LE FILM DU MOIS : JE VERRAI TOUJOURS VOS VISAGES

JE VERRAI TOUJOURS VOS VISAGES

Pour tenter d’avancer ou de survivre, des délinquants en prison et des personnes victimes d’agression dialoguent et tentent de se comprendre. Par la réalisatrice de Pupille, un film qui vous prend par la main et vous réconforte.

C’est le type même du film qui ne devrait pas fonctionner. Une dizaines de personnages assis autour d’une table, qui palabrent, ressassent leurs malheurs pendant près de deux heures. Et pourtant Je verrai toujours vos visages est une réussite éclatante. Au cœur du film, la justice restaurative. Hein, quoi, kezako ? Depuis 2014, en France, la justice restaurative propose à des personnes victimes d’agression et des délinquants derrière les barreaux de dialoguer dans des dispositifs sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles. Dans le film, Grégoire, Nawelle et Sabine, victimes de homejacking, de braquages ou de vol à l’arraché vont écouter, discuter et tenter de comprendre trois petits caïds ou gros paumés, dans le liquide amniotique d’une salle de prison. De son côté Chloé, victime d’une série de viols sur plusieurs années, s’engage elle aussi sur la voie de la justice restaurative, avant d’être confrontée à son frère. Un chemin fait de doutes et de larmes, de colère et d’espoir, avec peut-être au bout, une promesse de résilience, voire de réparation…

DES MOTS SUR LES MAUX

Au scénario et derrière la caméra, l’ultra-talentueuse Jeanne Herry, 44 ans, fille de Miou Miou et de Julien Clerc, déjà auteur d’un film lumineux et inoubliable, Pupille, où il était question d’accouchement sous X et d’adoption. Sa narration suit deux axes qui ne se croiseront jamais : les séances en prison entre trois victimes et trois agresseurs, et le parcours de la victime d’incestes. C’est supérieurement tricoté, les personnages sont tous admirablement écrits, et comme chez Renoir, tout le monde a ses raisons. Jeanne Herry pose des mots sur les maux. Les uns et les autres échangent leurs ressentis, mettent à nus des cicatrices mal suturées, parfois l’empathie peut prendre le pas sur la peur de l’autre, et les êtres fracassés pourront peut-être revenir un jour du côté des vivants. 

Comme le déclare la réalisatrice, « l’objectif de la justice restaurative, c’est la libération des émotions par la parole ». Elle propose quant à elle une libération des émotions par l’image et invente la cinématographie restaurative. Car Je verrai toujours vos visages est du beau, du grand cinéma. Avec Nicolas Loir, chef op’ venu de la pub, déjà responsable de l’image de Novembre, elle filme classique, champ/contre-champ, pas de tic, pas de toc, et capte un regard, un corps qui se recroqueville, un sourire qui éclot, et surtout le silence… Elle sublime ses acteurs, qu’elle cadre serré, tous absolument exceptionnels : Leila Bekhti, Dali Benssalah, Suliane Brahim, Jean-Pierre Darroussin, Gilles Lellouche, Miou Miou, Fred Testot ou encore Adèle Exarchouplos, qui irradie la pellicule.

Je verrai toujours vos visages est une odyssée lumineuse vers le bonheur, un film qui vous prend par la main, vous fait pleurer, vous réconforte et qui vous susurre des mots bleus, des mots doux, des mots de partage et de résilience. Et à la fin, il y a un miracle. Je verrai toujours vos visages est un film qui répare.


JE VERRAI TOUJOURS VOS VISAGES
JEANNE HERRY
SORTIE EN SALLES LE 29 MARS


Par Marc Godin