L’EXPO DU MOIS : NUIT DE NACRE

L’expo du mois : Nuit de Nacre

Comme un miroir intérieur, les toiles irisées d’Anide laissent transparaître des souvenirs, images d’un temps passé. Pour sa première exposition parisienne, l’artiste nous livre son univers fantasmagorique et nous propose une balade dans un noir éclairé. 

Après avoir présenté son art à Londres, Mexico et Berlin, l’artiste de 28 ans expose pour la première fois à Paris. Il nous raconte à l’occasion de « Nuit de nacre » ses rêveries mélancoliques. « Tout mon travail tourne autour de l’imaginaire. L’exposition porte ces choses surréalistes qui apparaissent pendant la nuit. Ces choses qui bougent, les matières, les fantômes. » Le thème de ce solo show est né d’une séduction par la lumière de la lune. « Un soir, en rentrant de Savoie, j’était seul au milieu de rien et j’ai remarqué cette lumière lunaire, les éléments qu’elle éclairait, qu’on ne voit pas dans la ville. » Les portraits et compositions d’Anide explorent ce que les lumières de la nuit révèlent, « ces choses qui sont là, mais qui ne sont pas là ». Après avoir photographié la scène queer londonienne, comme pour archiver « le théâtre de la vie », Anide a découvert la matière comme outil, d’abord la cendre pour dessiner, en brûlant du bois, puis en réalisant ses propres pigments. C’est lorsqu’il était chez une amie qu’il s’est laissé séduire par la peinture à l’huile. « Je me souviens de la sensation, ce fut un choc de découvrir ce médium. J’ai eu l’impression que l’on pouvait peindre la lumière. »

L’ART DE L’INTRANSPARENCE

« La peinture me balade plutôt que l’inverse, comme la musique. » Le processus créatif d’Anide est de se laisser porter par les apparitions inconscientes lorsqu’il se plonge dans un univers musical. « Ma première dynamique est très abstraite, j’ajoute des couches et j’en enlève, j’ai une discussion avec la toile, je la laisse me porter. Mon jeu en tant que peintre est de ne pas choisir consciemment ce qui va apparaître, je construis une image ensuite en fonction de ce que je vois.»  Comment ces éléments figuratifs apparaissent alors ? C’est ce qu’il s’est demandé, notamment pour une toile bleue nommée Ailleurs. « Je recherche beaucoup d’images, je dois en avoir plusieurs milliers enregistrées sur Instagram, j’aime me dire qu’un visuel infuse en moi. On a tous un monde interne de souvenirs, de sentiments… Je nourris cette librairie émotionnelle. » Inspiré entre autres par l’hypnose, l’artiste pluridisciplinaire laisse le spectateur projeter ses propres images sur ses toiles.

LA MATIÈRE ABSTRAITE

En utilisant des couleurs passées, pâles ou glossy, ses toiles de nacre évoquent une certaine mélancolie des visages oubliés, des souvenirs enfouis, des rêves d’enfants. Directeur artistique, photographe et maintenant peintre, Anide mélange les genres autant que les supports de travail. « Quand j’ai commencé à peindre, j’ai essayé tous les papiers possibles. Le seul qui fonctionne avec mes thèmes est le papier produit à partir d’écorces concassées. »  Comme pour créer un pont entre la nature et son art, le dialogue entre ce que l’on pense, ce que l’on voit et ce qui est représenté intéresse l’artiste. « Les gens me demandent souvent comment sont faites ces images, que ce soit la technique ou le support. Cela me plaît d’interroger le public, de le perdre et qu’il ne sache pas vraiment ce qu’il est en train de regarder. »

Jusqu’au 29 juillet à la Chapelle XIV, 14 boulevard de la Chapelle, 75018 Paris.

Curatrice : Éléonore Levai Belaga.

NUIT DE NACRE
ANIDE
Chapelle XIV, Paris.

Par Mathilde Delli