JESSICA HAUSNER : « DEMANDEZ À WES ANDERSON S’IL S’INSPIRE DE MES FILMS »

Club Zero de Jessica Hausner

Jessica Hausner est Autrichienne et drôle comme une porte de prison. Mais c’est également une grande cinéaste et son Club Zero, l’histoire d’élèves embrigadés par leur prof sectaire, est un concentré d’absurde et de noirceur.

Vous êtes la réalisatrice de Club Zero, mais aussi la scénariste de cette histoire d’emprise d’une prof sectaire sur ses élèves dans une école d’élite. Quelle est l’origine de ce film ? 
Jessica Hausner : L’idée de départ vient du conte Le Joueur de flûte de Hamelin (légende allemande transcrite par les frères Grimm, NDR), ce personnage qui kidnappe des enfants avec le son de sa flûte, et qui inflige une punition aux adultes de la ville qui ne voulaient pas le payer. Je voulais mettre en lumière un problème que je trouve important : comment on prend nos responsabilités par rapport à nos enfants, avons-nous assez de temps à leur consacrer, est-ce qu’on leur accorde assez d’attention ? Est-ce que nos sociétés respectent vraiment les enfants ?

Le film parle d’un cours de nutrition mais ne porte pas seulement sur la nourriture ?
Non, mais c’est également sur la nourriture, qui est un élément majeur pour montrer comment nous vivons ensemble et faisons société. C’est également un moyen pour parler de la radicalisation. 

Club Zero aborde également des thèmes comme la religion, la parentalité… 
Le personnage de mademoiselle Novak tente d’inventer une religion à travers son rapport à la nourriture, et au fur et à mesure que le film avance, elle parle de plus en plus de religion, de sauver les enfants avant l’anéantissement du monde, et même de résurrection. J’ai toujours été passionnée par la religion et je montre dans ce film que la religion peut toujours revenir dans nos sociétés par des biais détournés. 

Le plan final, c’est La Cène, ou comme on dit en anglais, The last Super ? 
Absolument, avec un plan de six minutes. 

Est-ce un hommage à The Shining de Stanley Kubrick, car les personnages entrent dans la photo ?
C’est vrai, c’est vrai, mais je n’y avais pas pensé. J’aime bien votre théorie. Mes personnages sont enfin dans leur monde idéal. Qui n’est pas le mien, car je ne crois pas au paradis ! 

Peut-on définir votre film comme une comédie dépressive ?
Oh, c’est une qualification étrange. Mais je ne saurais définir mon film…

Club Zero de Jessica Hausner


Le public riait lors de la projection de ce matin. 
C’est ce que je voulais. Je recherchais un mélange de tragédie et d’absurde. Mon humour est un peu spécial, absurde. Car il y a une certaine forme d’absurdité propre à notre existence : quand on prend un peu de recul, beaucoup de choses auxquelles nous croyons et que nous faisons semblent ridicules, absurdes ou futiles. Dans mes films, je cherche toujours un point de vue distancié pour réfléchir à cette question. Club Zero est raconté à travers ce prisme : l’exagération qui confine à l’absurde offre un regard amusé sur les thèmes sombres du film.

Sur le plan formel, j’ai beaucoup pensé aux films de Wes Anderson. 
Eh bien la prochaine fois que vous le verrez, demandez-lui s’il s’inspire de mes films… 

Ce qui est sûr, c’est que votre style est très fort, et que vous en changez souvent, que ce soit Little Joe ou L’Amour fou.
Au fil du temps, j’ai développé un langage cinématographique avec mon chef opérateur Martin Gschlacht et la costumière, ma sœur, Tania Hausner. Nous essayons d’inventer une réalité alternative, une façon très stylisée de montrer le monde, avec des couleurs vives et des mouvements de caméra décalés. La musique de Markus Binder, batteur d’un groupe punk, ajoute également à l’originalité de l’ensemble. Je questionne la réalité et j’invite mes spectateurs à faire de même. On aime à penser que 1 + 1 font 2. Je crois que 1+ 1 peut faire 5 ou même 7 ! 

Vous avez des points communs avec Michael Haneke…
(Elle me coupe) Non merci. 

Et Ulrich Seidl ?
Non ! Nous sommes tous les trois Autrichiens mais c’est tout. 

Un mot sur votre actrice principale, Mia Wasikowska ?
Je la suis depuis des années, je l’adore dans la série En analyse. Elle est très élégante, très naturelle. Elle se retient beaucoup, elle dissimule, c’est une merveilleuse actrice. 

Club Zero de Jessica Hausner
En salles le 27 septembre

Par Marc Godin