Cruise toujours ! Tandis que le messie Tom Cruise tente de sauver le monde de l’apocalypse nucléaire, ses scénaristes rament pour boucler la saga. Spectaculaire mais trop bavard.
Alors que tous les jours, les nouvelles du monde semblent de plus en plus chaotiques, Tom Cruise balance un huitième Mission : Impossible anxiogène, placé sous le signe de l’holocauste nucléaire, avec missiles atomiques, méchante IA et extinction totale de l’humanité. Le parfait summer movie, donc… Saga inégale, Mission : Impossible est devenue au fil des années une attraction foraine, avec Tom accroché à un avion, un gratte-ciel, un train, bref, un truc en mouvement qui secoue sa race… Big boss de la franchise, Tom imagine quelques cascades démentes puis demande à des scribouillards de bricoler une histoire autour (l’anecdote avec été révélée par Robert Towne, scénariste légendaire de Chinatown, qui avait usiné le deuxième M : I). Malgré cette façon peu orthodoxe d’envisager la narration, le précédent Mission : Impossible, sorti en 2023, était une réussite exemplaire, avec un script affûté comme une lame, quatre femmes puissantes qui menaient l’action, une série de séquences ahurissantes parfaitement intégrées à l’histoire (la poursuite auto à Rome, le saut à moto, les bastons à Venise, le final dans le train), bref 2H 30 de grand cinéma, à la fois malin et généreux. Malheureusement, ce Mission : Impossible – Dead Reckoning Part One n’a pas très bien marché, il n’y a donc plus de Part 2, mais ce Final Reckoning, que l’on peut envisager comme le point final de la poule aux œufs d’or de la Paramount. Exit les femmes, avec de vrais rôles, on remet Tom Cruise au centre du game et on le montre sous toutes les coutures, tel un demi dieu, sublimé par la caméra in love du réalisateur Christopher McQuarrie : torse nu, en débardeur, en maillot de bain, en train de balancer des bourres-pif, d’effectuer des doubles saltos, de courir à en perdre haleine (le fameux « Tom Cruise running », figure pop et emblématique de la saga). Sauf que c’est souvent au détriment de la narration. Notamment quand Tom traverse Londres pour sauver Luther d’une mort certaine et incompréhensible, et qu’il court dans la City en petite foulée en admirant Big Ben… Du pur fan service de base. Plus étrange encore, cette idée de vouloir conclure un arc narratif démarré il y a trente ans avec le Brian De Palma et de relier ce nouvel épisode aux sept précédents. La première heure – interminable – est incroyablement bavarde et à plusieurs reprises, l’action s’arrête, les personnages tapent la discute, reviennent sur les différents épisodes, explicitent la série avec des extraits. Certains persos anecdotiques de la saga reviennent faire un petit coucou, mais évoquer la « patte de lapin » ou « l’anti Dieu » n’a pas vraiment d’intérêt (c’est toujours n’importe quoi), à part ralentir l’action. Néanmoins, les concepteurs de M : I s’offrent deux énormes moments : la plongée de Tom dans le sous-marin russe échouée sous la banquise, du grand cinoche, supérieurement mis en scène, avec sueurs froides en Dolby Atmos, et la cascade de Tom dans les airs. L’acteur s’était déjà accroché à un avion (un Airbus A400M, au début de Rogue Nation), mais elle ne fonctionnait pas vraiment, car sans enjeu. Ici, Tom doit tenter d’arrêter le méchant du film, Gabriel, incarné par l’excellent Esai Morales, et entame un ballet en apesanteur entre les ailes d’un biplan Boeing-Sterman des années 30. On sent que Tom Cruise s’est investi à 2000% dans ces deux séquences qui resteront parmi les plus phénoménales de la série. On pourra quand même s’interroger sur le fait qu’il produise un blockbuster à 300 millions, avec une armée de techniciens et d’informaticiens, mais affublé d’un scénario bancal, souvent abscons et parfois prévisible.
Mission : Impossible – The Final Reckoning
Sortie en salles le 21 mai
Par Marc Godin