STELLAN SKARSGÅRD : « JE SUIS DEVENU MEILLEUR ACTEUR »

Stellan Skarsgård technikart

Grand acteur de second rôle, comédien fétiche de Lars Von Trier et père de huit enfants, le Suédois Stellan Skarsgård reprend le rôle du terrifiant et vénéneux baron Harkonnen.

Légende photo : VOLEUR DE SCÈNES_ 150 films et une nouvelle performance d’anthologie pour le comédien suédois.

Vous avez débuté en 1968 et tourné plus de 15O films. Comment est-ce humainement possible ?
Stellan Skarsgård : Ce qui est certain, c’est que je me suis bien marré. Peu d’acteurs ont eu comme moi le privilège de travailler sur de petits films indépendants et de grosses machines hollywoodiennes. Je peux vous assurer que j’aime beaucoup mon boulot. Et si je tourne autant, c’est que j’ai le plus souvent des rôles secondaires. 

Donc peu de jours de tournage, c’est cela le secret ?
Depuis 1989, quand j’ai arrêté de travailler au Royal Dramatic Theatre de Stockholm, j’ai bossé en moyenne quatre mois par an. J’ai eu huit enfants et j’étais quasiment tout le temps à la maison pour m’en occuper, au moins huit mois par an. J’ai passé quarante ans à changer des couches !

Au cinéma, vous avez toujours pratiqué le grand écart, en tournant avec Lars Von Trier, David Fincher mais aussi Pirates des Caraïbes ou plusieurs films de la Marvel. Vous avez fait de grands films, des chefs-d’œuvre et des films moins bons. Comment voyez-vous cet ensemble ?
Tous ces films ont des qualités différentes, mais ce qui sûr, c’est que je n’ai pas envie de me cantonner à un seul type de films, c’est la variété qui me tient en vie. Je me souviens que sur le set de Mamma Mia, je posais plein de questions du style : « Qui est ce mec, d’où vient-il ? », je ne comprenais pas mon personnage. Meryl Streep m’a regardé bizarrement et elle devait penser que j’étais un débile. On se fout d’où vient ce personnage, l’important, c’est qu’il s’amuse, pour que le public s’amuse lui aussi. Vous savez, je m’amuse aussi quand je fais de mauvais films. Je me dis que ce n’est pas important, que c’est juste un film, et qu’avec un peu de chance, il divertira les spectateurs.

Vous étiez déjà dans le premier Dune, où vous vous métamorphosiez en un terrifiant méchant, le Baron Harkonnen.
Un jour, Denis a déclaré qu’il m’avait choisi pour jouer le baron, car il avait très peur de moi. Il avait dû me voir dans un film où j’avais un regard flippant… Mais c’est un plaisir de bosser avec lui. 

Votre personnage n’a pas de psychologie, il doit juste foutre une immense frousse aux spectateurs. 
Il a une psychologie qui lui est propre, mais il n’a rien d’un être humain. C’est un psychopathe pragmatique, un monstre au sang froid qui pratique la realpolitik pour son monde. 

Était-ce votre idée de faire une réinterprétation de Marlon Brando en colonel Kurtz en Apocalypse now ?
Je ne bosse pas en pensant à Marlon Brando. Il y a cette scène dans le premier film où j’émerge des ténèbres, je suis chauve et donc, cela évoque vraiment Apocalypse now. Mais si je n’y ai pas pensé en la tournant, Denis était peut-être plus conscient de ce qu’il filmait…

Votre personnage est énorme, vous êtes bardé de maquillages spéciaux, de prothèses. Comment faites-vous pour supporter les six heures de maquillage quotidien ?
C’était plus entre six et huit heures de maquillage à chaque fois, cela dépendait si j’étais nu ou pas ! Mais l’équipe des maquillages spéciaux est tellement bonne, c’est juste fascinant de les voir travailler. Comme sur Pirates des Caraïbes, j’étais fasciné de les voir m’incruster des coquillages sur le visage. Bon, il faut avouer que c’est aussi une épreuve terrible, c’est horriblement long. Après le premier Dune, je ne pensais pas revivre cette épreuve. Maintenant, j’en ai vraiment assez.

Donc vous ne serez pas dans la troisième partie de Dune ?
Non (définitif !)

Vous avez tourné huit fois avec Lars Von Trier. Va-t-on vous revoir bientôt dans un de ses films ? 
Lars ne va pas très bien depuis quelques années. Comme vous le savez probablement, il souffre de la maladie de Parkinson. Il prépare un nouveau film, mais c’est comme La Jetée de Chris Marker, un film constitué de photos. Il fait ça chez lui, tout seul, il n’a pas besoin de moi, malheureusement ! 

Vous avez donc huit enfants. C’est vrai qu’ils sont une source d’inspiration pour vos rôles ? 
Bien sûr ! Je suis devenu un bien meilleur acteur quand je suis devenu père. Je leur piquais des trucs, sans aucune hésitation. Quand vous observez un bébé, vous voyez l’humanité sous sa forme brute, entièrement révélée. Même le président d’une super puissance se comporte comme un enfant. Le langage est différent, les poses aussi, mais les réactions de base sont essentiellement celles d’un bébé. C’est pour cela qu’il y a tellement de guerre dans ce monde…

Pour le baron Harkonnen, de quel de vos fils vous êtes-vous inspiré ? 
(Il se marre) Non, pas pour le baron. C’est facile avec lui, il veut tout, tout de suite, comme un bébé. 

Quels sont vos prochains films ?
Vous allez bientôt me voir dans une série télé dérivée de Star Wars, Andor. Puis, un petit film indépendant. Vous n’en avez pas fini avec moi.


Par Marc Godin