BEAU OUI COMME BOWIE

bowie daydream

Dieu du rock, David Bowie a inventé la bande son de notre époque. Un doc sous forme de trip hypnotique, chaotique, qui vous plonge dans son cerveau survolté. 

« Si jamais vous êtes triste, rappelez-vous simplement que le monde a 4,543 milliards d’années et que vous avez réussi à vivre à la même époque que David Bowie. » À la mort de Bowie en 2016, ce tweet viral a enflammé les réseaux. Parce que David Bowie était quasiment un dieu, un artiste total qui a changé la musique, la mode, le cours de nos vies, comme Elvis, Les Beatles et peut-être Kanye West. Il existe bien sûr pas mal de docs sur le Thin White Duke (dont un miteux sur Netflix), mais Moonage Daydream devrait mettre tous les fans d’accord puisqu’il propose une plongée unique dans le cerveau de leur idole, une œuvre à la fois impressionniste et hypnotique. Pas de synthé, pas de chronologie, pas de témoignages pleurnichards, pas de voix-off : voici un trip filmique qui ne ressemble à aucun autre, une odyssée ciné et graphique, une rêverie lunaire. Pendant 2 h 20, on assiste – quasi en transe – à une éjaculation d’images d’archives, d’extraits de concerts, de films, d’interviews, des vidéos expérimentales de Bowie, des films d’animation ou des collages avec des extraits de films comme Freaks, Un chien andalou, Nosferatu, Orange mécanique ou Les Chaussons rouges. C’est un kaléidoscope de sons et de musiques avec Bowie le caméléon qui avance masqué. On le regarde fumer longuement des Gitanes, qu’il tient dans ses longues mains diaphanes, peindre des œuvres magnifiques, répondre toujours intelligemment aux questions stupides des journalistes, deviser sur l’art, Nietzsche et le chaos, la technologie, la métaphysique, se métamorphoser en Elephant Man à Broadway sans maquillage, enregistrer à Berlin avec Brian Eno et bien sûr enflammer les scènes du monde entier, le tout en Dolby Atmos, et un son remixé par le fidèle Tony Visconti qui vous immerge dans BowieLand. Frissons assurés. 

DES MASQUES, UNE ÉNIGME

Moonage Daydream est l’œuvre de Brett Morgan, documentariste du troisième type, auteur du stupéfiant Kurt Cobain : Montage of Heck. Il a bénéficié des archives de la Fondation David Bowie qu’il a mis pas moins de trois ans à dérusher. Le film lui a pris cinq ans de sa vie et, croulant sous le boulot, il s’est même fait une petite crise cardiaque à 47 ans quand son cœur s’est arrêté de battre trois minutes. S’il multiplie les thèmes, les pistes, les visions, Morgen laisse dans l’ombre la vie privée de Bowie, mentionnant son demi-frère Terry, schizophrène, Iman, mais pas du tout Angie, ni son fils. Et il ne couvre pas toutes les époques car il semble clair pour lui que les années 1970 sont les plus fécondes, quand Bowie invente la bande-son du XXIe siècle. Après une décennie flamboyante passée à sculpter quelques-uns des plus beaux albums de l’histoire du rock, Bowie va délaisser l’expérimentation pour cartonner dans les charts avec des disques plus commerciaux, moins parfaits. Et devenir – enfin – lui-même sur scène, un entertainer peroxydé, visiblement heureux de faire danser ses millions de fans.

À la fin du film, Bowie reste bien sûr une énigme. Mais pendant une poignée de minutes, on a vu le monde avec ses yeux. Et c’était sublimement beau…

MOONAGE DAYDREAM
BRETT MORGEN
SORTIE EN SALLES LE 21 SEPTEMBRE


Par Marc Godin