Chronique d’un hold-up annoncé. Dans une maison maternelle, cinq adolescentes rêvent d’une une vie meilleure pour elles-mêmes et leur bébé. Survie, réconciliation, espoir : les frères Dardenne au sommet de leur talent.
Le 10 avril dernier, quand Thierry Frémaux, lors de l’annonce de la sélection officielle, a égrené les noms des stars et des petits nouveaux qui feraient l’édition 2025, il s’est arrêté longuement pour commenter la sélection, en compét s’il vous plaît, des indéboulonnables Dardenne, abonnés à la Croisette et collectionneurs de récompenses. « Au Festival de Cannes, nous sommes comme des éditeurs, et un éditeur est fidèle à ses auteurs. Le festival est fidèle à des cinéastes comme les frères Dardenne. Leur film s’appelle Jeunes Mères et parle de ces jeunes mères de famille qui ont de la difficulté à devenir mères et qui sont accueillies dans la difficulté (par manque de moyens) par des équipes médicales et des soignants dont le dévouement et la compétence sont extraordinaires. Nous accompagnons les frères Dardenne dans cette chronique de ce que devient le monde à travers des destins précis de la Belgique contemporaine. »
Passionnés par Robert Bresson, l’équipe de foot du Standard de Liège, la gastronomie italienne et les faits divers, les frères Dardenne sont les champions toutes catégories de Cannes avec un palmarès en or massif : deux Palmes pour Rosetta (1999) et L’Enfant (2005), un prix d’interprétation pour Olivier Gourmet dans Le Fils (2002), un prix du scénario pour Le Silence de Lorna, 2008), un grand prix pour Le Gamin au vélo (2011), le prix spécial pour l’ensemble de leur œuvre du jury œcuménique en 2014, le prix de la mise en scène Le Jeune Ahmed (2019) et enfin le prix du 75e festival de Cannes pour Tori et Lokita (2022). En 2025 donc, Jean-Pierre et Luc, près de 150 ans à eux deux, reviennent faire un hold-up sur la Croisette avec un de leurs meilleurs films, la chronique toute simple d’adolescentes hébergées dans une maison maternelle qui les aide dans leur vie de jeune mère, cinq ados – Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma – qui rêvent d’une une vie meilleure pour elles-mêmes et leur bébé.
DU CINÉMA COMME UNE CARESSE
Au plus près des corps de ces jeunes pas encore femmes, au plus près de leurs visages, les frères vont les suivre dans leur quotidien de misère, entre galères de fric, ruptures avec le petit copain immature ou luttes avec des parents paumés. C’est beau et simple comme du Flaubert. Il y a une telle délicatesse, un tel naturel, que le spectateur ne peut que s’accrocher à son fauteuil, puis sangloter pendant les trente dernières minutes du film. Comme d’habitude, les frères parlent de survie, de réconciliation et d’espérance, le tout sans artifice, sans esbroufe, sans musique, avec une caméra toujours en mouvement, de longs plans séquences, du silence, et, nouveauté, une nouvelle façon de filmer les personnages de dos, en marche (le plan signature des Dardenne, mille fois copié, jamais égalé), car les personnages des Dardenne sont toujours en marche, ils avancent. Quelque chose comme la perfection, une perfection invisible, où tous les effets ont été gommés pour qu’il ne reste que l’authenticité.
Un jour, Luc Dardenne a déclaré : « j’aimerais que nous arrivions à faire un film qui soit une poignée de main. » Voilà ce qu’est Jeunes mères. Une poignée de mains.
Et une caresse.
Jeunes mères de Jean-Pierre et Luc Dardenne
En salles le 23 mai 2025, à partir de 14h.
Par Marc Godin
© Christine Plenus