NOUVEAU SOUFFLE POUR LE FESTIVAL DE DEAUVILLE

Malgré l’absence des poids lourds hollywoodiens, le festival de Deauville se réinvente. Au programme du week-end, un film d’apprentissage signé James Gray, un film d’horreur de Guillaume Nicloux, et un chef-d’œuvre rock sur David Bowie.

C’est la… 48e édition du festival de cinéma américain de Deauville. Mais depuis le Covid, les grands studios semblent adopter des stratégies improbables (et hop, Batgirl à la poubelle) et misent un maximum sur les plateformes. Donc cette année, pas de blockbusters à Deauville, et les deux temps forts seront Blonde d’Andrew Dominik, un film Netflix avec la sensation du moment, Ana de Armas, qui fera le déplacement, et l’épatant Don’t worry Darling, une production Warner, avec Florence Pugh et Harry Styles. Néanmoins, il y a de belles choses à découvrir à Deauville. Sur les treize longs-métrages indépendants en compétition, huit sont des premiers films, et certains ont déjà fait un petit tour à Cannes. Deauville s’offre aussi une belle section de films français en avant-première (Les Rascals, La Tour…), des films de Cannes (la palme d’or Sans filtre ou l’excellent Close), des documentaires dont un sur James Belushi ou le très attendu Hallelujah Les Mots de Leonard Cohen, des rétros, une carte blanche à Philippe Garnier, sans oublier des hommages à Jesse Eisenberg et Thandie Newton…

ENFANCE ET HORREUR

Parmi les réussites du week-end, il y avait bien sûr le dernier James Gray, Armageddon Time, un récit d’apprentissage où le réalisateur de Little Odessa raconte un épisode-clé de son adolescence dans les années 80. C’est bien sûr intimiste et souvent touchant, avec une belle photo de Darius Khondji, mais assez attendu et mineur dans la filmo du grand James Gray.

Armageddon Time
Armageddon Time


Guillaume Nicloux est le contrebandier du cinéma français, jamais où on l’attend, toujours à se réinventer. Après une série de polars et quelques œuvres inclassables, il s’attaque au film d’horreur avec La Tour (sortie début 2023). « Mon film le plus personnel » a-t-il déclaré aux festivaliers. Avec un pitch très Stephen King : les résidents d’une tour HLM découvrent un matin qu’ils ne peuvent plus sortir de leur immeuble : un brouillard opaque, étrange matière noire, obstrue portes et fenêtres et désintègre quiconque veut le traverser… Sur plusieurs années, Nicloux filme le communautarisme, le racisme, les haines recuites, puis enfin la sauvagerie des survivants. À l’arrivée, il cisèle un film malin et surpuissant, où l’angoisse est décuplée par un sound design fantastique, doublé d’une charge politique détonante. 

BIENVENUE DANS LE BOWIEVERSE

Mais le choc du week-end, c’est le documentaire musical Moonage Daydream, signé de l’Américain Brett Morgen, déjà auteur d’un sublime doc sur le leader de nirvana, Cobain : Montage of Heck. Ici, il s’attaque à un autre dieu du rock, David Bowie, qui a inventé dès 1971 la bande son de notre époque. Pas de témoignages larmoyants d’amis, pas de voix off, pas de chronologie, Morgen vous plonge directement dans le cerveau survolté de Bowie, avec un doc qui prend la forme d’un trip hypnotique, immersif. Pendant deux heures trente et avec un déluge d’images inédites, on voit la naissance de Ziggy l’extraterrestre, puis Bowie arpenter le monde, répondre intelligemment aux questions stupides de journalistes, inventer la musique du futur à Berlin avec Brian Eno, enflammer les scènes du monde entier… Un sommet du cinéma rock.

Toutes les infos sur : www.festival-deauville.com

Par Marc Godin