SPÉCIAL PARALYMPIQUES : PAULINE DÉROULÈDE

Pauline Déroulède

Au lendemain de son accident, Pauline Déroulède s’était fixée un cap : les Jeux Paralympiques 2024. Passée de joueuse de tennis du dimanche à athlète de haut niveau, c’est désormais chose faite. Prochain objectif, le Grand Chelem ?

Lorsqu’à 27 ans, elle perd sa jambe à la suite d’un accident de la route, elle se fixe un objectif : participer aux Jeux Paralympiques de Paris 2024. De joueuse de tennis amateur, elle devient championne de France de tennis fauteuil en 2021. Et si Pauline Déroulède s’est inclinée face à l’athlète colombienne Angelica Bernal, elle n’en a pas moins marqué les esprits par sa détermination. Celle-là même qui l’a poussée, au lendemain de son accident, à militer en faveur d’un projet de loi qui instaure un test d’aptitude à la conduite régulier, pour les conducteurs d’un certain âge. Celle-là aussi qui lui a dicté la phrase suivante sur Instagram : « Je vais faire les Jeux Olympiques de Los Angeles, et transformerai mon échec à Paris en réussite ». Inarrêtable on vous dit.

Avant de te lancer dans une carrière professionnelle de tennis, tu étais dans le domaine audiovisuel. À quoi ressemblait ta vie ?
Pauline Déroulède : J’avais une vie à cent à l’heure et je faisais quoi qu’il arrive, une à deux heures de sport par jour, très tôt le matin ou très tôt le soir. La semaine, je travaillais à la télé. J’étais chargée de casting mais j’étais aussi assistante-réal car j’adorais être sur les tournages. Je travaillais pour des émissions comme The Voice, j’en garde un très bon souvenir. Mais j’avais une double casquette puisqu’en parallèle j’étais professeure de tennis pour enfants. J’adorais ça, ça me rappelait ma propre enfance. J’ai commencé le tennis à l’âge de sept ans.

En 2018, tu es victime d’un grave accident de la route, qui te vaut l’amputation de ta jambe gauche.
C’était le 27 octobre 2018, un samedi comme les autres. J’étais avec ma compagne Typhaine, rue de la Convention dans le 15e à Paris. On allait avoir un dîner important ce soir-là car elle allait me présenter à son frère. Forcément, je ne voulais pas arriver les mains vides, donc on décide d’acheter des fleurs. Je me gare sur le trottoir avec mon casque de scooter, assise, moteur éteint. Quelques secondes plus tard, c’est le trou noir. Je me retrouve 50 mètres plus loin, éjectée au sol. Je me rends vite compte que je n’ai plus ma jambe et là tout s’effondre. Immédiatement, j’ai su que celle que j’étais avant, n’était plus là. Mon corps, c’est mon moteur, j’ai toujours été hyperactive, à courir partout et faire du sport non-stop…

Lorsque tu sors du bloc opératoire, comment réagis-tu à ton réveil ?
Tous mes proches étaient là, inquiets. Moi j’étais tellement heureuse de les voir, un peu shootée par les médicaments (rires), que je leur ai dit sur le ton de la rigolade : « Ne vous inquiétez pas, je vais faire les Jeux Paralympiques de Paris en 2024 ». La suite a été longue et courte à la fois. Au bout de quatre mois, le 27 février 2019, j’ai fait mes premiers pas grâce à une prothèse. C’était un moment hyper fort. Personne ne se souvient de ses premiers pas, mais moi je m’en souviendrais toute ma vie. C’était une renaissance. J’étais dans un hôpital militaire, j’ai atterri là-bas car on m’a dit que j’avais une blessure de guerre. J’ai une forte admiration pour le corps militaire.

J’imagine qu’ils ont joué un rôle majeur sur le plan physique et émotionnel.
Un soir, j’étais inconsolable, angoissée et en pleine détresse. Les infirmiers ont donc appelé le chef de service de pneumologie, un grand gaillard, militaire, qui en impose. Il m’a dit : « Certes, il te manque quelque chose, mais tous les projets que tu avais, ils sont juste reportés. Ce qu’il t’arrive, c’est un détail. Tu es un de nos jeunes soldats ». Après ça, il est venu me voir tous les jours au service d’orthopédie pour prendre de mes nouvelles. Aujourd’hui, on est encore en contact, j’ai gardé un lien fort avec lui.

En 2021, c’est la consécration, tu deviens championne de France pour la première fois en championnat de France tennis fauteuil. Tu es depuis, triple championne du titre depuis trois années consécutives.
C’est une immense fierté et un titre symbolique auquel je tenais et auquel je tiens toujours. Être championne de son pays, c’est le plus cadeau qu’une athlète puisse avoir. Ça m’a permis de rentrer en Équipe de France, de monter dans le classement mondial. Aujourd’hui je suis treizième mondial. Je dispute des Grands Chelems comme Roland Garros, j’ai fait 2 US Open. C’est un truc de fou, ces tournois je les regardais à la télévision quand j’étais petite et y être maintenant, c’est une consécration.

Tu es soutenue par le groupe LVMH et la Maison Dior.
C’est un immense honneur. Pour moi c’est la réussite à la française. Dior, c’est la beauté et l’esthétisme. J’espère que ça pourra montrer à certaines petites filles qui ne se sentent pas assez belles qu’on peut être égérie Dior et porter une prothèse. Le simple fait qu’ils s’associent au sport, je trouve ça fort, symbolique et moderne. Ce sont des artisans du rêve. Je trouve ça génial et le mot rêve fait écho à plusieurs choses avec nous les sportifs : le rêve de médailles, le rêve paralympique…

La suite ?
En février, je ferai mon premier Australian Open. Et Wimbledon bientôt j’espère !

 

Par Sarah Sellami
Photo Axel Vanhessche