YULIA’S WORLD

Yulia Harfouch Technikart

Égérie des plus grands créateurs, fine connaisseuse du monde de la couture et boss de son propre média, Yulia Harfouch nous amène un summer de plus en plus « haute ». Rencontre entre deux défilés…

Lorsque nous la croisons pour la toute première fois, lors d’un événement ultra-mondain de l’avenue Montaigne, notre coverstar est en pleine discussion avec Catherine Deneuve et Laetitia Casta, aux côtés de son mari, l’entrepreneur-compositeur Omar Harfouch. On se contente ce soir-là d’un discret salut. Plus tard, aux festivals de Cannes (celui du Cinéma mais aussi les Cannes Lions, dédiés à la pub), nous voyons cette égérie de la mode sous un autre jour : Yulia Harfouch y est en tant que directrice de HD Fashion & Lifestyle TV. Basée à Dubaï, avec des bureaux à Paris et Kyiv, l’équipe de cette chaîne spécialisée, diffusée en cinq langues, l’accompagne à toutes les Fashion Weeks du calendrier.
À chacun de ces événements, cette mannequin/styliste/directrice de média d’origine russe, au physique saisissant, est impossible à zapper. Grande et élancée, Yulia possède une silhouette sculpturale et des « traits nordiques » (dixit Karl Lagerfeld de son visage anguleux aux pommettes saillantes) ayant fasciné les plus grands créateurs… À la voir au travail – d’abord au micro de sa chaîne, ensuite sur notre shooting « Haute Summer » –, il serait difficile de leur donner tort.

Vous êtes à la tête HDFashion & Lifestyle TV. Pourquoi avoir lancé un média spécialisé dans la mode en 2023 ?
Yulia Harfouch : J’ai travaillé plus de dix ans comme mannequin pour les plus grandes Maisons : Louis Vuitton, Hermès et Chanel… Ensuite, j’ai étudié le stylisme et la direction artistique à ESMOD, puis travaillé six ans chez Vogue International. Il y a deux ans, j’ai réalisé que j’avais non seulement l’expérience et les moyens, mais surtout l’envie de lancer mon propre média international. J’aime le processus de création, la liberté éditoriale et le fait de ne dépendre de personne : je publie ce que je considère comme pertinent et important.

Yulia Harfouch Technikart
TOP & TROUSERS SPORTMAX
SHOES SAINT LAURENT BY ANTHONY VACCARELLO

« SANS LE SAVOIR, KARL EST DEVENU MON PARRAIN DANS LA MODE. »


Vous y couvrez également des domaines comme la mode, l’art, le design, la beauté, le lifestyle…
Avec le temps, j’ai compris que la mode naît de l’art, qu’il en est le fondement universel. C’est une base éducative sans laquelle la mode perd son sens. C’est pour cela que j’ai développé une direction digitale consacrée aux visites de grands musées européens liés à la mode – comme la Fondation Prada à Milan, la Fondation Louis Vuitton à Paris, ou encore le Grand Palais…

Vous vous voyez comme un média à part dans l’industrie de la mode… 
Nous n’avons ni sponsors ni publicités : nous sommes une entreprise familiale. Nous publions uniquement ce que notre rédaction – et moi personnellement – juge utile ou intéressant pour le public. Notre média est donc plus honnête, presque documentaire, car il ne subit aucune pression commerciale.

Yulia Harfouch Technikart
TUXEDO, TROUSERS, BLOUSE & SHOES SAINT LAURENT BY ANTHONY VACCARELLO
SCARF MAISON KRASNOVA

« À TRAVERS MON MÉDIA, J’AI LA POSSIBILITÉ DE NOURRIR UNE CONVERSATION CULTURELLE. »


Vous réalisez des films documentaires sur le monde du luxe, avec une approche plus « insider ».
Oui, par exemple, nous avons tourné un film sur l’histoire de la manufacture japonaise HOSOO, fondée au XVIIe siècle à Kyoto, qui produit encore aujourd’hui des tissus pour les grandes Maisons des groupes LVMH, Kering… Toute l’équipe s’est rendue au Japon pour le tournage. Ces tissus sont utilisés, entre autres, dans la boutique Dior de la 5e Avenue à New York. Tous nos contenus, que nous voulons à la fois éducatifs et divertissants, sont également accessibles gratuitement sur notre chaîne YouTube.

On vous aperçoit aux différents grands rendez-vous de la mode. Dernièrement, vous étiez au dîner Fendi à Rome, aux côtés de Alda Fendi.
La famille Fendi a été l’une des premières à créer une fondation dédiée à l’art et à la mode à Rome. L’amour inconditionnel d’Alda, femme admirable et forte, m’a profondément touchée. La mission de sa fondation est la renaissance de « Rome Ville Éternelle ». Elle œuvre pour que la culture italienne rayonne à l’international. Nous sommes également liées par notre rencontre avec Karl Lagerfeld, qui fut longtemps directeur artistique de Fendi. En tant que mannequin, j’ai eu l’honneur de défiler pour lui lors de la Haute Couture de Chanel.

Yulia Harfouch Technikart
DRESS LOUIS VUITTON
SHOES SAINT LAURENT BY ANTHONY VACCARELLO
SUNGLASSES LOEWE
TIGHTS FALKE


Quel souvenir en gardez-vous ?
C’était mon tout premier grand défilé Haute Couture. Et bien sûr, c’était une expérience colossale et inoubliable. Tout d’abord, le casting était extrêmement compétitif – une seule place sur le podium pour 50 filles présentes. Quand mon tour est enfin arrivé, après des heures d’attente, Karl a commenté mon allure typiquement nordique, m’a demandé de marcher, puis m’a dit de revenir dans quelques jours pour un essayage. Il était calme et plutôt strict. Lors de l’essayage, ils ont immédiatement confirmé deux looks pour moi. J’étais très jeune à l’époque – je venais juste d’avoir 18 ans – et complètement émerveillée par tout ce qui se passait. 

Et le défilé ?
Grandiose ! C’était ma première fois à l’intérieur du Grand Palais. Ils avaient construit une piste carrée en forme d’une gigantesque bouteille de parfum Chanel N°5. C’était leur relance officielle. Toutes les mannequins sortaient de la bouteille pour rejoindre la piste. À partir de ce moment, ma carrière de mannequin a commencé à décoller. Pour moi, c’était une sorte de jalon – un point de départ – où tout est devenu possible. Sans le savoir, Karl est devenu mon parrain dans le monde de la mode.

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COAT & SKIRT DIOR HAUTE COUTURE


Vous avez également travaillé avec Nicolas Ghesquière chez Louis Vuitton.
Oui, Nicolas Ghesquière a joué un rôle clé dans ma carrière : j’ai eu un contrat de fitting-model de trois ans chez Louis Vuitton. Tous les prototypes de 2014 à 2017 ont été réalisés selon mes mesures. Je suis également très inspirée par Delphine Arnault, directrice générale de Dior. Elle porte sur ses épaules tant de responsabilités. Je l’ai rencontrée chez Louis Vuitton, et lorsqu’elle a appris ma grossesse, elle m’a félicitée et m’a offert un bouquet. Ce geste m’a touchée. À l’époque, je doutais de pouvoir continuer à travailler comme mannequin après l’accouchement. Mais je suis revenue en forme quatre mois plus tard. Il y a 20 ans, c’était pratiquement impensable pour une mannequin de reprendre sa carrière après une grossesse. Aujourd’hui, les choses évoluent – c’est un grand progrès.

Qu’avez-vous appris en observant Nicolas Ghesquière lors de ces années chez Louis Vuitton ?
J’ai surtout appris de sa manière unique d’aborder les archives. Nicolas s’inspire de l’histoire et du temps – il crée magistralement de nouvelles pièces inspirées par l’histoire du costume, tout en regardant vers l’avenir. J’aime cette intersection entre le passé et le futur.

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TUXEDO, TROUSERS, BLOUSE & SHOES SAINT LAURENT BY ANTHONY VACCARELLO
SCARF MAISON KRASNOVA


Et comment vous organisez-vous avec HDFashion TV et sa production quotidienne de contenus ?
Nous travaillons selon une planification annuelle précise : nous préparons nos programmes un an à l’avance. Cela nous permet d’anticiper les demandes d’accréditation et de garantir notre présence sur les événements clés – comme le Festival de Cannes ou les Fashion Weeks, qui sont parmi les contenus les plus demandés.

Vous avez étudié à ESMOD à PARIS. Comment vous êtes-vous retrouvée là-bas ?
J’ai gagné le concours professionnel de mannequins, Ford Supermodel, en Russie. Des scouts internationaux m’ont repéré et j’ai ensuite signé avec l’agence Major (devenue l’agence Select, ndlr). Un an plus tard, j’ai été invitée à rejoindre Women, l’une des agences les plus prestigieuses, et j’y ai travaillé plus de dix ans. En parallèle, j’ai étudié le stylisme et le design à ESMOD. Dès mes premiers pas dans cette industrie, j’ai compris que c’était ma place. Ma progression a été très organique – je n’ai cessé de perfectionner mes compétences et d’approfondir mes connaissances du milieu.

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LEATHER JACKET, BLAZER, TROUSERS, SHIRT, GLASSES, BELT & BRACELETS
SAINT LAURENT BY ANTHONY VACCARELLO


Et comment travaillez-vous aujourd’hui avec votre mari, l’entrepreneur et compositeur Omar Harfouch?
Il me soutient dans tous les aspects de ma vie : émotionnellement, physiquement et matériellement. C’est amusant, aujourd’hui, c’est l’anniversaire de notre rencontre – cela fait 16 ans que nous sommes ensemble. Il est mon plus grand pilier, je lui fais confiance plus qu’à moi-même. Nous avons lancé la chaîne ensemble. Mais cette année, après avoir structuré tous les processus, Omar m’a transmis sa part des actions, et je suis aujourd’hui l’unique propriétaire de la chaîne. Notre couple repose sur une confiance totale !

Ce dont vous êtes le plus fière dans votre carrière de mannequin ?
Je suis fière d’avoir transformé ma vie. Je suis née dans une petite ville de Russie. Avant mes 18 ans, je n’étais jamais sortie du pays, je ne parlais aucune langue étrangère, je menais une vie très simple… Ici en France, j’ai obtenu un diplôme, un statut, une indépendance financière… et surtout, j’ai trouvé l’amour et fondé une famille.

Yulia Harfouch Technikart
DRESS & NECKLACE GUCCI
SHOES SAINT LAURENT BY ANTHONY VACCARELLO


La naissance de votre fille a-t-elle changé votre rapport à la mode ?
Je privilégie désormais la qualité et le confort : les talons ont été remplacés par des baskets ! J’ai découvert les vêtements 100 % coton chez Petit Bateau. À première vue, cette marque semble peu liée à la mode – et pourtant, ils ont sorti une collaboration estivale très réussie avec Miu Miu, en coton léger. Pour moi, c’est un bel exemple : la mode peut être ultra-confortable.

À l’événement BOF Crossroads 2025, vous avez souligné l’importance de Dubaï pour l’industrie de la mode.
Dubaï est un carrefour mondial – entre le Nord et le Sud, entre l’Est et l’Ouest. C’est un centre stratégique pour de nombreuses industries, notamment l’immobilier. Ils ont construit cette ville ultra-moderne dans le désert, presque futuriste, avec une qualité de vie très élevée. Il est donc naturel que la mode y trouve aussi sa place, en tant que reflet de cette croissance économique spectaculaire. Le Moyen-Orient est depuis longtemps l’un des plus grands marchés du luxe. Et peut-être – qui sait –, Dubaï deviendra-t-elle la cinquième capitale mondiale de la mode, après New York, Londres, Milan et Paris.

Et comment vos quinze ans d’expérience dans la mode informent-ils votre travail sur HD Fashion & Lifestyle ? 
Au fil des années, j’ai collaboré avec les Maisons les plus prestigieuses, étudié le design et le stylisme, et exploré le journalisme de mode – toutes ces expériences ont façonné ma manière de diriger ce média. Mais au-delà de l’expertise technique, j’ai compris quelque chose de plus fort encore : j’ai une voix, et à travers mon média, j’ai la possibilité d’influencer les opinions et de nourrir une conversation culturelle. C’est une forme de soft-power – discrète, mais puissante. Dans le monde actuel de la mode et du luxe, l’influence ne se résume plus à l’esthétique. Elle repose aussi sur les valeurs, la transmission, et le récit. Et mon parcours m’a donné non seulement de la légitimité, mais aussi une liberté précieuse – une liberté que je veux mettre au service de la culture, bien au-delà des simples tendances.

www.hdfashion.tv


Entretien Laurence Rémila
Photos Ksenya Poggenpohl
Stylisme Ekaterina Tabakova
Makeup Aya Fujita
Hair Tie Toyama