MEHDI CAYENNE, FUNKY CROONER : « MIGNON ET TERRIFIANT À LA FOIS »

Medhi CAYENNE

Parti au Canada, l’inclassable brasseur de styles franco-algérien Mehdi Cayenne revient avec son premier album en anglais. Interview polyglotte.

Ce cinquième album s’intitule Wisdom Teeth. Pourquoi ?
Mehdi Cayenne : Le titre, qui veut dire « Dents de sagesse » en anglais, m’est apparu d’un coup : les dents qui poussent, les dents de lait, il y a quelque chose d’enfantin là-dedans, et en même temps, ça nous évoque les crocs, quelque chose de carnivore.   Mignon et terrifiant à la fois : comme les meilleures chansons !

Toutes les chansons sont en anglais.
C’est paradoxal d’enregistrer dans une autre langue que sa langue maternelle, c’est comme une sorte de renaissance : tu redeviens débutant. 

Tu parlais anglais, petit ?   
J’étais dans une garderie anglophone, c’est ma mère qui m’a appris que la première langue dans laquelle je faisais des phrases complètes, c’était en anglais finalement. Donc cet album est une sorte de retour aux sources.

Comment s’est déroulé l’enregistrement de l’album ?
C’est le premier album que j’ai réalisé de A à Z, alors que pour les autres, j’avais toujours quelqu’un d’autre en co-réalisation. Tout a été enregistré d’abord chez moi, dans mon local, où je proposais à mes potes de jouer de la batterie sur telle chanson, ajouter un morceau de guitare, un peu de clavier… Ça m’a pris du temps d’arriver à quelque chose de satisfaisant.

Quelle était ta vie avant la création du groupe Mehdi Cayenne ?
Je suis né en Algérie et j’ai grandi à Montréal (Québec), à Moncton (Nouveau-Brunswick) et à Ottawa (Ontario) à deux heures de Montréal. Je n’ai jamais suivi de cours de musique, mais dès que j’avais un instrument sous la main, j’écrivais des chansons. À quinze ans, j’ai travaillé trois semaines dans un fast-food ; ça m’a permis de m’acheter une guitare classique. Dès ce moment, j’ai pu me mettre à hurler un peu partout.
 

« J’IMAGINE UNE FLOPÉE DE PETITS ENFANTS AVEC DES DENTS DE VAMPIRE. » 

 

Quels artistes écoutais-tu ?
J’ai toujours été un peu tri-continental dans mes goûts : d’un côté du Khaled et du Idir ; de l’autre Brel, Ferré et Piaf ; sans oublier The Cure, Nine Inch Nails, Nick Cave… Trois langues, trois axes !

Tu as joué à Avignon cet été. 
Oui, c’était très intense. Quand j’ai commencé à jouer en France, beaucoup de gens m’ont dit : « Non, mais ne demande pas au public de chanter, les Français n’aiment pas ça ». Et j’ai toujours trouvé que l’inverse était vrai. Tous les spectacles à Avignon finissaient avec le public de la salle qui venait danser avec nous sur scène !

Ton dernier coup de cœur musical ?
Ces temps-ci, j’ai beaucoup écouté Scott Walker, surtout les derniers albums. J’ai toujours tendance à retomber dans des classiques, remonter un peu à la source de la musique qu’on aime, me replonger dans les chansons de Harry Belafonte ou de Nina Simone… Il me faut une playlist soit très fleur bleue soit très abrasive…

Un peu comme les chansons d’un autre poète-chanteur passé par le Montréal, Leonard Cohen ?
Alors là, tu me prends par les sentiments. J’étais en voiture avec mon batteur et on parlait de lui trente secondes avant ton appel. Cohen, c’est une pierre angulaire… Puis je pense à Saul Williams qui est invité sur une des chansons de l’album. Une sorte de grand frère musical pour moi. Mais Leonard Cohen c’est le padre, le parrain.  

La suite ?
Il y a d’abord cet album en anglais, Wisdom teeth, et tout un monde qui vient avec, suivi d’un album francophone qui arrivera plus tard dans l’année. Entre les deux, il y a un film musical, La Vie d’artiste. Il y a des surprises visuelles et auditives dans chacun de ces projets. J’ai l’impression d’être en train d’ouvrir une galerie muséale, une sorte de grotte de Lascaux faite à la main, à laquelle je vais convier les gens. Sans oublier les remixes et les réinventions des chansons… Je suis en train de créer un monde, voilà !

Album Wisdom Teeth
www.mehdicayenne.com

Par Mathis Raymond
Photos Éric Canto