TONTON GIBS : « TOUT VIENT DE KANYE… ET DU JAPON ! »

tonton Gibs

L’élégante star de l’émission Tonton Gibs Sneakers est passée nous présenter son nouveau livre, Street Style*. Sa devise ? Street rules !

Ta chaîne YouTube, Tontons Gibs Sneakers, cartonne ; tu as écrit deux livres (Cultissimes Sneakers l’an dernier, Street Style aujourd’hui)… Mais comment es-tu devenu un expert du streetwear ? 
Tonton Gibs : Par mon activité sur ma chaîne YouTube, je suis un peu comme un influenceur, même si je déteste ce mot, parce que j’y traite des sorties de la semaine. Je me suis rendu compte que j’ai vécu le streetwear à travers les époques. J’ai quand même 39 ans aujourd’hui, avec ma période caillera, ma période skate, rap, graff’… Ce sont des univers que je connais bien. 

Si on te dit « Street-Luxe », ça t’évoque quoi ?
La mode actuelle ! C’est le cheminement de tout ce qui s’est passé auparavant, avec toutes les marques de luxe qui se sont approprié la street culture, à l’inverse d’avant, où notamment des dealers dans le New York des années 1980-1990 portaient des survêts Gucci, sans que les marques n’y prêtent attention, ne voulant pas y être associées. Maintenant, on a des créateurs dans les grandes maisons, comme Virgil Abloh, qui viennent du streetwear. Les temps changent, et c’est une bonne chose. 

Peut-on considérer des marques comme Bape (A Bathing Ape) du designer Nigo (qui vient d’être débauché par LVMH pour relancer Kenzo) comme du Street-Luxe ? 
Avec Bape, on est plutôt dans le semi-luxe, mais cette marque a aussi contribué à amener le luxe dans la rue, tout comme la marque Off-White de Virgil Abloh, ou Fear of God de Jerry Lorenzo, deux marques qui représentent bien le Street-Luxe pour moi. On vient de la rue, on fait des fringues stylées, de l’oversize, mais va falloir payer, quoi (rires). 

Trop, selon toi ?
Le prix est aussi quelque chose de très recherché : on l’associe beaucoup à la qualité, ce qui n’est pas forcément vrai. Mais quand je vais dans la boutique Gucci du Marais pour essayer une veste, waouh, je me dis que je sais pourquoi j’y mets de l’argent, j’ai l’impression d’être une star !

Dans le livre, tu cites ce moment, en 2009, où Marc Jacobs, alors DA de Louis Vuitton, fait appel à un jeune stagiaire de chez Fendi, un certain Kanye West… 
Oui, d’ailleurs, il y a une photo assez emblématique prise par Tommy Ton, grand photographe de mode, à Paris, où l’on voit Kanye West, Virgil Abloh, Fonzworth Bentley et Don Crawley qui sont à ce moment méconnus, et la photo est critiquée. Dix ans plus tard, une autre photo a été prise avec ces mêmes personnes, qui sont tous devenus des créateurs ultra-respectés. Je trouve ces parcours de réussite magnifiques… 

Quelles sont les autres collabs ayant façonné le Street-Luxe ? 
Pour moi, c’est du côté japonais qu’il faut aller voir. On peut citer des designers comme Yohji Yamamoto et Jun Takahashi, et des marques comme Sacai et Undercover, qui viennent d’ailleurs toutes d’un seul quartier à Tokyo : Harajuku. Il faut savoir que le Street-Luxe, aujourd’hui, utilise des coupes inspirées de la mode japonaise, comme des pantalons en U, des vêtements oversize taillés magnifiquement bien…

Don Crawley, Taz Arnold, Chris Julian, Kanye West, Fonz Bentley et Virgil Abloh, à Paris en 2009
RETOUR VERS LE FUTUR_
Don Crawley, Taz Arnold, Chris Julian, Kanye West, Fonz Bentley et Virgil Abloh, à Paris en 2009.


Il ne me viendrait pas à l’esprit que le Japon soit une aussi grosse influence pour le Streetwear…
Pour comprendre, il faut tout simplement revenir à Kanye West. Il est ami avec Nigo, de Bape. Et, à l’époque, les rappeurs américains s’habillent en gangsters, avec des T-shirts noirs, des Durag, et qui font de la muscu, et t’as Kanye West, qui met un pull rose avec un nounours dessus et un gros baggy, et ça, ça venait du Japon ! Je pense que c’est ce qui a attiré les yeux vers les marques japonaises. Et ce qui y contribue aujourd’hui, c’est le fait que – contrairement à dix ans auparavant –, les gens sont beaucoup plus intéressés par la mode. Les défilés de la Fashion Week sont diffusés par livestream, où sont présentes notamment des marques japonaises, des marques qui ont l’air impressionnantes, et qu’on peut s’imaginer porter facilement ! Alors que du côté français, même si je n’ai rien contre Chanel par exemple, si je regarde un de leurs défilés, ça va m’ennuyer. 

Le Japon a donc plus su « écouter » la rue, alors. 
Un peu, mais tu sais, quand on lit mon livre, on se rend compte qu’il y a des connexions partout, que tout le monde se connaît, tout le monde a bossé ensemble. Une fois de plus, on va revenir à Kanye… Tous les « grands » actuels ont bossé avec lui, ou pour lui, c’est incroyable. 

Ça confirme bien ce que tu dis dans le livre, que tout ce que porte Kanye devient la mode. 
Oui, c’est un peu triste, mais tu sais que s’il met une veste, tu ne la trouves plus nulle part dix minutes après. Mais voilà, c’est comme Kim Kardashian, et tous ces gens qui dirigent le monde aujourd’hui (rires). 

Effectivement… On a beaucoup parlé du Japon, des États-Unis, mais pas beaucoup de la France. Qu’en est-il des rappeurs français en particulier ?
On a vu Wati B par Sexion d’Assaut, Unküt par Booba, Com-Eight par Joey Starr, Royal Wear par Sully Sefil et d’autres… Sauf qu’en France, on n’arrive pas à séparer la marque de l’artiste. Ceux qui achètent du Unküt, c’est des fans de Booba, même si les fringues sont stylées. Si tu portes du Unküt en France, on va t’associer à Booba. J’aimerais bien que ça change, mais pour l’instant, sauf erreur de ma part, c’est comme ça. 

Pourquoi, selon toi ? 
Les rappeurs français, mis à part quelques rares exceptions comme Sully Sefil (rappeur ayant lancé la marque Royal Wear, ndlr), ne s’intéressent pas énormément à la mode. Et puis, en France, je trouve qu’on peut rarement travailler dans plusieurs industries à la fois. Aux US, ça se fait plus facilement.

Question pour la fin : quels sont tes critères pour te saper ?
Je suis plutôt ouvert d’esprit, je ne suis pas cloisonné dans un seul style. J’aime avoir le choix, j’ai un grand dressing, et plein de chaussures ! Parfois je vais commencer par les chaussures, parfois par l’outfit. Je peux être caillera, mode, hip-hop, parfois même rock. Certaines fois, je vais m’habiller tout en Ralph Lauren, à la Lo-Life (Style newyorkais des années 1980, vient de Polo et Low-Life, ndlr) et d’autres fois, tout en Lacoste. J’ai pas de style prédéfini.

Street Style par Tonton Gibs, Uncle Texaco et Teki Latex (Larousse, 240 pages, 29,95 €)


Par
Malik Habchi
Photos Charles Michalet & Tommy Ton

 

COMMENT PASSER DU LUXE À LA STREET

Depuis son adolescence dans les 90’s, Funkykhalou revend les plus belles paires de lunettes de luxe. Voici ses règles d’or.

SI KANYE L’A PORTÉ, C’EST VALIDÉ !
Funkykhalou : « Pour sa street cred’, porter les mêmes paires que tout le monde, c’était la lose ! Il valait mieux avoir des Cartier ou des Fred torsadées, comme Lino (Ärsenik), LL Cool J, ou plus récemment, Drake, Dj Khaled, et Kanye. On vous a déjà parlé de Kanye ? »

SURTOUT DES ACCESSOIRES
« C’est stylé de porter des pulls Balenciaga à imprimé code-barre, mais c’est claqué de sortir le même tous les jours, et si tu en achètes plusieurs, tu vas vite devoir hypothéquer la maison de ta grand-mère. Les sneakers, les lunettes et les montres, ça se porte plus longtemps, ça se remarque bien et ça prend même de la valeur. » 

OSTENTATOIRE À FOND
« Pour faire simple : faut que ça brille. De préférence des grandes maisons, comme Versace ou Cartier : le but c’est de vendre du rêve. »

AU MOINS UN LOYER
« Faut que ça coûte un peu cher quand même, pour faire la différence. Si n’importe qui peut se les offrir, ce n’est plus très drôle. La rareté est un gros plus. »

www.funkykhalou-shop.com

M.H.