TECHNI-CANNES #1 : « IL Y A UN MOMENT, IL FAUT ENCULER LE CHAT »

La Maman et la putain, Vincent Lindon et Volodymyr Zelensky, un film gore, drôle et malin en ouverture : c’était la première journée du 75e Festival de Cannes.

Alors que le cinéma se casse la gueule partout dans le monde, que les plateformes grignotent inexorablement des parts de marché et engrangent les millions, le Festival de Cannes sort son habit de lumière après deux ans de pandémie et fait de la résistance. Pour rajeunir sa cible, Cannes a signé des partenariats avec Brut et Tik Tok, mais continue de refuser les films Netflix… Au programme de cette 75e édition, les plus grands auteurs du 7e art : David Cronenberg, James Gray, George Miller, Arnaud Desplechin, Hirokazu Kore-eda, Ruben Ostlund, Claire Denis, Cristian Mungiu, Park Chan-wook ou Kelly Reichardt. Et en bonus, tout ce qui fait charme suranné de Cannes : du glam, des fiestas, des stars, du biz (Audrey Diwan, cinéaste surdouée de L’Evénement, qui annonce le tournage d’une nouvelle version d’Emmanuelle avec… Léa Seydoux).

Le mardi 17 mai, le 75e festival de Cannes s’est ouvert avec deux drôles d’objets, deux prototypes. Pour Cannes Classics, c’était le grand retour de La Maman et la putain, qui avait mis le feu à la Croisette en 1973, avec son drôle de trio amoureux qui devise pendant plus de 3H 30. Invisible depuis des années, le diamant noir du cinéma français a été magnifiquement restauré, et il était présenté devant une salle comble, par Françoise Lebrun et Jean-Pierre Léaud. Emotion… Le film ressort en salles le 8 juin, avant une édition Blu Ray que l’on espère copieuse.

HÉMOGLOBINE ET DIARRHÉE

Lors de la présentation du jury à la presse, Vincent Lindon, président de cette édition, a déclaré être ravi d’être à Cannes, tirant une vraie gueule d’enterrement (il avait lu l’article que lui a consacré Voici ?). Et balancé des phrases définitives comme « C’est une énorme responsabilité. La seule manière d’y arriver, c’est de redevenir le spectateur qu’on était enfant. Que ça passe par le cœur avant le cerveau. »

Après la fin du partenariat historique avec Canal+, la Cérémonie d’ouverture était retransmise en direct sur France 2 (meilleure audience depuis 2011 pour la Cérémonie d’ouverture du Festival de Cannes). En robe lamée, Virgina Efira, maîtresse de cérémonie, s’est demandée si le cinéma pouvait changer le monde, Forrest Whitaker a reçu une palme d’honneur des mains de Pierre Lescure, en duplex de Kiev, Volodymyr Zelensky a cité Chaplin et Apocalypse now, Vincent Delerm a susurré Que je t’aime et Julianne Moore a déclaré la 75e édition ouverte… 

Pour le film d’ouverture, Thierry Frémaux a joué la contre-programmation (même si certaines mauvaises langues affirment que la Warner lui a refusé Elvis pour l’ouverture). Il nous a donc refait le coup de The Dead don’t die de Jim Jarmusch et décidé d’ouvrir les hostilités avec une comédie gore mal peignée signée Michel Hazanavicius, avec hémoglobine, diarrhée et gros mots. Le film est drôle, imparable et célèbre in fine l’amour du cinéma. De plus, il teinte le festival d’une couleur rouge sang, alors que des œuvres ouvertement dérangeantes comme Les Crimes du futur de David Cronenberg, Men d’Alex Garland ou le doc De Humani Corporis Fabrica se profilent déjà…

ITV EXPRESS : MICHEL HAZANAVICIUS

Coupez ! est ponctué de répliques imagées et poétiques comme « T’es une merde post-apocalyptique » ou « Sayonara, n’a-qu’un-bras ».
Michel Hazanavicius : Oui, j’avoue, c’est de moi, et il y en a plein d’autres. Le film est smart et malin, je trouvais donc assez agréable de se permettre de balancer des répliques débiles ou de montrer un zombie qui chie dans les buissons. L’énergie du film se prêtait à cette espèce de lâchage.

Vous vous confrontez même au wokisme ambiant avec la vanne sur Pearl Harbor ou la réplique « On t’a mis du LGBT dans ton verre ».
Mes personnages sont des crétins ! Il n’y a pas de discours derrière. Mais j’aime bien l’idée que dans un film qui se tourne aujourd’hui, une femme puisse se faire traiter de « salope » et qu’il n’y ait pas de malaise. Le discours « on ne peut plus rien dire »me saoule un peu. Je pense que l’on peut tout dire, que l’on a jamais été aussi libre. 

Vous osez même une scène de diarrhée anthologique, une des plus efficaces depuis Dumb & Dumber et Mes meilleures amies !
J’aime beaucoup ! Je ne pourrais pas faire un film entier avec des blagues scatos, mais j’aime bien l’idée d’un film bien maîtrisé, avec une certaine tenue, et d’un mec habillé en zombie victime d’une énorme diarrhée. C’est un bon équilibre. D’ailleurs, j’apprécie beaucoup cette phrase de Jean-Michel Ribes : « Il y a un moment, il faut enculer le chat. » Voilà !

Comme dans les films Marvel, vous avez une scène post-générique. 
Je ne voudrais pas spoiler, mais je me suis dit qu’un spectateur plus malin que les autres dans la salle allait penser que l’équipe du. film aurait pu trouver un escabeau au lieu de se monter les uns sur les autres. Eh bien, ce plan final, c’est pour dire à ce spectateur-chieur qu’il avait raison… 

LA REPLIQUE DU JOUR :
« Pourritures zombies, je vais tous vous ouvrir le cul. »


Par Marc Godin