ANDREA BENSAÏD, ESKIMOZ BOSS : L’HOMME QUI MURMURAIT À L’OREILLE DES GAMA…

ANDREA BENSAID

À 33 ans, cet as de la comm’ next-gen a réussi à craquer la formule de référencement de Google. Aujourd’hui sa boîte Eskimoz a cinq bureaux à travers l’Europe et une centaine de collaborateurs. Il nous livre ses tips. 


Vous obtenez un diplôme de finance en 2010, à l’âge de 22 ans. La même année, vous lancez en tant que freelance et vous lancez votre boîte cinq ans plus tard, Eskimoz. Comment est venu le déclic ?
Andrea Bensaïd : J’ai travaillé pendant cinq ans chez moi, en freelance, jusqu’à en avoir marre de bosser seul. J’ai eu beaucoup de mal à me structurer tout seul et je n’avais pas d’expérience dans d’autres entreprises digitales. J’avais besoin d’un peu plus d’interactions sociales et de me confronter au marché. Puis plus simplement, de mettre un réveil le matin et de me préparer, mettre une chemise, aller au travail et avoir de vrais horaires… C’est bête, mais je voulais m’acheter une hygiène de vie en fait ! Cinq ans plus tard, j’ai occupé mon premier bureau, recruté mon premier stagiaire, et depuis 2015 jusqu’à aujourd’hui, j’ai fait 100 % de croissance par an. On est devenu le leader du SEO (positionner des sites internet sur Google de manière organique, ndlr) en France.

De quelle façon s’est fait le lien entre la finance d’entreprise et le référencement de sites sur le net ?
Pour décrypter des algorithmes, comme on le fait pour le SEO, il faut avoir un esprit cartésien, logique, mathématiques. J’étais bon dans ce domaine… Et, en réalité, j’avais le choix entre faire une carrière dans la finance ou lancer un projet dans le digital. Le second m’a vite passionné et j’aimais l’idée d’avoir une boutique ouverte 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, faire des ventes pendant que je dors… Venant de la finance d’entreprise, je savais aussi qu’Internet était une aubaine en termes de structure financière car par exemple il n’y a pas de gestion de stock ou de baux commerciaux. Financièrement parlant, c’était le Graal !

Et d’être vous-même le produit de votre entreprise…
Exactement. J’ai investi 2 000 euros dans Eskimoz, j’ai fait mon site WordPress et, depuis, je n’ai pas remis un seul euro dans mon entreprise. Aujourd’hui, j’ai plus de 100 collaborateurs. On s’est développé de manière organique. Le web c’est ça : il suffit d’avoir une connexion internet et tout est possible.

Vous avez donc développé Eskimoz sans levée de fonds ?
Effectivement, mon histoire est un peu atypique, mais c’est surtout dû à notre industrie. C’est vrai qu’en général, ceux qui réussissent dans l’univers de la start-up font des levées de fonds pour aller plus vite. Construire une offre de qualité était plus important pour moi que d’avoir une croissance rapide.

Vous êtes un cas à part.
On est une agence de conseil, un genre de cabinet d’avocats du digital. Un cabinet d’avocats, pour se développer, n’a pas besoin de levée des fonds, il a plutôt besoin de clients. Et derrière chaque client, on a un chef de projet, un consultant. Dès qu’on arrive à atteindre notre point de rentabilité sur un consultant, on en recrute un deuxième, et ainsi de suite. Du coup, on n’est pas dans un délire de fuite en avant et on attend toujours d’avoir les clients avant de recruter nos prochains consultants. Nous avons cherché à avoir l’organisation la plus saine possible. Nous n’avons pas envie d’aller plus vite que la musique parce qu’on veut garder un certain niveau de qualité et d’expertise pour les clients.

Au départ, vous vous concentriez sur le référencement, et désormais vous proposez un « package complet » ?
Oui, nous proposons maintenant un accompagnement sur toutes les principales plateformes. Quand on devient leader d’un secteur, qu’on a des centaines de clients et qu’on sait comment décrypter les algorithmes des GAMA (Google, Amazon, Meta, Apple…), on peut aider les entreprises à mieux dépenser leur argent sur ces plateformes. Google étant l’algorithme le plus complexe à nos yeux, il a été très simple pour nous de proposer une forte expertise rapidement sur les autres plateformes.

Après le référencement et le contenu, quelle sera la prochaine étape pour Eskimoz ?
D’être toujours au fait des nouvelles tendances. Par exemple, on a vu récemment Amazon prendre beaucoup d’ampleur sur le E-Commerce. Apple devenir incontournable sur les app mobiles. TikTok émerger, qui est en train de prendre des parts de marché énormes sur Instagram et Snapchat. Notre rôle c’est de toujours continuer de décrypter ces nouveaux algorithmes et plateformes qui émergent pour bien comprendre comment ils fonctionnent afin de pouvoir toujours proposer le canal le plus adapté à une entreprise. La suite, c’est de continuer de maîtriser ces algorithmes complexes qui ne cessent d’évoluer. Rien que pour Google, il y a plusieurs centaines de mises à jour par an de son algorithme. Arrêter de le suivre, c’est renoncer à notre expertise… 

Vous étiez parti avec 2000 euros en poche à la création de l’entreprise. Quel est votre nouveau challenge ?
C’est vrai que j’aime les défis, c’est pour ça que nous partons à la conquête de nouveaux pays avec Eskimoz. Cela implique des rencontres avec des cultures différentes, des méthodes de travail inhabituelles. C’est un vrai challenge de se développer à l’international et de proposer la même qualité ailleurs. Nous voudrions devenir le leader de l’acquisition en ligne en Europe. J’aimais bien me battre contre les autres, pour me mettre à leur niveau et les dépasser. Maintenant que c’est fait, j’ai envie de partir à la conquête de nouveaux marchés. On a lancé Madrid il y a un an, on est passé de zéro à quinze personnes en un an. Là, on vient d’intégrer une société de 30 personnes à Milan. Grâce à notre savoir-faire et notre expertise, on arrive à bien se développer dans ces pays.

Quel serait votre conseil pour un rookie qui voudrait s’inspirer de votre parcours et lancer son entreprise ?
Déjà, il y a une chose qu’il faut éviter de faire, c’est se laisser influencer par ces articles qui expliquent que machin a levé 10 millions, l’autre a levé 20 millions. Tout ça, ce n’est souvent pas la réalité. Il y a tout un tas d’entrepreneurs qui accumulent de l’argent et qui, en fin de compte, perdent tout, alors qu’ils ont passé dix ans à travailler sept jours sur sept. Mon ultime conseil, c’est de continuer son travail et de ne pas tout plaquer du jour au lendemain. Ce n’est pas « je monte ma boite, il faut que je démissionne de mon poste immédiatement ». En réalité, c’est plus j’ai un projet à côté de mon travail, que je peaufine, et l’idée est de commencer à bosser en « side-project » dans un premier temps. Le soir en rentrant du travail, le week-end et les vacances, tu bosses sur ton projet. Autant quitter ton job quand le projet est en train de prendre. Entre les statuts, le site, démarcher les clients, faire des présentations, ça peut prendre douze mois. Et tu peux vite te retrouver le bec dans l’eau si tu abandonnes tout et te lances trop tôt. Une entreprise, il lui faut bien deux ou trois ans pour être viable. 

Votre définition de la réussite ?
Ce n’est pas simplement de monter une boite, c’est certain. La réussite, c’est surtout d’être heureux dans son travail, avec sa famille, ses amis. Il faut arrêter de dire « entreprendre, c’est comme ça qu’on réussit ». D’ailleurs, je connais peu d’entrepreneurs qui gagnent très bien leur vie. En général, brasser beaucoup d’argent entraîne des problèmes plus qu’autre chose. Ensuite, quand on a un projet qui nous tient à cœur, il faut vraiment que ça se lance naturellement, sans forcer, c’est quelque chose qui doit venir des tripes. Quand on est passionné, on se réveille un jour et on lance sa société. Les gens qui lancent leur boîte en se disant « il y a une opportunité de marché là, ça serait bien », ça ne marche jamais. Les plus belles réussites se font souvent par des gens passionnés par ce qu’ils font les choses avant tout par plaisir. Une entreprise doit vraiment être vue comme le prolongement de soi-même.

www.eskimoz.fr


Par
Julio Rémila
Photo Eskimoz