CHRISTOPHE : NOTRE INTERVIEW VERITƉ (ENFIN PRESQUE) DE MARS 2016

christophe technikart

Huit ans apreĢ€s Aimer ce que nous sommes, le pape de la pop francĢ§aise revient avec un nouvel album, Les Vestiges du chaos. Rencontre chez lui, entre tableaux louches, souvenirs de Lou Reed et brochettes japonaises.

Il fait nuit et il crachine quand jā€™arrive boulevard du Montparnasse : la Closerie dans mon dos, la Coupole et la Rotonde au loin, le quartier de Christophe est bien fourni niveau brasseries. Mais je ne suis pas Gilles Pudlowski. A lā€™adresse indiqueĢe, je gravis les trois eĢtages et sonne. Cā€™est Brigitte qui vient mā€™ouvrir. Infatigable attacheĢe de presse du beau bizarre, Brigitte est habitueĢe aĢ€ organiser des interviews aĢ€ des heures indues. Elle prend ses heures suppleĢmentaires avec le sourire et, le temps que Christophe soit preĢ‚t, mā€™emmeĢ€ne boire un verre aĢ€ la cuisine. LaĢ€, je tombe sur Tof Van Huffel, fideĢ€le collaborateur de Christophe depuis quinze ans ā€“ deĢjaĢ€ producteur dā€™Aimer ce que nous sommes en 2008, cā€™est encore lui qui a reĢaliseĢ Les Vestiges du chaos. Tof me sert du vin rouge et embraye sur lā€™enregistrement au long cours de ce nouvel album, eĢtaleĢ sur huit ans de Paris aĢ€ Tanger en passant par Saint-ReĢmy-de-Provence. Le reĢsultat ? Dans le prolongement de Commā€™ si la terre penchait et Aimer ce que nous sommes: un meĢlange percheĢ de pop, de blues et de chanson, dā€™expeĢrimentations indus et eĢlectro, de ballades et de grands moments (Ā« Stella Botox Ā», Ā« Drone Ā», Ā« Tu te moques Ā», Ā« E Justo Ā», Ā« Mes nuits blanches Ā») Un quart dā€™heure passe jusquā€™aĢ€ ce que deĢboule Christophe. Jā€™ai beau lā€™avoir rencontreĢ plusieurs fois, je reste frappeĢ par son incroyable physique de VercingeĢtorix en modeĢ€le reĢduit. Il est neĢ la meĢ‚me anneĢe quā€™Alain JuppeĢ mais nā€™a pas la meĢ‚me touche, avec ses lunettes bleuteĢes, sa crinieĢ€re et sa moustache. Toujours aussi doux dingue et bondissant, le barde septuageĢnaire mā€™invite aĢ€ le suivre aĢ€ son salon-studio. Jā€™y retrouve sa deĢco capharnauĢˆm, son piano Steinway, ses machines et ses syntheĢs, ses juke-boxes et sa collection de vieilles radios, ses affiches, ses feĢtiches, ses bibelots… Il y a beaucoup de femmes, partout : une imposante Vierge noire, et des photos moins catholiques. On sā€™assoit. Jā€™enclenche le magneĢto. Christophe, lui, sort un premier mouchoir.

christophe technikart


Tu es enrhumeĢ ?
Christophe : Jā€™ai une sinusite aggraveĢe. On pourrait croire que je prends de la coke mais ce nā€™est pas le cas: cĢ§a mā€™est interdit, la coke, depuis 1982.

Quā€™est-ce que cā€™est que ces histoires ?
A lā€™eĢpoque, jā€™avais testeĢ cĢ§a et il y avait de lā€™aspirine dedans, donc jā€™avais fait un choc aĢ€ lā€™aspirine. Jā€™ai pas le droit aĢ€ lā€™aspirine, quoi… Plus jamais jā€™en ai repris, du coup. Les gens sont pas corrects: au lieu de te donner de la bonne coke pure, ils trouvent toujours le moyen de mettre des saloperies dedans. Et tu sais, si tu prends de lā€™aspirine, tu creĢ€ves.

Pas de coke, donc. Je vois que tu continues le theĢ, par contre.
A part les cocktails, je ne bois que du theĢ japonais, du Genmaicha. Tu sens cette odeur de riz grilleĢ? Ouah. Mais jā€™en bois beaucoup moins. Avant, jā€™en buvais dix par jour. Je suis descendu aĢ€ deux. CĢ§a me va.

La dernieĢ€re fois quā€™on sā€™eĢtait vus ici, en 2014, tu eĢtais aĢ€ fond dans la peinture : tu eĢtais en train de finir un autoportrait…
Mon autoportrait, il est juste laĢ€ derrieĢ€re toi, regarde. Bon, jā€™ai encore beaucoup de taf dessus. (Christophe me montre un tableau abstrait qui a lā€™air de tout sauf dā€™un autoportrait.)

Ah ah, il y a deux ans, tu mā€™avais dit que cĢ§a ressemblerait aux dessins dā€™Antonin Artaud
ā€“ je ne vois pas le rapport !
Artaud eĢtait doueĢ; moi, je suis autodidacte. LaĢ€, cette peinture, je vais lui rentrer dedans. Aller vers lā€™inconnu, comme je fais toujours. Si cĢ§a marche pas, je vais la jeter. Jā€™ai un nouveau concept pour la prochaine : jā€™ai acheteĢ deux eĢnormes tubes, un de noir un de blanc, et je vais attaquer au scalpel sur des grandes toiles dā€™un meĢ€tre sur un meĢ€tre. Faut que jā€™aille vite, jā€™aimerais exposer dā€™ici un mois.

Tu es alleĢ moins vite sur ton album : huit ans. Pourquoi tant de temps ?
Juste, tu veux pas commander un truc aĢ€ manger? Une brochette bœuf-fromage? Cā€™est ce quā€™il y a de pire. Jā€™aime tout ce qui est deĢgueu. Pour reĢpondre aĢ€ ta question, je ne fais pas dā€™albums: les albums se creĢent eux-meĢ‚mes, des bribes viennent aĢ€ moi. Et puis un jour, je mā€™apercĢ§ois quā€™il y a un amalgame possible. Ce qui me plaiĢ‚t, cā€™est travailler la matieĢ€re.

A propos de matieĢ€re, il y a encore des sons fous sur ce disque : eux, tu les cherches ou tu les attends ?
Lā€™affuĢ‚t du hasard, cā€™est de la recherche, hein. Je suis aĢ€ lā€™affuĢ‚t pas de lā€™accident, non, mais de la faille estheĢtique. Il y en a, des failles, dans cet album, je laisse les gens les deĢcouvrir ā€“ enfin, ils ont autre chose aĢ€ foutre, les gens, aujourdā€™hui. Je me souviens tā€™avoir deĢjaĢ€ expliqueĢ cĢ§a ici, aĢ€ lā€™eĢpoque ouĢ€ je buvais du Jack Danielā€™s: ce qui mā€™ameĢ€ne au deĢsir de creĢer, cā€™est quand il y a des sources de sons qui arrivent et qui me donnent des gimmicks, des chansons.

Ā« DUTRONC EST LE SEUL MEC FRANƇAIS QUE Jā€™AI AIMƉ Ā»


Avec ton gouĢ‚t pour la matieĢ€re, si tu nā€™avais pas eĢteĢ musicien, tu aurais bosseĢ dans la mode, les tissus ?
Un jour, aĢ€ 14 ans, je suis entreĢ dans la boutique Cardin rue Saint-HonoreĢ. Jā€™eĢtais persuadeĢ que je pourrais rencontrer monsieur Cardin et quā€™il mā€™engagerait. Jā€™aimais faire des silhouettes, des femmes. Tu me files un crayon, je te dessine une robe en deux secondes.

Sur Les Vestiges du chaos, il y a la chanson Ā« Lou Ā», sur Lou Reed.
Je ne pensais pas faire un hommage aĢ€ Lou Reed. Cā€™est arriveĢ comme cĢ§a. CĢ§a devait eĢ‚tre en moi, dans mon inconscient.

Tu le connaissais ?
Attends, si tu veux que je te raconte toute ma relation avec Lou, faudrait faire un Technikart speĢcial laĢ€-dessus… Je lā€™avais rencontreĢ aĢ€ une lecture quā€™il avait faite au 104. Sa manageuse mā€™aimait bien. Elle mā€™avait dit de venir boire un verre apreĢ€s. Je me suis retrouveĢ dans les bras de Lou Reed qui mā€™embrassait. ApreĢ€s, aĢ€ chaque fois quā€™il revenait, il voulait que je passe lui faire un coucou dans sa loge. Et puis cĢ§a sā€™est deĢgradeĢ. La fin de notre histoire, cā€™est son dernier Olympia. Jā€™eĢtais assis dans les marches, dans les coulisses. Il mā€™a vu et mā€™a ignoreĢ plusieurs fois. Et trois mois apreĢ€s, il est mort.

Quā€™est-ce que tu admirais le plus chez lui ?
Son phraseĢ. Le phraseĢ, cā€™est aussi ce que jā€™ai aimeĢ chez Elvis, David Bowie, Alan Vega ou Trent Reznor, qui est mon idole aujourdā€™hui.

Tu cites Bowie. Sa mort a eĢteĢ un choc ?
Non. Moi, mon choc, je me lā€™eĢtais creĢe avec lā€™album quā€™il avait fait avant (The Next Day en 2013 ā€“ NDLR) : jā€™avais deĢcideĢ de ne jamais lā€™eĢcouter. Jā€™avais senti que cĢ§a allait pas eĢ‚tre bien. Alors que le dernier, jā€™ai fonceĢ dessus. La matieĢ€re, jā€™en parle meĢ‚me pas tellement cā€™est trop bien. Putain, je pensais que cā€™eĢtait reparti, que jā€™allais le revoir sur sceĢ€ne… Tu vois, mon ressenti nā€™a rien aĢ€ voir avec ce que jā€™entends partout. Dā€™ailleurs, ce qui se dit sur la disparition de Bowie, cĢ§a mā€™inteĢresse pas du tout. Jā€™ai pas envie de partager. Pourquoi je vais pas aux expos, moi? Jā€™ai pas envie dā€™eĢ‚tre avec dix peĢquins en train de regarder le meĢ‚me truc. Je me meĢlange pas pour aller voir les gens que jā€™aime. Jā€™aime pas les partouzes.

La mort te fait peur ?
Jā€™y pense pas. Mais depuis que jā€™ai passeĢ 70 balais, jā€™ai changeĢ… Heureusement, jā€™ai gardeĢ la passion aussi puissante. Qui vivra verra. Tā€™as quel aĢ‚ge, toi ?

30 ans.
Tā€™as du cul, dis donc! Cā€™est pas normal, cĢ§a! Tu veux pas me refiler dix piges? Te mettre aĢ€ 40 et je repasse aĢ€ 60? Aujourdā€™hui avec un peu de bleĢ tout est permis. On va arranger cĢ§a.

Les paroles de ton album mā€™ont fait penser aĢ€ La Femme et le Pantin de Pierre LouyĢˆs. Cā€™est un livre que tu aimes ?
Je collectionne des bouquins numeĢroteĢs de LouyĢˆs. Jā€™ai vu les adaptations aussi, celle de Von Sternberg avec Dietrich, extraordinaire, et celle de BunĢƒuel, Cet obscur objet du deĢsir. Tu as vu ce film? Putain faut voir et revoir cĢ§a… Je suis content que tu me parles de La Femme et le Pantin. Bon, jā€™aurais pu aller beaucoup plus loin. ApreĢ€s, la matieĢ€re sonore prime. Les mots se posent dessus. Les gimmicks de phrases envoient juste un parfum.

En 1983, tu chantais Ā« SucceĢ€s fou Ā» (Ā«Avec les filles jā€™ai un succeĢ€s fou, hou hou hou…Ā»), depuis les femmes ont pris le pouvoir sur toi ?
Ah ouais… Mais tu sais, je suis un joueur de poker. LaĢ€,surmonalbum,ilyalemorceauĀ«EJustoĀ»,ouĢ€ je raconte quā€™aĢ€ 14 ans jā€™avais avoueĢ aĢ€ mes parents que jā€™avais niqueĢ. La veĢriteĢ, cā€™est que le chiffre 13 ne collait pas ā€“ alors que cā€™est aĢ€ 13 ans que jā€™ai sauteĢ. Tu vois, je bluffe.

Anna Mouglalis lit un texte sur Ā« E Justo Ā». Cā€™est une copine ?
Elle mā€™aime bien, ouais… Je la connaissais dā€™avant, et puis jā€™avais fait un truc pour Fendo aĢ€ HyeĢ€res, aĢ€ la Villa Noailles, cette merveille. Anna, qui est proche de Gustav, mā€™avait parleĢ de la poeĢtesse Catherine Pozzi et mā€™avait proposeĢ de lire un de ses textes pendant mon concert. Elle a deĢclameĢ pendant un quart dā€™heure. Trop beau. Puis elle est venue aĢ€ la maison ouĢ€ je lā€™ai enregistreĢe pendant vingt minutes, juste une prise dans le vrai, dans lā€™instantaneĢ, lā€™eĢmotionnel.

Cā€™est sa voix grave qui tā€™a accrocheĢ ?
Dā€™abord sa beauteĢ. Sa diffeĢrence, son personnage, sa facĢ§on dā€™eĢ‚tre ā€“ et sa voix qui dit tout. Il y a deux femmes que j’ai toujours admirĆ©es : Laetitia Casta et Anna. Chez les plus jeunes, il y a aussi Sara Forestier qui est immense, et puis merde… comment s’appelle-t-elle… la meuf de RaphaĆ«l…

Ā« TRENT REZNOR, EST MON IDOLE AUJOURDā€™HUI. Ā»


MeĢlanie Thierry ?
Ah ouais, putain. MeĢlanie Thierry, pour moi, c’est une œuvre dā€™art. Cā€™est de la sculpture. Cā€™est Rodin.

Et chez les acteurs, il y en a qui te font reĢ‚ver ?
Vincent Lindon. Et puis Soko ā€“ mais cā€™est une fille, elle. On fait de la musique ensemble. Elle apparaiĢ‚t sur lā€™album aĢ€ un moment. Elle laisse son empreinte.

Pour finir sur Ā« E Justo Ā» : cā€™est autobiographique, alors ? Une veine rare dans ton reĢpertoire.
CĢ§a mā€™est arriveĢ de parler de ma vie : Ā« Les marionnettes Ā», par exemple. Dans Ā« E Justo Ā», je raconte la pension: Savigny, Levallois, Draveil. Jā€™ai fait que de la pension, moi. Jā€™ai beaucoup fugueĢ, aussi. Et de toute facĢ§on, jā€™ai arreĢ‚teĢ au BEPC. Les femmes me fascinaient deĢjaĢ€, aĢ€ lā€™eĢpoque. LaĢ€, jā€™ai ma Vierge noire, des pin-up, des photos, des treĢ€s beaux modeĢ€les, des poupeĢes… Quand jā€™eĢtais en classe, les premieĢ€res choses que jā€™ai dessineĢes, cā€™est des bagnoles et des bonnes femmes. Je dessinais des culs, des seins, des machins ā€“ avec ma non-technique, cĢ§a donnait des trucs bizarres, aussi surreĢalistes que mon autoportrait.

Il y a un autre morceau du tonnerre, cā€™est Ā« Mes nuits blanches Ā», en duo avec Orties.
Tā€™es dā€™accord, il est bien, hein ?

Cā€™est la suite de ton Ā« Voix sans issue Ā» de 1984 ?
Cā€™est un peu cĢ§a, cā€™est par laĢ€, ouais… Mais Ā«Mes nuits blanches Ā», cā€™est compleĢ€tement nouveau. Cā€™est la premieĢ€re fois que je chante avec Orties, deux filles que jā€™adore. Cā€™eĢtait lā€™eĢteĢ dernier: je les ai rencontreĢes via notre copain Sabatier (BenoiĢ‚t Sabatier ā€“ NDLR). Le hasard est un don. Je mā€™eĢtais coucheĢ aĢ€ 7h du matā€™. Je me suis leveĢ aĢ€ 10h pour aller aĢ€ lā€™avant-premieĢ€re du Moral des troupes, le film de BenoiĢ‚t. Les mecs que tā€™aimes vraiment, tu te leĢ€ves aĢ€ 10h pour les voir. Tu fais lā€™effort, sinon tu peux pas dire que tu les aimes. Tu vois, jā€™aime les mecs aussi. Pas pour baiser, hein… Bref, en sortant de la projection, jā€™ai vu Orties et Mirwais, jā€™eĢtais content de le revoir lui, on a bouffeĢ ensemble, jā€™avais de la matieĢ€re et les filles ont travailleĢ dessus, jā€™ai reĢeĢcrit le texte, Ƨa s’est fait en un mois.

Ce titre sonne Ć©lectro-rap. Un sillon que tu aimerais creuser ?
Non, je te rassure, jā€™ai pas besoin de cĢ§a, ce que je fais en eĢlectro me suffit… Je suis aĢ€ la recherche de l’inconnu. Quand je fais Ā« mes nuits blanches Ā», j’invente rien non plus, je suis dans une case. Et puis un mec comme Kanye West fait Ƨa mieux que moi. Moi, c’Ć©tait juste le hasard. Je cherche pas Ć  faire du rap, des machins, je m’en bats les couilles des rĆ©fĆ©rences, je fais de la variet’, du variĆ©, de la variĆ©tĆ© – t’es d’accord ?

christophe technikart


D’accord sur le cĆ“tĆ© variĆ© ou sur le cĆ“tĆ© variĆ©tĆ© ?

Bah cā€™est varieĢ la varieĢteĢ… Les Vestiges du chaos, c’est un pur disque de variĆ©tĆ©. Chaque chanson est une petite eĢtoile, lā€™ensemble forme un ciel eĢtoileĢ. Yā€™a plein de choses disparates, yā€™aurait meĢ‚me pu y avoir du punk. Jā€™ai rencontreĢ des rappeurs, aussi. Un mec a fait une voix, mais elle est pas resteĢe. Chez moi, tout reste vivant, rien nā€™est figeĢ avant la fin du mastering.

Au final, cā€™est un disque 100% christophien. Comment tu deĢfinirais le style christophien ?
VarieĢteĢ des eĢtoiles, quā€™est-ce que tu veux que je te dise dā€™autre? Pour parler cineĢ, yā€™a du Lynch, aĢ€ des moments. Du BunĢƒuel aussi, un mec qui a des eĢclats. Yā€™a Ferrara qui mā€™habite tout le temps quand je suis dans la creĢation. Et jā€™ai eĢteĢ beaucoup inspireĢ pour cet album par le film Basquiat, ouĢ€ Bowie joue Warhol. Ce sont des fils conducteurs : ce que cĢ§a fait reĢagir en moi, ce qui en ressort.

Aujourdā€™hui, tu restes un chanteur populaire ou tu es un artiste plus marginal ?
Je dis jamais que je suis un chanteur. Je dis que je suis un essayeur surreĢaliste dans la creĢation de tout. Je suis un ouvrier deĢbutant qui deĢcouvre tout le temps. Un chanteur, cā€™est Balavoine. Serge Lama, peut-eĢ‚tre. Moi, jā€™ai jamais voulu chanter, si tu veux. Cā€™est des eĢchos qui ont deĢclencheĢ des sons, qui ont deĢclencheĢ des mots… Jā€™aimais pas du tout mon chant, au deĢbut.

Ta longeĢviteĢ est exceptionnelle. Les autres de ta geĢneĢration sucrent les fraises, non ?
Yā€™a Dutronc, le seul mec francĢ§ais que jā€™ai aimeĢ: la musique, les paroles, le feeling, le son, il mā€™a plu… Rien aĢ€ voir avec Polnareff. Ah si, jā€™ai aimeĢ Manset en 1970, lā€™album La Mort dā€™Orion.

Dutronc est au-dessus de Gainsbourg ?
Jā€™adorais Gainsbourg mais on peut pas les comparer, ils eĢtaient pas dans la meĢ‚me cateĢgorie. De toute facĢ§on, yā€™a pas de gens supeĢrieurs. Jā€™ai horreur des Victoires de la Musique. Jā€™y eĢtais alleĢ en 2003 parce quā€™on mā€™avait forceĢ. Moi, je voulais pas y aller, tu vois? Cā€™est pas ma came. Jā€™aime pas tout cĢ§a, cĢ§a me fait chier.

Ton album est riche en retrouvailles avec dā€™anciens amis et collaborateurs (Jean-Michel Jarre, Boris Bergman, Alan Vega). Tu repenses souvent aĢ€ tes musiciens disparus, comme Patrice Tison ?
Cā€™eĢtait le roi, le dieu. Un geĢnie de la guitare. Sā€™il eĢtait encore en vie, il aurait eĢvolueĢ, en plus ā€“ cā€™eĢtait pas un mec qui dormait. Il apportait des gimmicks, il partait dans une palette de trucs… Cā€™est bien de terminer sur lui. Ah putain, Patrice…

Les Vestiges du chaos (Capitol).

Entretien Louis-Henri De La Rochefoucauld
Photos Lucie Bevilacqua