EN ATTENDANT CANNES : 18 NUANCES DE QUEER

Lukas Dhont and the queer palm Jury

Depuis 14 ans, la Queer Palm récompense un film LGBT + parmi les sélections officielles et parallèles de Cannes. Rencontre avec son fondateur, Franck Finance-Madureira.

Chaque année, et ce depuis 14 ans, les jurés de la Queer Palm récompensent un long et un court-métrage traitant « de thématiques ou de personnages LGBT+, féministes ou remettant en cause les normes de genre », parmi toutes les sélections cannoises. Pour en savoir plus sur cette 14e édition on a rencontré le critique Franck Finance-Madureira, papa de la Queer Palm, avant la cérémonie qui a récompensé cette année le court-métrage Las Novias del Sur, de l’Espagnole Elena Lopez Riera, et le long-métrage Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde, du Roumain Emanuel Parvu. Et surtout avant la fiesta de la Queer Palm, la plus folle des fêtes cannoises.

Comment s’est déroulée cette édition 2024 de la Queer Palm ?
Nous n’avons toujours aucune reconnaissance, aucun geste officiel envers nous. Même pour obtenir les places pour notre jury, nous sommes toujours obligés de jongler, de ruser… C’est compliqué, on gère au coup par coup. Mais nous sommes bien reçus à l’Acid, à la Quinzaine des réalisateurs et, bien sûr, à la Semaine de la critique.

Qui était dans votre jury cette année ?
Nous avions comme président Lukas Dhont, le cinéaste belge de Close, Jad Salfati, journaliste britannico-palestinien, Juliana Rojas, une des voix les plus singulières du jeune cinéma brésilien, Paloma, sublime gagnante de Drag Race, également comédien et réalisateur, et la réalisatrice française Sophie Letourneur.

Comment faites-vous pour sélectionner vos films ?
Comme on peut ! Je discute avec les programmateurs, les équipes de chaque section. De plus en plus, les vendeurs internationaux et les distributeurs me montrent les films en amont, ce qui nous aide à sécuriser notre liste.

Combien de films aviez-vous cette année ?
Dix-huit, ce qui est plutôt la fourchette haute.

Est-ce que cette année, il y a une couleur, une tendance qui se dessine ?
Il y a une palette. Avec dix-huit films, nous avons eu une palette incroyable de ce qu’est le queer au cinéma. Un personnage trans dans un film un peu bourrin, le Audiard, mais supérieurement mis en scène. Cela peut être un film complètement queer comme Les Reines du drame d’Alexis Langlois, un drame comme Baby, le film brésilien de la Semaine de critique… On avait dix-huit nuances de queer !

Est-ce que les films primés ont le logo Palme queer sur leur affiche ?
L’année dernière, Le Pacte n’a pas souhaité mettre notre logo sur Monster, du Japonais Hirokazu Kore-Eda. Selon eux, c’était un spoiler, ce qui n’est pas vrai.

Ce n’est donc pas un automatisme ?
Loin de là, cela prouve que l’on a encore du travail à faire. Nous sommes pourtant le prix LGBT le plus médiatisé du monde. Mais on ne baisse pas les bras, surtout quand on voit l’enthousiasme autour de nous. On fédère quelque chose de puissant et on va fêter nos quinze ans l’année prochaine :quinze années de combats !

De combats, vraiment ?
Oui, quatorze ans après, cela reste toujours un combat que de faire entendre les voix des marges dans ce festival immense. Le festival de Cannes nous laisse à la marge, cela prouve que notre combat est toujours d’actualité et que nous avons encore des choses à faire. Pareil avec les annonceurs : il y a un plafond de verre patriarcal qui fait que l’on ne va pas au bout. J’espère que l’année des quinze ans sera l’année des victoires.

Mais quand on voit un film comme Les Reines du drame, on réalise qu’il se passe quelque chose, qu’un vent nouveau souffle.
C’est génial qu’un film comme celui-là puisse se faire. Il y a maintenant chez les jeunes cinéastes une vision du queer complètement décomplexée, comme chez Caroline Poggi ey Jonathan Vinel qui ont réalisé Eat the Night, l’autre grosse révélation française Mais ce n’est que le début, continuons le combat

PALMARÈS QUEER PALM 2024
Court-métrage : Las Novias del Sur
Long-métrage : Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde


Par Marc Godin