BRÖ, NÉO-DIVA : « LA NOUVEAUTÉ EST DANS LA FUSION ! » 

Brö Technikart

« Moderne féministe », « nouvelle variété » : Brö s’est présentée avec une batterie de néo-concepts qu’elle déploie dans son premier album, Grande, un troisième projet toujours plus pop !

Tu te définis comme artiste de « Nouvelle variété » : une forme hybride de pop, issue de l’urbain, mais qui « n’invente rien ». Définition ?
Brö : C’est ce que représente le mieux notre culture mélangée : je connais quelqu’un qui joue de la Darbouka, un gars qui fait du synthé et un autre de la prod’, faisons quelque chose ensemble ? La nouveauté est dans la fusion. Le rap tel qu’il a existé dans ses débuts n’existe plus : qui dans le rap est dans une démarche d’élévation des classes populaires ? Pas grand monde. Le rap aujourd’hui, c’est faire de l’argent – et pourquoi pas, moi aussi !

En 2019, tu as sorti un premier projet de rap, Klaus. Depuis Cassandre (2021), tu es accompagnée des musiciens Élie (bassiste) et Jules (guitariste). Quel rôle ont-ils eu dans ton évolution musicale ?
Mon premier EP avait été composé sans eux (Klaus, ndlr), mais ils m’avaient accompagné sur scène. Et finalement, je considère mon second EP, Cassandre, comme mon premier projet, parce qu’il est plus représentatif de la variété dans laquelle j’ai envie de m’inscrire. Ils ont eu un rôle fort lorsqu’ils ont rejoint la partie composition avec moi, parce qu’ils m’ont tirée vers le haut. J’ai réalisé que pour s’exprimer pleinement, toute une part de technique à maîtriser peut être nécessaire.

Que ce soit sur la pochette de Cassandre ou de Grande, tu t’es mis en scène avec une pluie d’individus qui t’entourent. Que disent de toi ces covers ?
Peut-être que j’essaie d’exprimer ma différence par rapport à une espèce de foule autour. Mais il y a également le côté de ne pas exister sans les autres. J’ai l’impression que, quoiqu’il arrive, peu importe ce que je raconte, je m’inscris dans un contexte où il y a du monde autour de moi.

Comme sur le morceau « T’étais pas là » avec Ichon, où ni l’un ni l’autre ne s’écoute chanter. Comment l’as-tu rencontré ?
Frédéric Deces, qui a mixé Cassandre, avait également mixé Pour de vrai, l’album d’Ichon. Il lui a fait écouter mon projet, donc merci Fred ! Puis, l’année dernière, j’ai eu accès au studio Red Bull (5 Rue Papin, 75002 Paris, ndlr) pendant une semaine, alors je l’ai invité à venir jammer, comme la chanteuse Ehla qui est aussi sur l’album. L’idée de « T’étais pas là » vient du fait qu’on se cherchait en jammant, et qu’on ne s’écoutait pas du tout ! On l’a vécu comme un duo plus qu’un feat ; on a écrit un clip qu’on va bientôt tourner.

Qu’est-ce qu’une « moderne féministe », un concept que tu mets en exergue dans le morceau du même nom ?
C’est une façon pour moi de me positionner en décalage par rapport au féminisme et de dire que la lutte est peut-être ailleurs qu’une opposition du type « les garçons contre les filles ». Je m’inclus complètement dans le programme néo-féministe de vouloir prendre le pouvoir, mais est-ce vraiment ça l’égalité ? Je pose la question.

« Dans tous les contextes/L’unique écart est le pognon », dis-tu dans le morceau.
Évidemment que l’unique écart n’est pas que le pognon, il y a tout un tas de caractéristiques secondaires dont il faut arriver à se défaire. Mais finalement, n’aurait-t-on pas tous un ennemi commun ? Les 1 %…

Lectrice du philosophe Alain Badiou ?
Oui !

Grande, est-ce l’album de la confiance ?
Le féminisme est aussi toujours un thème majeur. J’ai l’impression d’avoir pris plus de recul, de mettre plus mise dans une fiction. Cassandre, c’était très brut, tout est sorti comme ça m’est venu. Là, c’est plus taillé – je me sens plus le courage d’endosser un personnage qui n’est pas moi et c’est positif, parce que je peux prendre plus de risque. Grande est un album de pop-alternative. Aujourd’hui, la pop s’enrichit de tout ce qui a traversé le XXème siècle, mais au départ, la pop, ce sont des artistes passés par les Conservatoires qui veulent faire une musique plus directe, plus efficace. Ce sont les Beatles. Ce que j’appelle « nouvelle variété », c’est une façon de reprendre cette démarche originelle de la pop, de puiser dans le rap, le jazz et le rock, et d’utiliser, comme des outils, la simplicité acquise avec les technologies. Une forme de « nouvelle vague » qui refuse de rester bloquée à FL Studio et Splice (logiciels de production musical, ndlr) !

 

Par Alexis Lacourte
Photo Arthur Savall-Aprosio