FRANÇOIS-HENRY BENNAHMIAS, AP BOSS : « LA MUSIQUE, C’EST NOTRE INCONTOURNABLE ! »

François-Henry Bennahmias

En 2019, Audemars Piguet (AP) est devenue le global partner du Montreux Jazz Festival. Son DG François-Henry Bennahmias réaffirme les valeurs de la Manufacture suisse : audace et créativité, le tout en musique. Interview montre en main.

En 2005, avec Jay-Z, vous bravez les codes du luxe en inaugurant les partenariats entre maisons de luxe et rappeurs. Vers quelle niche faut-il désormais se tourner ?
François-Henry Bennahmias : À l’heure actuelle, la tendance est au mélange d’univers et c’est tout sauf une science exacte. Ça peut concerner le métavers, l’art contemporain, la musique, encore et toujours – parce que la musique c’est notre incontournable ! –, ou le sport. Il y a de nombreux touch points. Il faut rester attentif à tout ce qui se passe et faire l’impasse sur les tendances momentanées pour s’inscrire plutôt dans la durée.

La première étape de votre partenariat avec le Montreux Jazz Festival, en 2010, a été de soutenir la numérisation, restauration et préservation de ses archives audiovisuelles. En 2019, vous devenez son partenaire global. Et en 2022, vous lancez votre propre expérience au cours du Montreux Jazz Festival : « Audemars Piguet Parallel ». La suite ?
C’est de poursuivre cette recherche de l’excellence chez AP, de surprendre les gens, de faire la promotion de talents en devenir, et de pouvoir se retrouver dans des cadres sublimes – parce qu’il faut dire qu’autour de Montreux, il y a des spots incroyables – et puis de voir comment le public peut réagir. L’exercice 2022 a extraordinairement bien marché, donc on continue.

Vous avez participé à la programmation du Parallel (Dj Carlita, Metronomy, Mark Ronson…) ?
Bien sûr, avec l’équipe  dont c’est le métier. Il faut que les artistes qui se retrouvent sur scène correspondent à l’esprit AP, d’où l’éclectisme des choix.

Vous quitterez la direction d’AP à la fin de l’année. Quel héritage allez-vous léguer à la marque ?
J’ai moi-même poursuivi la route tracée il y a quasiment 150 ans. La marque va continuer de faire de la très belle horlogerie, de manière exclusive, avec des volumes tenus, contraints, sur une distribution également très sélective. On a maintenant moins de 100 points de vente dans le monde, et on va continuer à travailler dans cette voie-là. Donc, il n’y a pas de grosse révolution à l’horizon, au contraire, il s’agit plutôt de poursuivre dans le futur ce qui a permis à la marque de briller jusqu’à maintenant.

« SI ON LE DÉSHUMANISE, LE LUXE N’EXISTE PLUS. »

 

Comment a évolué le marché ?
Tout dépend des marques. On sait, aujourd’hui, que le monde du luxe évolue de manière assez incroyable, puisque les scores annoncés par toutes les maisons montrent chaque année une forte croissance. AP suit la même courbe. Mais il y a de nombreux pays où nous ne sommes pas encore présents… ce qui laisse présager de belles années en perspective.

Pour justifier le prix de ses montres, AP insiste sur l’émotion que procurent les produits d’exception.
Nous justifions le prix des montres en invitant chaque personne à venir voir comment elles sont faites. C’est en le découvrant que la question du prix ne se pose plus. À partir de là, l’émotion générée par la découverte, et la compréhension du processus de création font que les gens s’approprient la marque de différentes manières.

Un souvenir de votre première montre ?
Ma première émotion sur une montre, c’était une Swatch : je trouvais génial de voir autant de créativité sur des montres à cinquante francs. Quant à ma première AP, c’était un « Quantième Perpétuel », rectangulaire, avec un style très rétro. Même si je regarde toujours demain, j’aime retrouver la patine et les histoires des montres vintage.

Être toujours là dans 200 ans, c’est le leitmotiv de la marque. Quel est votre rêve dans dix ans ?
Mon rêve pour AP, c’est que tout le travail en cours continue et qu’on soit encore meilleurs et toujours plus innovants dans dix ans. À titre personnel, vous verrez bien…

Inspiré par la stratégie à la Coco Chanel, vous avez lancé en 2022 les AP Houses. Faire évoluer l’expérience client avec l’IA, c’est quelque chose qui vous tente ?
Je pense qu’il faut être prudent avec ces trends et ne pas foncer tête baissée. Même si les ordinateurs peuvent nous donner beaucoup d’informations, le luxe repose surtout sur les relations humaines. L’IA ne remplacera jamais les connexions humaines et l’instinct. Mais, effectivement, il y a un travail de fond à faire en ce qui concerne la collecte de données et l’analyse de ces données. Comment va-t-on interpréter la DATA ? Les « customer relationship manager » et « l’expérience client » sont devenus les grands concepts de tous les conseils d’administration et de toutes les réunions marketing et commerciales dans le monde aujourd’hui. Le challenge reste le même : comment s’approprier la donnée et la transformer en contenu humain ? Si on le déshumanise, le luxe n’existe plus.

www.audemarspiguet.com

 

Par Alexis Lacourte