Né en plein Covid, le duo Outed (Noémie Chevaux et Fred Tavernier) a vu dans la pandémie un déclencheur plutôt qu’un frein. Entre pop dansante et paroles dark, rencontre avec deux rêveurs aussi perchés que percutants. Interview éco-pop.
Votre duo Outed est né en plein Covid, en mars 2020. Lancer un projet musical dans un contexte aussi incertain, c’était un pari audacieux, non ?
Noémie Chevaux : À l’époque, on nous a dit qu’on était « non-essentiels ». Ça ne nous allait pas du tout. Fred jouait dans des groupes, composait, et moi, j’avais des expos prévues. Tout s’est annulé. On a voulu réagir, se retrouver, travailler ensemble sur un projet.
Vous avez sorti La Matrice du chaos en 2021 et Ondes de gravité en 2023. Comment votre dernier album, Ver de Terre, marque une nouvelle étape dans votre évolution musicale ?
N.C : Il y a une évolution sur le fond et la forme. Le premier album était peut-être plus dark, plus personnel. Sur le deuxième, j’ai davantage écrit, donc il y avait plus de nuances. Le troisième reflète davantage une pop pleine d’énergie, vitaminée, colorée souvent en contraste avec le texte.
Le ver de terre est devenu le totem de l’écologie, un animal discret mais essentiel à l’écosystème. Comment vous l’êtes-vous approprié ?
Fred Tavernier : Le titre de l’album était une évidence. C’est un animal qu’on ignore, qu’on trouve même repoussant, mais vital pour l’humanité. La chanson éponyme est passée par plusieurs versions avant celle de l’album, où les couplets, assez durs et terre à terre, contrastent avec les refrains chargés d’espoir chantés par les Gospel Kids.
N.C : Ce titre représente beaucoup : l’écologie, l’espoir, la prise de conscience. Métaphoriquement, on est tous des vers de terre, fragiles, et on pourrait disparaître bien plus vite qu’on ne le pense.
Comment trouvez-vous l’équilibre entre gravité et éclats de lumière ?
F.T : On essaie de faire passer la pilule plus en douceur, car certains thèmes sont lourds à encaisser. On parle d’écologie, de harcèlement, de pollutions humaines, qu’elles soient écologiques, économiques, politiques ou relationnelles. Ça pourrait vite devenir plombant. Alors, on met de l’humour, du second degré, parfois un peu de piquant. Mais il y a aussi un côté solution. On ne donne pas de leçons, mais on propose notre vision. C’est un appel à faire la rév-olution.
Votre pochette de vinyle est entièrement recyclée et a été réalisée avec l’IA. Quel est votre point de vue sur son usage dans la musique ?
N.C : On avait déjà abordé l’IA dans « Obsolescence », sur l’album précédent. Comme disait Stephen Hawking, c’est un grand pas pour l’humanité, mais peut-être le dernier… L’IA est un outil, et le problème n’est pas le progrès en soi, mais comment on l’utilise.
F.T : L’utiliser pour la pochette était aussi un clin d’œil : montrer qu’on peut en tirer du beau, et pas juste une quête de profit. L’IA a servi de base, mais il y a eu un vrai travail derrière, en photo et en intégration.
Vous avez fait une cinquantaine de concerts en trois ans. Quelle place occupe la scène dans votre projet ?
N.C : C’est essentiel pour nous, on attend avec impatience de partager notre énergie et nos textes avec le public. La lumière est aussi super importante pour nous. Ça rajoute une dimension visuelle et amplifie les émotions. On a travaillé avec Augustin Pont, un créateur lumière talentueux.
Vous êtes tous les deux influencés par le surréalisme…
F.T : Oui ! Pour ma part, je suis un grand fan de cinéma, notamment d’animation. On a intégré l’animation dans plusieurs de nos clips, comme sur les titres « Le Hit » et « Ver de Terre », en stop motion avec un animateur d’Angoulême, Mathieu Maillefer. Et puis, j’ai toujours baigné dans la science-fiction, l’heroic fantasy, l’anticipation… Des auteurs comme Philippe K. Dick ou Barjavel sont des références. Matrix, Alice au Pays des Merveilles aussi, pour leur côté absurde et symbolique. On adore aussi le cinéma qui sort des sentiers battus, comme Everything Everywhere All at Once.
N.C :Et des artistes comme Hippocampe Fou, Björk ou Aurora, qui osent et restent authentiques, nous parlent beaucoup.
La suite pour Outed ?
F.T : Défendre le clip et l’album sur scène avec une belle tournée dès septembre, jusqu’en 2026. Après, tant qu’on a des choses à dire, il y aura une suite !
Ver de Terre, TRY AND DYE RECORDS, sortie le 21 mars
Par Raphaël Baumann
Photo Aïssata Haïdara