Malgré Christophe Honoré en président du jury et 16 films en compétition, la Queer Palm reste irrémédiablement dans la marge de Cannes. Rencontre avec son créateur, Franck Finance-Madureira.
L’année dernière, lors de la 14e édition, vous m’assuriez que la Queer Palm restait toujours un combat pour faire entendre les voix des marges dans cet festival immense. Et vous espériez que l’année des 15 ans serait l’année des victoires.
C’est bien, je vois que je suis un garçon optimiste. Mais non, rien n’a changé, c’est toujours aussi complexe, toujours aussi difficile.
Vous êtes toujours dans la marge ?
Oui, nous sommes toujours maintenus dans la marge par cette grosse machine qu’est le festival. Et en France, il y a toujours eu une espèce de plafond de verre du patriarcat concernant les grands annonceurs sur ce genre de sujets. Une fois de plus, on arrive à consolider notre budget avec les distributeurs et les producteurs qui nous soutiennent, mais on ne parvient toujours pas à toucher les gros annonceurs sur ces sujets-là. On rencontre souvent des annonceurs qui nous disent « C’est formidable ce que vous faites », mais au final, ils bloquent toujours au moment d’être partenaire…
Ils ne veulent pas que leur marque soit associé à la Queer Palm ?
On ne nous donne jamais de raison précise. Il y a forcément un niveau décisionnel où les choses bloquent, avec un grand patron qui dit « Non, on ne va pas là-dedans. » Et c’est encore pire depuis l’arrivée de Trump. Il y avait une espèce d’influence américaine qui faisait que tout le monde était un peu sensibilisé d’une façon ou d’une autre à la politique de diversité. Aux États-Unis, il y a quand même des grandes marques qui s’associent à des événements queers, mais depuis Trump, ce n’est plus le cas et tout le monde fait marche arrière. Et ça se ressent, notamment dans les pays européens où on faisait un peu de diversité parce qu’il fallait bien le faire…
Donc, 2025 n’est pas du tout l’année de la victoire, c’est plutôt le grand bond en arrière ?
L’année du backlash, oui.
On peut également envisager que ça valide aussi votre combat, votre engagement ?
Bien sûr, ça le légitime quelque part. C’est aussi pour cela que cette année, pour notre affiche, on a choisi une photo prise pendant une pride parisienne. L’idée, c’est de dire que non seulement le combat continu, mais qu’il va falloir être encore plus tous uni sur ces combats-là, et lutter pour ne pas se faire marginaliser. C’est une affiche militante.
Cette année, Christophe Honoré est votre président du jury.
Christophe a tout de suite accepté notre proposition parce qu’il pense que c’est un prix éminemment politique, éminemment important. Dans le jury, nous avons Léonie Pernet, qui est musicienne, chanteuse, qui fait aussi de la musique de films. Marcelo Caetano, le réalisateur de Baby, qui était à la Semaine de la Critique l’année dernière, Timé Zoppé qui dirige la rédaction de Trois Couleurs, Faridah Gbadamosi, programmatrice, notamment à Tribeca.
Et les films ?
Nous avons 16 longs-métrages en compétition, ce qui correspond un peu au nombre de films que l’on a à chaque fois depuis une dizaine d’années.
Est-ce qu’il va y avoir un nouveau Les Reines du drame ou un Eat the Night ?
Je ne sais pas, mais j’espère car l’année dernière, nous avions vraiment des films de qualité, notamment ces Reines du drame, un film complètement queer, qui casse un peu les codes. Chaque année, on espère trouver un équilibre entre un cinéma grand public et des cinémas plus radicaux qui affirment des choses, qui renouvellent le genre. C’était le cas de Eat the Night, Les Reines du drame ou Baby, un très beau film résilient. Je pense que l’on aura beaucoup de grands films à voir…
Maintenant, la question la plus importante : pourquoi la fête de la Queer Palm est-elle la meilleure de Cannes ?
Je ne peux pas dire parce que je fréquente pas toutes les fêtes. Dans un milieu du cinéma un peu corseté, notre fête fait souffler un vent de liberté. Je pense qu’on en a tous de plus en plus besoin. Mais si on a toujours eu la chance de trouver des lieux pour nous accueillir, pour l’instant, on n’a pas trop de visibilité sur l’endroit où l’on va pouvoir faire la fête, je n’ai pas trouvé de plage. Il y a de moins en moins de possibilités, c’est de plus en plus complexe…
Plus d’infos
https://queerpalm.org/
Par Marc Godin