HAFSIA HERZI, STAR NEXT-GEN : « J’AURAIS ADORÉ JOUER MARY INGALLS ! »

Hafsia Herzi

Actrice, scénariste, réalisatrice, Hafsia Herzi, 35 ans, mène une carrière hors des sentiers battus, avec des films intenses et exigeants. La preuve avec Le Ravissement, son petit dernier. Rencontre.

Légende photo : PHOTO-CALL_ Habituée des rôles exigeants, Hafsia parcourt les festivals. (Photo : Chopard. Parures : Chopard)

Vous êtes l’héroïne du prochain film d’Iris Kaltenbäck, Le Ravissement, dans lequel vous jouez une sage-femme. Quelle petite fille étiez-vous ? 
Hafsia Herzi : Très curieuse, très sage d’après ma mère, l’oreille partout, rêveuse. Toute petite, je voulais déjà devenir actrice. On n’allait pas au cinéma, mais je regardais La Petite Maison dans la prairie. 

Vous vouliez être Laura Ingalls ? 
(Rires) Ou Mary ! Je trouvais qu’elle jouait trop bien. Et ça n’a pas vieilli en plus, les comédiens sont très bons. 

J’en conclus que vous regardez toujours La Petite Maison dans la prairie ?
Ah oui, quand ça passe, je regarde toujours ! 

Ce métier ne vous semblait pas inaccessible ?
Bien sûr, d’où je viens, c’est compliqué (Hafsia été élevée dans un quartier populaire de Marseille, par sa mère femme de ménage, ndlr). J’ai commencé par faire de la figuration, mais j’écrivais déjà de petites choses, j’observais les gens. Et un jour, une directrice de casting m’a appelée pour La Graine et le mulet. C’était énorme. Et je me suis dit que même si ça s’arrêtait après le film d’Abdellatif [Kechiche], j’avais déjà réalisé mon rêve. Abdellatif m’a dit que j’étais faite pour le cinéma. Je lui dois beaucoup… 

Pour ce film, vous recevez un prix à la Mostra de Venise, puis le César du Meilleur espoir féminin.
Un rêve ! Après le tournage, j’ai arrêté l’école, j’étais en première année de droit, je me suis installée à Paris et j’ai pris un agent. 

Depuis le Kechiche, vous n’avez quasiment fait que du cinéma d’auteur, avec des réalisateurs comme Guiraudie, Bonello…
Je n’avais pas vu leurs films étant ado, mais j’avais envie d’apprendre le métier, de me nourrir de chaque expérience. Très jeune déjà, je savais que je ne voulais pas faire n’importe quoi. J’ai toujours essayé de refuser les clichés, les rôles de femmes battues… Je suis allée vers un cinéma exigeant, peut-être pas celui qui rapporte le plus financièrement (rires)… Je viens d’un milieu où il n’y avait pas d’argent, donc je m’en foutais.

On vous a proposé de grosses machines ? 
Oui, mais j’ai refusé, même si parfois j’ai envie de jouer dans une grosse comédie… Mais ce n’est pas évident de faire rire.

Mais vous avez fait une comédie, Fleuve noir (de Érick Zonca). 
Mais ce n’était pas une comédie, c’est un polar ! 

Le film semble avoir eu des problèmes et est parfois involontairement comique. Que s’est-il passé ? 
Le film a été commencé avec Gérard Depardieu et au bout d’une semaine, il est parti. Vincent Cassel l’a remplacé au pied levé. Je n’ai eu que sept jours de tournage et je ne sais pas vraiment ce qui est arrivé (plusieurs sources, dont Sandrine Kiberlain, confirment que le tournage s’est très mal passé, ndlr). En tout cas, j’ai beaucoup aimé travailler avec Érick Zonca et Vincent Cassel. 

Pourquoi êtes-vous passée à la mise en scène ? 
Après La Graine et le mulet, je me suis mise à l’écriture. J’ai toujours voulu évoluer artistiquement et ne pas dépendre du désir des autres. J’ai produit Tu mérites un amour pour un budget de… 1000 euros, en août à Paris. Je l’ai tourné avec quatre personnes, deux caméras, sans lumière, sans script, ni costume ni maquillage, et bien sûr, pas de distributeur. L’histoire se termine bien avec la sélection à la Semaine de la critique à Cannes, une sortie salle, Canal+… J’ai pu payer toute l’équipe ! Depuis, plusieurs jeunes metteurs en scène, dont Noémie Merlant, m’ont appelée pour savoir comment j’avais fait. Pour Bonne mère, j’ai été contactée par le producteur Saïd Ben Saïd ; le film a été beaucoup plus facile à monter. 

Avec Le Ravissement, vous jouez une nouvelle fois dans un premier long-métrage. 
On me sollicite beaucoup pour cela. En l’occurrence, j’ai eu un coup de cœur pour le scénario. Pour une actrice, un tel personnage, c’est un cadeau. Et le courant est très bien passé avec Iris Kaltenbäck. Je suis restée trois semaines en maternité pour apprendre les gestes de la sage-femme à la dérive que j’interprète. J’ai aimé cette aventure. J’étais de garde douze heures, de jour ou de nuit, habillée en sage-femme. Je me devais d’être crédible dans ce métier très technique. Ces femmes ont beaucoup de mérite. 

Combien de temps avez-vous tourné ? 
Une trentaine de jours, à la maternité des Lilas. 

Avez-vous des projets avec Kechiche ?
On se parle régulièrement, mais je n’ai pas de projet avec lui. J’espère qu’il reviendra, c’est un grand metteur en scène. Et qu’Intermezzo sortira un jour.

Que faites-vous en ce moment ?
J’en avais marre de Paris, c’était trop de stress, donc j’habite maintenant aux alentours de Nancy. Mon fils a deux ans et demi et je profite maintenant des heures où il est à l’école pour écrire mes scénarios. J’en ai deux qui sont prêts, dont La Petite Dernière, inspiré du roman de Fatima Daas, mais je ne jouerai pas dedans. Sinon, on va me revoir bientôt dans Borgo, où j’incarne une gardienne de prison, et le film d’André Téchiné, Dans le viseur, avec Isabelle Huppert. Et je vais retrouver Isabelle en octobre pour le tournage du nouveau Patricia Mazuy, Portrait trompeur. Comme je joue une employée dans un pressing, je dois aussi apprendre les gestes. C’est vraiment une belle année…

Le Ravissement d’Iris Kaltenbäck
Sortie le 11 octobre

 

Par Marc Godin