THE BATMAN : NOIR C’EST NOIR

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Puissant, mythologique, adulte, The Batman est un magnifique film noir qui met à l’amende, par sa forme et son intelligence, tous les autres Batman.

Il y a déjà eu des pelletées de Batman. Le Batman bouffon de la série télé des années 60, le Batman gothique de Tim Burton, le crypto-gay de Joel Schumacher, celui de la série animée de Bruce Timm, le Batman shakespearien et constipé de Christopher Nolan, le Batman virilo-cogneur de Zack Snyder… Et voici aujourd’hui The Batman (l’article défini a toute son importance), un vrai film noir, avec enquête policière, voix-off et un personnage qui ne ressemble en rien à un super-héros, mais plutôt à un Kurt Cobain accro à la violence et l’adrénaline, rongé par le désespoir et ivre de vengeance. Bref, la parfaite synthèse des meilleurs comics de Frank Miller, Scott Snyder ou Jeph Loeb. Responsable de cette réussite historique, Matt Reeves, auteur de deux volets de La Planète des singes, artisan doué et ambitieux. Fin connaisseur des BD, de la mythologie DC (qui signifie « Detective Comics »), du personnage, il parachève un scénario de thriller de trois heures, où le Batman, comme un détective des années 40, tente de remonter la piste d’un mystérieux serial-killer lanceur d’alerte, dans une ville livrée au chaos et à la mafia. C’est lent, étrange, poisseux, et le Batman croise une série de persos très réalistes, superbement écrits, à mille lieues de leur représentation clownesque habituelle : Catwoman, le Pingouin ou The Riddler, qui partage avec le Batman pas mal d’obsessions. Et les affronte avec une fureur décuplée, avec pour seules armes ses poings et un passé qui le ronge.

AU CŒUR DES TÉNÈBRES

Pour la mise en scène, Matt Reeves abandonne l’option blockbuster super-héroïque flashy/bourrin qui nous pollue les rétines depuis une bonne vingtaine d’années et livre une proposition de cinéma radicale. Très intelligemment, il joue une nouvelle fois la carte de la fidélité aux comics (vite fait, Frank Miller, David Mazzucchelli ou Greg Capullo) et construit une cathédrale d’ombres et de lumières. C’est absolument époustouflant, les personnages semblent s’échapper d’une case de BD, et à l’image on a l’impression d’assister à l’accouplement sauvage de David Fincher avec Fritz Lang. Il faut dire que l’image est sculptée par le prince des ténèbres lui-même, Greig Fraser (Dune, Zero dark Thirty, Cogan, Foxcatcher) qui propulse le spectateur dans la nuit noire de Gotham, un maelström de peur et de rage, un cauchemar expressionniste beau à mourir.
Ambitieux, adulte, mythologique, c’est de loin, le meilleur de tous les Batman, un trip époustouflant, avec en prime un Robert Pattinson impérial.

Hautement recommandé.

The Batman de Matt Reeves avec Robert Pattinson, Zoë Kravitz, Paul Dano, Colin Farrell et John Turturro.

En salles le 2 mars 2022

Par Marc Godin