PIXEL PUNK : THE MOSAIST

pixel punk the mosaist

Ce Parisien, aussi à l’aise en costume dans les business schools qu’encapuché sur les spots de street art de la capitale, joue habilement avec la culture retrogaming par son pop-art sharp. Si The Mosaist est anonyme, ses mosaïques ne le seront bientôt plus.

Légende photo : LOVE STREET_ En haut à droite, le design légendaire de Kirby, en bas à gauche celui du pistolet Nes Zapper de Nintendo. Ces deux œuvres font partie de la première collection capsule de The Mosaist, en vente depuis mars à la Galerie Montorgueil. Son visage est caché par le NeoPunk à gagner à la fin de l’article.

Jeudi 7 mars, Esplanade Saint-Eustache, 1 rue de Turbigo. Sa bavette échalote et son Côtes-du-Rhône devant lui, The Mosaist se présente. « Je suis né en 1987. Je suis parisien. J’aime le street art, la mosaïque et le web3. Le projet The Mosaist est la pierre angulaire de toutes ces passions. » Depuis deux ans, il se lève les dimanches matin, à 5 heures – « ce qui veut dire : pas de soirée le samedi ». Après avoir mangé des œufs, son escabeau sous le bras, il part décorer Paris. Vêtu de la « long jacket » Rains et de son sac assorti kaki, c’est à l’ombre de caméras qu’il dépose la colle au dos de ses mosaïques – l’étape la plus délicate –, à cette interstice qui se situe entre les marches du métro, là où les images n’existent pas. Puis, le soleil se levant, parmi les soûlards, les joggeurs en collant, les personnels de la métropole balayant les rues d’Haussmann, il dépose ses vitraux d’un genre nouveau, à côté des devantures d’un restaurant de burger qu’il apprécie, comme le Blend du Boulevard Beaumarchais, d’une galerie qu’il fréquente, ou au bas des immeubles de ses potes ; à hauteur d’homme, jamais au-delà du rez-de-chaussée, il tire de son sac des figures vives et issues de sa culture geek – des « CryptosPunks », des Kirby, des Game Boy, qu’il placarde dans la rue… À 36 ans, The Mosaist poursuit le geste d’Invader – envahir Paris d’un street art à la croisée du web, des jeux vidéo, et d’un art antique –, et le sublime par son souci, maniaque, du détail.

CARREAUX DE VERRES

Son phrasé est vif, ses yeux bruns, fixes ; il est confortable à l’oral. « Je suis marketeux, dans une grosse entreprise. Je suis également prof en école de commerce. Donc toutes les bonnes pratiques de communications et des réseaux sociaux, je les maîtrise parfaitement. Mais The Mosaist est à contre-courant de tout cela, en excluant toute forme de réseaux sociaux et avec un site web construit en « SEO ennemi » pour être le moins visible possible sur les moteurs de recherche. » Si cela fait deux ans qu’il arpente Paris tous les dimanches, The Mosaist a « commencé comme tout le monde, avec l’application FlashInvaders, à faire la chasse, à se balader à vélo ou à pied avec les copains. À sortir des trajets habituels. Il y a cinq ans, je me suis mis à faire de la mosaïque chez moi. Je cherchais un médium pour être visible. Je me suis naturellement orienté vers la rue. » Au pays d’Ernest Pignon-Ernest, les mosaïques de ce trentenaire joyeux et optimiste sont petites. Il utilise un carreau de verre teinté, épais, d’un centimètre sur un centimètre, arrondi afin de refléter une couleur émanant de l’intérieur. Livré d’Asie, il se garde de donner l’adresse de son fournisseur. « Depuis que j’accroche, je n’utilise que cela. C’est ma marque de fabrique. »

Parmi ses œuvres, figurent les personnages de Mario Kart, de Sonic, de Pacman, de Zelda (il en a collé les trois « cœurs » à la rédac’, rue Mandar), ou le Chocobo du Final Fantasy VII. Une myriade de références issues de la culture retrogaming.
« Jusqu’à mes 13-14 ans, j’étais très geek. Je n’ai plus de console, à part une Game Boy aux toilettes, où je joue un peu à Tétris. Mais je suis très reconnaissant de cette culture. Aujourd’hui, on reproche aux écrans notre temps passé devant, et l’affaiblissement de notre capacité à nous concentrer – je suis très conscient de tout cela. Mais les jeux vidéos m’ont apporté beaucoup de choses, en particulier dans l’aide à la prise de décisions rapides. Des grandes firmes informatiques recrutaient sur CS (Counter-Strike, ndlr) et Starcraft. »

CRYPTOPUNK

Si de la Silicon Valley à Starcraft, il n’y qu’un clic, de Dragon Ball Z à la galerie Montorgueil, il n’y a qu’un pas. Début 2023, il commence le travail d’encadrement de ses œuvres. Suite à sa récente paternité, de peur, aussi, de finir en garde à vue, The Mosaist ralentit ses sorties matinales. Il s’approche ainsi de galeristes. Mais imaginez débarquer un brun à la peau propre et lisse, au teint frais, souriant, en costume bourgeois, se dire street artiste parisien : « Ils m’ont regardé avec de grands yeux – “ T’es sûr ?”. » Tant pis, il n’aura que quelques mois à patienter. Que le fil invisible du bouche à oreille tisse son réseau, et les punks version crypto, leur caisse de résonance. Même si on imagine bien plus The Mosaist à un meeting de Macron, qu’à un concert de Squid, il y a autant de CryptoPunk, si ce n’est plus, que de post-punk. Après deux passages à la NFT Factory – une rue derrière le centre Pompidou –, à l’Openscreen 2, puis 3, qui permet à des jeunes artistes émergents d’exposer en louant leurs écrans « pour des prix dérisoires », et sur lesquels The Mosaist projette son street art néo-rétro, il fait sa première exposition en juillet 2023, à la IHAM Galerie, à deux cents mètres de la Place de la Bastille. « Le collectif Gxlrs Revolution me contacte par mail et me propose de faire un punk, en hommage à Dan Polko, qui les a sponsorisés. Ce dernier communique à travers un avatar très célèbre. Je leur ai fait, l’ai posé devant la galerie, puis j’ai accroché un tableau à l’intérieur. Il a adoré. Il a cherché à me rencontrer, et il a souhaité que je lui en fabrique… »

the mosaist
COLLE-MOI SI TU PEUX_
C’est dans une pochette plastique et à élastiques que The Mosaist range ses œuvres avant de les coller dans la rue. Ce « Fantôme » provient du jeu Pac-Man.


« JE VEUX TOUCHER LE CŒUR DES GENS AVEC DES DESIGNS EMPREINTS D’UNE NOSTALGIE FEEL-GOOD. » – THE MOSAIST

 


C’est le début de ses mosaïques « CryptoPunks ». Collection de 10 000 NFTs lancées en 2017 par les développeurs Matt Hall et John Watkinson, il s’agit de portraits, générés par un algorithme, combinant des « traits » (entendez, des caractéristiques physiques ou d’accessoires, de type homme ou femme, chapeau, cigarette…), devenus de véritables avatars numériques vendus à prix d’or – jusqu’à plusieurs millions d’euros –, et utilisés en photo de profil Twitter, ou en guise de tampon d’appartenance à l’univers web3. « La plus importante collection est celle de Dan Polko, qui en a détenu jusqu’à 100. Il sponsorise pas mal de jeunes artistes émergents qui s’intéressent à la culture web3. Il m’a laissé piocher dans sa collection. Depuis, j’ai élargi avec des NéoPunks. Je prends les traits originaux des punks, et je les remixe de manières différentes, comme un singe avec des lunettes 3D et une crête, des traits qui existent déjà, mais qui n’ont jamais été mixés ensemble. »

LE SOUCI DU DÉTAIL

The Mosaist parfaire son art – et son souci du détail confine rapidement à la maniaquerie. En habile parisien, il fait le tour des boutiquiers afin de trouver LE papier idéal et LE verre parfait. Il a fait appel au verrier Dumas, qui fournit également le musée d’Orsay et le Louvre…
« Le gars vient, mais il n’a pas le droit de te livrer chez toi. Il doit rester au camion, parce que ça coûte trop cher. Donc tu dois aller au cul, récupérer le verre de musée. » Quant au papier, c’est un Canson contrecollé mi-teinte 1.5, c’est-à-dire le plus épais du monde, « le produit ultime. Il faut acheter du matériel de découpe pointu pour avoir un rendu propre. Mais, au bout de la journée, tu as un produit magnifique, c’est laser, ça ne bouge pas. Ça tient bien dans le temps et c’est suffisamment solide pour tenir une mosaïque qui est lourde », qu’il achète Passage Choiseul, à la papeterie Lavrut. « Je suis un bon client, ils sont ravis de me voir arriver. », me dit-il, tout sourire.

Car son travail se vend. Le 20 décembre dernier, il fait sa première « solo ». Une soirée à la HD Galerie, rue Vivienne. Nommée « CryptoPunk Minority », elle vient embrasser « un engagement personnel pour l’égalité homme-femme. Je l’ai appelée ainsi, parce que les punks femmes ne représentent que 30 % des 10 000 CryptoPunks. J’ai souhaité les surreprésenter. » Sur les quinze accrochées, il en vend neuf. « Je cherchais à faire un pas vers les galeries. » C’est à la foire internationale d’art urbain, le District 13, à l’Hôtel Drouot, mi-janvier, qu’il trouve son double, en la personne de Jérôme Le Nouën. Ce magnat de street art et de pop art lui propose de venir le voir, à sa Galerie Montorgueil, qu’il dirige depuis l’été dernier, un 20m2 situé au 91 rue Saint Honorée, où désormais The Mosaist côtoie Combas, JR, Kaws. C’est une sorte de coup de foudre entre les deux : « On a tous un point commun avec The Mosaist, renchérit le galeriste. Ses œuvres sont des madeleines de Proust. Mais surtout, son travail est complet et léché ! Pour les fans de street art, de pixel art et de mosaïque, The Mosaist est extraordinaire, parce que les finitions sont parfaites… Tout pour 500 euros. » Du scotch à l’effigie The Mosaist, au NFT au dos de l’œuvre… Son travail se situe sur un fil tendu entre le réel, la rue où il pose ses œuvres et la galerie où elles sont désormais exposées, et le phygital, ce domaine de l’existence encore plus abstrait pour moi que le monde physique et où la matière est NFT. « J’insère mon travail physique dans la block-chain. Ainsi, je colle la puce NFC sur le dos de l’œuvre qui renvoie vers le NFT. Physiquement, ils sont reliés. » Un funambulisme tout à fait conséquent lorsqu’on observe ses œuvres, qui fixent des personnages du web et des jeux sur les pierres et le ciment des rues.

The Mosaist, c’est encore une signature, et un travail de calligraphe, commencé il y a environ dix ans, avant de coller des carreaux entre eux. « Je n’utilise que le brush pen Kuretake Bimoji 0,31mm fabriqué et importé du Japon – et dont le trait se situe entre le pinceau et le stylo. » À côté de ce lettering amateur, mais retravaillé (les A et les D ne sont pas fermés, le O n’a pas de boucle…), il utilise au dos de ces cadres et sur son site internet la police Game Boy. C’est là, flashant vers son site – sur des QR code gracieusement plaqués sur de la cire qu’il fait couler sur du marbre, puis qu’il dépose le plus souvent à côté de ses mosaïques –, volontairement enlevé des radars des résultats automatiques de Google, qu’on trouve une carte de toutes ses œuvres posées dans la rue. Elle rappelle l’application d’un certain Invader. The Mosaist est-il son fils caché ? « J’aime son travail. On a beaucoup de points communs : le pixel art, la mosaïque, le retrogaming. Mais personne n’en a le monopole. Surtout, j’essaie de trouver ma propre voie. Mon bonheur, c’est d’avoir posé à côté de Miss. Tic ou de c215 (street artistes parisiens, ndlr), de toucher le cœur des gens au moyen de designs emplis de nostalgies feel-goods, et surtout de mesurer mon succès en sourires sur les visages des clients de la galerie plutôt qu’en nombre de like. » Avec Jérôme Le Nouën, The Mosaist développe désormais sa stratégie de communication. Car après seulement quelques semaines de collaboration, et des tableaux s’arrachant « à la criée » devant le 91 rue Saint-Honoré – « on déballait seulement des cartons les œuvres que les passants nous les demandaient ! » –, il est l’heure de tempérer. L’avenir sera en mosaïque.

Les œuvres du Mosaist sont disponibles à la Galerie Montorgueil, 75001, Paris

 

Par Alexis Lacourte
Photos Axel Vanhessche

 

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