OLIVIA DE ROTHSCHILD & NATHANAËL KOFFI : « UN PARFUM OBSESSIONNEL »

parfum Olivia de Rothschild & Nathanaël Koffi

Depuis qu’elle a repris la direction artistique des parfums Caron en 2019, Olivia de Rothschild s’attelle à moderniser la maison. Dernière innovation en date, elle a invité Nathanaël Koffi a réinventer le flacon de Pour un Homme. Interview tandem.

Hier pour vos collaborations en influence, et aujourd’hui pour réinterpréter le flacon de Pour un Homme de CARON, vous avez choisi de travailler avec des artistes, au lieu d’une nouvelle égérie. Quelles étaient vos motivations derrière ce choix ?
Olivia de Rothschild : À mes yeux, c’était plus inclusif. Chaque personne peut avoir un point de sensibilité avec une pièce d’art. S’y retrouver à sa manière. Je trouvais que le travail de Nathanaël avait énormément de sens, pour ce parfum, avec tout ce travail de discipline appliqué un motif obsessionnel. Cela fait 90 ans que Pour un Homme de CARON existe, qu’il fait la même chose et qu’il le fait bien. Ça collait très bien. À l’origine, Pour un Homme de CARON, c’est Serge Gainsbourg qui l’incarnait. On cherche aujourd’hui à représenter tous les hommes. Multiplier les représentations du masculin. Ce qui est particulier avec ce parfum c’est que, des LGBTQ+ jusqu’à l’homme hyper statutaire, rigide et franco-français, tout le monde le porte. C’est absolument magnifique qu’il touche un panel aussi large.

Et quel genre d’homme représente Nathanaël ?
Nathanaël Koffi : Le masculin en moi, c’est d’oser ne pas me mettre dans des cases de cette masculinité très conventionnelle. En tant qu’artiste, je recherche constamment la liberté.
Olivia de Rothschild : Nathanaël est un homme qui se sent en totale liberté d’exprimer ses émotions. Je pense que beaucoup de gens oublient le courage qu’il faut pour exprimer ses émotions. Des générations et des générations d’hommes l’ont peu fait. C’est important d’illustrer ça.

Nathanaël, habituellement, tu travailles sur des objets comme des voitures, des planches de skate. Tu avais déjà travaillé sur un parfum ?
Nathanaël Koffi : C’est sans précédent pour moi, c’est le tout premier flacon que je fais. On a justement voulu conserver cette transparence-là pour pouvoir toujours visualiser l’évolution du pattern. J’ai aussi réfléchi au fait que je ne voulais pas figer l’objet, qu’on puisse en voir l’évolution. Comme d’habitude, j’ai travaillé sans schéma, sans croquis. Mais, pour la première fois, je suis parti avec des couleurs en tête : ces tons de lavande que j’ai voulu retranscrire avec ces nuances de bleu. J’ai d’abord peint le motif, puis un travail de numérisation a été fait pour l’apposer sur le flacon. J’essaie toujours de faire des compositions libres, presque sauvages, tout en gardant une certaine linéarité.

Outre la lavande, Pour un Homme de CARON a des sous-tons d’ambre et de vanille. Tu as été inspiré par l’odeur du parfum en travaillant ?
Nathanaël Koffi : C’était un vrai challenge. Je n’avais jamais travaillé comme ça, en m’inspirant d’une odeur pour composer quelque chose, jamais. Comme tout le monde, j’ai une certaine sensibilité à quelques fragrances, mais ça s’arrête là. Pour le flacon, j’ai eu carte blanche. On ne peut pas rêver de mieux qu’avoir cette liberté. Et je trouve que ce genre de processus est rare aujourd’hui.
Olivia de Rothschild : C’est aussi ce qui a rendu notre travail ensemble plus fun. Nathanaël n’a pas les codes de la parfumerie, pas de cadre. C’est quelque chose qu’on a consciemment cherché, il n’a aucun préjugé sur ce que le résultat était censé être. Je me suis complètement laissée surprendre. Je ne vois absolument pas l’intérêt d’aller chercher des artistes pour leur dicter ce que je veux. Sinon, autant le faire moi-même.

Nathanaël, tu disais que tu étais inspiré par les couleurs de Wes Anderson. En l’occurrence, ce pastel semble tout droit sorti d’un de ces films…
Nathanaël Koffi : C’est vrai, et puis, même si cela ne se voit pas aujourd’hui, ce sont des couleurs que je porte habituellement sur moi.
Olivia de Rothschild : (pointant l’immense chapeau rouge) Tu as oublié ce que tu as sur ta tête je crois.

Votre manière de vous habiller dépend de votre vision artistique ?
Nathanaël Koffi : Pour moi oui, parce que les vêtements, c’est la première chose que les gens voient. C’est la personne que tu rencontres. Tu t’exprimes autant par ta tenue qu’à travers tes mots.

Tu penses que le toi artiste, c’est pas tout à fait le toi du quotidien ?
Nathanaël Koffi : Instinctivement, je te répondrai que bien sûr, c’est moi. Il y a mon énergie, mes idées. Mais est-ce que c’est vraiment le cas ? Est-ce que je ne suis pas peut-être plus fou dans l’artistique ? Ou à l’inverse, plus encadré ? Je ne saurais pas répondre.
Olivia de Rothschild : Pour moi, le travail qu’on a fait sur cette collaboration, c’est extrêmement toi. Parce que ce sont des lignes droites continues et disciplinaires, qui te ressemblent. C’est obsessionnel, comme toi. Tout en ayant un côté hyper playful, hyper fun… à ton image !

Et toi Olivia, qu’est-ce qui t’as inspirée ?
Olivia de Rothschild : En fait, je rassemble autour de moi une bulle de créations et d’artistes que j’aime. En ce moment, j’adore tout ce qui est Rococo. Il y avait une folie totale dans ce style. Une liberté d’esprit merveilleuse. Oui, je suis attirée par ce qui est libre d’interprétation. Je ne vois plus du tout l’intérêt de se cadrer, de s’auto-oppresser. Il y a déjà assez de choses qui le font pour nous.

Pour un Homme de CARON, le parfum pourrait être Pour une Femme ?
Olivia de Rothschild : Je trouve que c’est une belle signification quand une femme le porte en général. Parce que c’est soit une rébellion totale, une émancipation, soit un véritable hommage. Beaucoup de femmes sont extrêmement attachées à cette odeur parce que c’est l’odeur de leur père, de leur copain, de leurs cousins, de leurs frères. Et je trouve ça beau parce que les femmes le portent souvent pour se rapprocher, faire honneur à ou reconnecter avec quelqu’un de proche.

C’est son odeur qui le rend aussi universel ?
Olivia de Rothschild : C’est aussi son âge. L’intergénérationnalité. Les enfants des banquiers sont devenus des créatifs, et inversement. Ça crée un lien émotionnel où toutes les réalités se voient réinterprétées.

@nathanaelkoffi
@caronparfums
www.parfumscaron.com

 

Par Adèle Thiéry