apprends beaucoup.

Tes projets pour 2023 ?
Survivre ! Plus sérieusement, j’espère me pérenniser. C’est difficile de tout gérer puisque je n’ai qu’une seule tête, mais j’espère faire grandir encore la marque. Je suis optimiste. Si ma marque devait s’arrêter un jour, au moins j’aurais adoré ce que j’ai fait. J’espère aussi faire d’autres belles collaborations !

Tes espoirs pour la mode de demain ?
Qu’il y ait davantage de femmes créatrices ! Que la mode laisse plus de chances, puisque malgré tout, on reste dans un milieu élitiste. Si je venais de cité et que j’étais noir, je suis persuadé que ma route aurait été bien plus sinueuse. C’est triste, mais il faut le réaliser pour faire changer cela.

www.weinsanto.com


Par 
Margot Ruyter
Photos Gabrielle Langevin