Christopher Nolan peut-il sauver les salles de ciné ?

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Tenet sort ce lundi 24 août. Son héros John David Washington doit empêcher un holocauste nucléaire, et son réal’ Christopher Nolan sauver le 7e art. Paradoxes temporels et grillage de neurones pour le blockbuster de l’année.

Réalisateur de gros barnums prétentieux et souvent vides, Christopher Nolan a tendance à se prendre pour le rejeton de Shakespeare et de Stanley Kubrick, ce qui n’est pas obligatoirement une bonne idée. Avec son magnum opus, Tenet, reporté trois fois, Nolan revient tel le messie pour sauver le cinéma de la pandémie et du streaming (hello Disney). Et cette fois, c’est une victoire par K.O. puisque Nolan signe son meilleur long-métrage depuis Le Prestige, un film d’espionnage cool et spectaculaire, sur fond de paradoxes temporels, où il s’amuse à retourner le cerveau de son spectateur.

Strates temporelles 

Force tranquille de Tenet, John David Washington (BlacKkKlansman) cavale pendant 2H 30 et campe un agent très secret chargé de mener à bien une mission (impossible) : empêcher un holocauste nucléaire sur fond d’inversion temporelle, avec de drôles de virées du présent vers le futur mais aussi du futur vers le présent. Le scénario de Tenet louche sur les James Bond et autres Mission : impossible, films ultra-calibrés avec trois séquences hénaurmes et des figures obligées : méchant trop méchant qui veut détruire la planète, visite guidée de plusieurs pays exotiques, cascades, potiches sexy… Tenet s’apparente donc à un remix électrique d’un Bond, version temporalité upgradée, mais Nolan, nouvel alchimiste du 7e art, transforme ce matériau de seconde catégorie en grand cinéma. C’est brillant et confus, magique et ludique, et si Nolan joue l’inversion, il ne nous la fait pas à l’envers et semble nous balader dans un dessin en trompe-l’œil de M. C. Escher. Avec son jeu entre différentes strates temporelles, le cinéaste perd son spectateur, lui plonge la tête dans l’eau pour mieux le repêcher, l’agrippe pour ne jamais le lâcher, dans un brouillard éclatant où le temps semble élastique, détraqué, malade.

Sur le plan formel, Nolan sort, comme à son habitude, la grosse artillerie et sa croyance dans le cinéma est telle qu’il tourne en Imax 70mm. Et sculpte quelques-unes des plus belles séquences de sa carrière : une poursuite de voitures, dont certaines roulent à l’envers, une opération commando dans une salle de concert, l’escalade à l’élastique d’un gratte-ciel… Des moments d’anthologie, quasi surréalistes, ciselés par des pointures, notamment le chef opérateur Hoyte Van Hoytema ou le Suédois Ludwig Göransson, dont la musique électro sonne comme du Philip Glass atomique et qui propulse le film dans une autre dimension, avec une ambiance de fin du monde. Du pur génie.

A l’arrivée, Christopher Nolan nous séduit et nous comble. Et signe, tout simplement, son meilleur film depuis Le Prestige. Comme s’il s’était enfin débarrassé de l’emprise de Kubrick et qu’il était enfin devenu… lui-même, un cinéaste de pur divertissement, ludique et joyeux, trop heureux de perdre son spectateur dans son labyrinthe et de lui griller ses derniers neurones. 

 

Par Marc Godin