NIKOS ALIAGAS, PHOTO-ADDICT : « JE SUIS UN PHOTOGRAPHE PSYCHOPATHE »

Nikos Aliagas

Quand il n’est pas occupé à interviewer des chanteurs et des chanteuses très moyennement Technikart, Nikos Aliagas (The Voice, 50′ Inside) les prend en photo. Interview loin des clichés. 

Exposition à la Seine musicale, 50′ Inside, The Voice… Il y a toujours quelque chose. À 53 ans, Nikos Aliagas garde une âme d’enfant dès qu’il s’empare de son appareil. Capturer des instants de vie, observer le monde avec sensibilité, il nous fait part de ses secrets pour réaliser une photo réussie. Strike a pose !

Garou, Kev Adams, Joey Starr… Vous avez fait passer pas mal de personnalités devant votre objectif. C’est devenu une tradition lorsqu’ils vous rencontrent ?
Nikos Aliagas : Oui, un rituel, même. Je photographie les stars que je croise dans le cadre de mon travail. Je ne me souviens pas d’une fois où je n’ai pas sorti mon appareil. Ils le savent maintenant. On cherche un endroit, une lumière, un angle. C’est souvent improvisé, plié en trois ou quatre clics, sans une grande mise en scène. Ce qui explique qu’en studio, lorsque je dois faire des productions pour un mag’, je suis beaucoup plus fébrile. Je suis plus à l’aise dans l’urgence de l’instant. J’aime bien travailler avec ce que je trouve. Quand le hasard devient un rendez-vous. 

S’adapter à l’instant, c’est un peu le mantra du photographe. 
Oui, c’est ça. La reconnaissance d’un moment qui n’était pas prévu et qui, cinq minutes plus tard, est gravé, immortalisé.

J’avais découvert votre travail au travers d’une exposition dans un domaine viticole près de Narbonne, avec un travail sur la ruralité en Grèce…
Je viens de là, c’est tout mon ADN qui s’y trouve.

C’était une sorte d’hommage à vos racines ? 
Complètement. Quand je suis à l’étranger, la première chose que je recherche, c’est l’authenticité. J’ai l’air d’appartenir au monde du spectacle, de la mise en scène mais, derrière cette ascencion qui dure depuis 40 ans, il y a toujours un gamin qui doute. 

Comment en êtes-vous venu à vous lancer dans la photo ? 
Déjà gosse, ça me travaillait. Quand je rentrais de l’école, mes parents me demandaient comment s’était passée ma journée, et je leur racontais des images. Comme ma mémoire est photographique, avant de me coucher je rembobinais un film imaginaire de tout ce que j’avais vu dans la journée. J’ai aussi été marqué par les photos que tu découvres dans la boîte à chaussures de tes grands-parents, sur lesquelles les gens ne souriaient pas, parce que c’était sérieux pour eux, le processus photographique. Tu n’avais que quelques photos, c’était ton identité. Et puis, à l’âge de huit ans, mon père m’a acheté un Kodak Instamatic.

« DANS LA RUE, J’IMAGINE LES GENS EN NOIR ET BLANC. »

 

Pourquoi le noir et blanc ? 
Ça me vient du cinéma. Notamment le générique du film du dimanche soir à la télévision quand j’étais jeune. C’était des yeux, avec des expressions en noir et blanc, c’était très cinématographique et ça me donnait à chaque fois un frisson. Ensuite, il y a deux films qui m’ont marqué : Los Olvidados, de Luis Buñuel, qui parle des bidonvilles du Mexique des années 1950, c’est d’une violence absolue. C’était à la fois effrayant et très attirant pour moi. Le grain photographique de ce film… Il y avait aussi Othello d’Orson Welles, en noir et blanc. Le directeur photo est exceptionnel, tout comme le cadre. Quand je vois les gens dans la rue, je les imagine en noir et blanc, comme dans un film. Bizarre.

Quel photographe vous a inspiré ? 
J’ai eu la chance de rencontrer et d’interviewer Salgado et plus récemment Sabine Weiss, qui nous a quittés cet hiver. L’une des dernières photographes humanistes, qui a une carrière immense dans le monde entier. Elle a fait à la fois des reportages humanistes, de la pub, une femme exceptionnelle. Après il y a les copains comme Yann Arthus-Bertrand, Jean-Marie Périer…

Vous souvenez-vous d’un shooting qui vous a particulièrement marqué ? 
Cet été, début juillet quand j’étais au Costa-Rica. J’y ai fait une série de photos, je suis allé à la rencontre des fermiers, des indiens. C’était extraordinaire. Chez ces gens qui ont la 5G et qui pourtant ont conservé une certaine simplicité, on remarque vite la dualité entre le monde moderne et leurs racines. Et puis, ce qui est agréable, c’est que personne ne me connaît là-bas, tu peux donc dialoguer sur une autre base. 

Comment travaillez-vous la post-prod ? 
Je ne veux pas changer la nature de la photo. Je garde le cadre mais je peux jouer avec le contraste, ajouter de la matière sur les mains, l’œil. Le filtre classique te propose de moduler les couleurs et c’est là où tu dois sortir tes pinceaux, tu dois connaître la correspondance des couleurs. J’aime bien quand tu oublies que c’est un noir et blanc et que tu vois quand même des couleurs… La gamme de possibilité. Je suis hyper sensible à ça. 

Vous avez d’ailleurs appris à faire de la photo en solitaire.
Oui, j’ai appris sur le tas, par mes propres moyens. Je ne suis pas de la génération tutos Internet, alors il a fallu de la patience.

L’astuce pour faire la photo parfaite ? 
Chaque photo est unique. Contrairement à tout ce qui est possible avec les filtres, comme sur les réseaux sociaux par exemple, c’est tout l’inverse que je fais. Chaque photo doit être traitée avec les mêmes outils mais avec un chemin particulier. J’ai des dizaines de milliers de photos, je garde tout et après ma femme m’engueule parce qu’il n’y a plus de place… Et en plus j’imprime, parce que je me dis qu’on ne sait jamais, s’il n’y a plus internet un jour… Je suis un photographe « psychopathe », j’ai des névroses (rires). Mais il n’y a pas de règles, moi-même je n’en ai pas. je n’ai aucune certitude, c’est le doute qui me fait créer. Quand j’ai commencé à prendre les stars en photo, je ne savais pas que j’allais exposer, d’ailleurs elles ne comprenaient pas pourquoi je les photographiais. 

Quel conseil donneriez-vous à un photographe en herbe ? 
Avant même de parler photo, je lui dirai de continuer à observer le monde. Les plus belles photos sont celles de l’esprit. La technique, les outils, c’est important mais ça s’apprend. Par contre, savoir observer le monde, il n’y a pas d’école pour ça. Donc il faut se laisser aller à une contemplation, un émerveillement permanent. Le temps d’une pause, oublier la pose. Je conseille souvent d’enregistrer vos parents, vos grands-parents avec vos téléphones, faites-les parler, gardez des traces. 

C’est presque comme une thérapie pour vous ?
En tout cas, c’est une nécessité. Mais à la fin de la journée, je continue à me refaire le film de ce qui s’est passé. Je dois avoir un million de téraoctets dans la tête !

Exposition « Regards Miroirs », à la Seine Musicale, Île Seguin, 92100 Boulogne Billancourt, jusqu’au 3 novembre 2022


Par 
Julio Rémila
Photos Nikos Aliagas 

NIKOS et LES APPAREILS PHOTO 

Dévoreur d’images depuis l’enfance, Nikos Aliagas s’est trouvé des compagnons de qualité. Zoom sur le matériel photo qui a jalonné sa carrière.

KODAK INSTAMATIC
Mis sur le marché à partir de 1963, c’est le premier appareil photo offert par son père à l’âge de huit ans. Avec cet objet collector, Nikos a pris sa première photo et immortalisé ses parents Harula et Andreas. Les premiers sujets de l’animateur star.

CANON
Fidèle à son ADN de journaliste, Nikos a choisi le Canon EOS R5 pour l’accompagner sur tous ses projets. Marque utilisée par les grands, elle est la référence en matière de photos de presse. Suivant la tradition, il capture des stars, comme Tim Burton ou Taylor Swift. 

FOCALE FIXE
Grand fan des focales 35 mm, 50 mm et 85 mm, Nikos ne s’éloigne jamais bien loin de ses objectifs fixes, parfaits pour jouer avec la profondeur de champ. Succès garanti.

G.L.