SUPER CANNES 8 : QUEER & PALMES

Queer Palm cannes 2023

Au lieu de deviser sans fin sur la Palme d’or, qui a échappé à l’extraordinaire The Zone of Interest, petite rencontre avec Franck Finance-Madureira, créateur de la Queer Palm.

« Vous savez, lors d’une présentation officielle, on m’a empêché de monter les marches car je portais une jupe. Ici, c’est la liberté. Vous pouvez fumer un joint, danser et même faire l’amour. Ici, c’est la Queer Palm ! »

Lors de la remise de la Queer Palm, John Cameron Mitchell, réalisateur de Shortbus et président(e) du jury, est derrière les platines pour balancer du bon son. Bientôt, il s’offre un petit discours, beau, libre et incroyablement touchant, avant de récompenser avec son jury le Japonais Hirokazu Kore-Eda pour l’excellent Monster, qui récoltera également le prix du scénario lors de la compétition officielle. Il va planer lors de cette cérémonie et de la fiesta qui a suivi une ambiance assez folle, comme si la bienveillance et l’amour s’étaient invités sur cette plage privée de la Croisette. Pour en savoir plus, on a posé quelques questions au critique Franck Finance-Madureira, papa de la Queer Palm, prix alternatif qui récompense chaque année un film et un court-métrage traitant « de thématiques ou de personnages LGBT+, féministes ou remettant en cause les normes de genre », parmi toutes les sélections cannoises.

affiche queer palm

Franck Finance-Madureira : J’ai créé la Queer Palm en 2010, mais la première fois que j’y ai pensé, c’était en sortant d’une projection au Palais de Shortbus, en 2006. À Berlin, les Teddy Awards existaient déjà depuis 1987, et j’ai voulu donner un peu de visibilité aux films évoquant les thèmes LGBT ou qui cassaient les codes des genres. Je n’avais absolument aucun moyen, mais j’ai été aidé par des amis journalistes ou des programmateurs de festivals.

Comment a réagi le festival ?
Il n’y a jamais eu le moindre geste officiel envers nous. Excepté cette année, pour la première fois, Thierry Frémaux a annoncé le jury de la Queer Palm et a fait applaudir John Cameron Mitchell. C’est peut-être un signe même si en treize ans, nous n’avons jamais eu de main tendue… 

Comment sélectionnez-vous vos films ?
On discute avec les différents programmateurs de la Semaine, de la Quinzaine… C’est une sélection à l’aveugle au départ car je ne vois pas tous les films avant Cannes. Puis, des potes journalistes m’appellent pour compléter ma liste.

Et les financements ?
En treize ans, les choses ont changé. Je ne suis plus seul, j’ai une équipe autour de moi, nous sommes sept maintenant. Nous avons des financements, nous sommes aidés par le ministère de la culture, le CNC… Nous avons 23 partenaires et nous allons nous développer avec le Queer Palm Lab, et allons lancer un appel à projets pour des premiers longs-métrages sur des sujets queer. Nous en sélectionnerons cinq et nous les entourerons pendant un an, avant de les faire venir à Cannes.

De quoi êtes-vous le plus fier depuis ces treize années ?
Mes jurys. Faire venir cinq personnes à Cannes, pendant douze jours, voir leur cohésion, et qu’ils restent proches les uns des autres après Cannes. Cette année, c’était incroyable. La cérémonie de clôture, l’engagement de John Cameron Mitchell, l’échange entre lui et Hirokazu Kore-Eda lors de la cérémonie, les 1 300 personnes sur la plage, la chanson de John en japonais, avec mon fils à la guitare : tout cela était irréel.

L’ambiance était démente.
C’est souvent comme cela. La fête réunit des gens queer, hétéros, dans la bienveillance et l’amour de l’autre. On réunit les meilleurs de Cannes, non (rires) ? John Cameron Mitchell a saisi l’essence même de cette palme. Il est l’incarnation du queer, il a été extraordinaire.

Est-ce que le logo de la Queer Palm apparait sur les affiches des films primés ?
Certains distributeurs ont un peu peur que ça freine le public. Ça s’installe peu à peu, le logo était sur l’affiche de Joyland. Mais je ne sais pas ce que va faire Le Pacte pour Monster de Kore-Eda…

 

LES PALMARÈS CANNES 2023

Palme d’or : Anatomie d’une chute, de Justine Triet

Grand Prix : The Zone of Interest, du Britannique Jonathan Glazer

Prix de la mise en scène : La Passion de Dodin Bouffant, du Français Tran Anh Hung

Prix du jury : Les Feuilles mortes, du Finlandais Aki Kaurismäki

Prix du scénario : Monster, du Japonais Hirokazu Kore-Eda

Prix d’interprétation masculine au Japonais Koji Yakusho, dans Perfect Days, de Wim Wenders

Prix d’interprétation féminine à la Turque Merve Dizdar, dans Les Herbes sèches, de Nuri Bilge Ceylan

Caméra d’or : L’Arbre aux papillons d’or, du Vietnamien An Pham Thien

Palme d’or du court-métrage : 27, de la Roumaine Flora Anna Buda

Mention spéciale du jury du court-métrage : Far, de Gunnur Martinsdottir Schlüter

Queer Palm : Monster de Hirokazu Kore-Eda

Queer Palm du court-métrage : Bolero du Français Nans Laborde-Jourdàa

Semaine de la critique : Tiger Stripes, de la Malaisienne Amanda Nell Eu

Un certain regard : How to have Sex, de la Britannique Molly Manning Walker

L’Œil d’or : Les Filles d’Olfa et La Mère de tous les mensonges

Prix de la critique internationale : The Zone of InterestLes Colons & Levante

Rix œcuménique : Perfect Days de Wim Wenders

Palme Dog : Messi (Anatomie d’une chute)


Par Marc Godin
Photo : © Deborah Puente