MELISSA BARRERA : « CARMEN, C’EST LA FORCE ! »

carmen melissa barrera

Pour son rôle-titre de Carmen, Melissa Barrera cumule les talents. Entre danse et chant, l’actrice mexicaine enflamme l’écran – et les planches. Interview brûlante.

Comment l’actrice vedette de Scream VI se retrouve en tête d’affiche du premier film de Benjamin Millepied ?
Melissa Barrera : En fait… je n’en sais rien ! Pour auditionner, il fallait envoyer une vidéo de soi en train de chanter. J’ai simplement tenté le coup. Je n’ai pas eu de retour pendant six ou sept mois. Je n’y pensais plus du tout, jusqu’au jour où j’ai reçu un appel : Benjamin voulait me rencontrer. Il m’a envoyé le script, je l’ai lu et instantanément adoré. S’ensuit une nouvelle période d’attente où la production était en pause, je ne savais toujours pas si j’étais retenue pour le film !

Tu visais le premier rôle ?
En réalité, c’est le directeur de casting qui a suggéré mon profil à Benjamin pour ce rôle. Ils ont fait tout un travail de recherche sur moi, ils regardaient notamment des vidéos où je danse et chante. Puis Benjamin est venu me chercher. On s’est enfin rencontrés et le travail a pu commencer. Rien n’était encore officiel et pourtant je répétais, je dansais, mais je ne pouvais pas encore me dire « Je vais être Carmen ». Pendant trois ans, se sont enchaînées d’intenses périodes de travail, entrecoupées de pauses. On bossait des chorégraphies, puis on s’arrêtait d’un coup, ainsi de suite jusqu’en 2021.

Puis c’est devenu officiel.
Je m’en souviens parfaitement. J’étais à New York quand l’annonce est sortie. J’étais officiellement Carmen ! Là encore il a fallu attendre. Entre l’annonce du film et le début du tournage, beaucoup de temps s’est écoulé. En fait, tout prenait du temps, c’était beaucoup de travail de la part d’énormément de monde. Il fallait de la patience et croire très fort en ce projet. Moi, je voulais en être. Faire partie de cette chose spéciale qui n’existait pas encore. Je suis si fière d’avoir été choisie. Maintenant que le film sort dans les salles, je suis très excitée de partager cette si belle histoire.

Tu étais familière avec l’histoire de Carmen ?
Je ne suis pas une professionnelle de Carmen. C’est un peu comme tout le monde, on sait qu’il existe un opéra, on connaît sa mélodie : « Ta-ta-ta-la-la-la-la… ». Cette histoire est dans la culture collective, une femme fatale dont deux hommes sont très amoureux et qui finissent pas la tuer. On sait tous comment se termine ce mythe. Mais Benjamin voulait le réadapter, alors je n’ai pas voulu me plonger dans les œuvres qui existaient déjà. Le rôle de Carmen a été repris par tant d’actrices talentueuses, en passant des professionnelles de l’opéra jusqu’à Beyoncé. Je ne voulais pas regarder tout ça, ne pas être influencée inconsciemment. Je voulais que ma Carmen soit la mienne, soit unique.

Tu te retrouves dans ce personnage ?
En réalité, oui. Tous les rôles que j’ai joués ont un peu de moi en eux. C’est toujours mon point de départ : « Qu’avons-nous en commun ? » Ce que je partage avec Carmen, c’est notre histoire. Nous sommes entourées de femmes puissantes et faisons tout ce que nous pouvons pour préserver notre lignée, notre descendance. C’est très visible dans le film, la mère de Carmen se sacrifie pour sa fille, puis sa marraine va la prendre sous son aile et l’aider à surmonter cette période sombre. Je viens d’une famille où les femmes incarnent la force. C’était facile pour moi d’incarner cette puissance, elle vient de mon sang.

C’est vrai que Carmen incarne la force et la détermination, elle est impressionnante.
Carmen, c’est la force ! Elle avance devant elle en portant sur ses épaules tellement de poids, de peine. Je me sens comme elle. Je compte sur ma confiance en moi pour survivre dans la vie. C’est par là que j’ai commencé à construire le personnage, c’était le point de départ. Pendant les répétitions j’ai compris ce qu’il y avait au cœur du personnage, ce qu’elle cache en elle. Elle incarne quelque chose de très mature et très enfantin en même temps, c’est ce qui la rend si magnétique auprès de ses proches. Toutes ces émotions me sont venues quand je dansais avec Paul dans le désert, également avec Marina Tamayo qui joue ma mère, cette une incroyable danseuse de flamenco. C’était fascinant de créer ce personnage, ça n’a rien à voir avec tout ce que j’ai pu faire auparavant. 

Dès le début du film, Carmen traverse des épreuves dramatiques, le deuil, puis l’exil.
Ce qu’elle traverse est dur, mais être humain est dur ! Nous essayons tous de nous en sortir malgré les intempéries de nos existences. Je voulais que le deuil qu’elle traverse ne soit pas trop transparent. Il n’y a pas de bonne façon d’être en deuil, chacun gère les choses différemment. Sa mère s’est laissée mourir pour la protéger, elle doit lui faire honneur. Elle sait qu’elle ne peut pas rester auprès de son corps, elle doit faire ses bagages, partir et tout laisser derrière elle. Elle est libre d’une certaine façon.

Elle semble de marbre jusqu’à sa destination où les vannes s’ouvrent enfin…
Elle est obligée de tout laisser derrière elle, tout ce qu’elle connaît. Elle enfouit son deuil au plus profond d’elle-même jusqu’à prétendre que rien n’est arrivé. Puis la réalité lui revient en pleine face, d’un coup. Cette scène, dans le cabaret, lorsque Masilda la prend dans ses bras, c’est là que tout sort enfin. J’ai vu ces émotions arriver avec mes proches. Ma grand-mère est décédée en octobre 2022, c’était l’une des femmes les plus puissantes que je connaisse. J’ai vu ma façon de gérer le deuil, j’ai vu ma sœur le faire différemment, puis ma mère qui restait forte pour nous protéger. Ces souffrances, je voulais les mettre dans mon personnage, c’est tellement plus intéressant à regarder. C’est un cadeau d’avoir à jouer un tel personnage dans sa carrière, une telle complexité à exprimer avec peu de dialogues, juste montrer ce que l’on ressent. Dieu soit loué, j’avais la danse !

En parlant de danse, Benjamin m’a dit que tu n’avais pas pris de cours avant ce film, comment est-ce possible ?
C’est le plus beau des compliments lorsque l’on me demande si je suis une danseuse professionnelle  ! En réalité, j’ai déjà eu quelques expériences avec des comédies musicales. Mais je ne me suis jamais sentie danseuse, plutôt une actrice qui peut bouger. Avec beaucoup de répétitions je peux faire croire que je suis douée ! Pour Carmen, c’était énormément de travail, des heures de répétition pendant des années. Lorsque je tournais d’autres films, le soir et le week-end, j’allais m’entraîner toute seule. Dans le désert, en Australie, je suis arrivée au point de ne penser qu’à mon personnage pendant les prises, ne plus réfléchir à mes pas, seulement mes émotions. Je suis très fière et reconnaissante envers Benjamin qui a cru en moi. Je lui demandais parfois de simplifier les pas, il me répondait « Je ne change rien, tu peux le faire ». Il avait raison !

Depuis quelques années, tu apparais dans de nombreux films d’horreur, notamment la franchise Scream. C’est très loin de Carmen. Ce style te séduit ?
Il est vrai que j’ai fait beaucoup de films d’horreur ces dernières années, j’adore être couverte de sang ! D’ailleurs, j’étais en tournage aujourd’hui pour un futur film d’horreur, j’ai encore du faux sang collé dans les cheveux ! J’adore les films d’horreurs, c’est très amusant à tourner. Mais en réalité, j’aime tous les styles de film, je serai dans plusieurs comédies l’année prochaine. J’écoute mon instinct, s’il me dit que le film va être bien, alors je me lance.

Tu es également productrice ?
Je veux m’intégrer de plus en plus dans le cinéma, avoir plusieurs leviers de création. Lorsque tu es simplement acteur, tu viens faire tes scènes puis tu t’en vas. Quand tu produis, tu t’engages dans un projet du début à la fin. C’est un exercice très excitant. En ce moment à Cannes, il y a un film que j’ai produit, The One, j’en suis très fière. J’espère un jour avoir ma société de production et créer des histoires.

Et pourquoi pas réalisatrice ?
C’est un plan oui ! J’ai vraiment envie de le faire. Je pense que j’ai encore beaucoup de choses à apprendre. Je dois trouver le courage. Un jour je l’aurai et j’irai derrière la caméra.

 

Entretien Fanny Mazalon