Le festival genevois Antigel est le rendez-vous de février pour des événements culturels pointus et éclectiques que vous ne verrez pas ailleurs. Rencontre avec sa co-directrice, Thuy-San Dinh.
Antigel contourne les cadres culturels classiques, en allant dans des piscines, des églises et des espaces abandonnés pour proposer d’explorer des espaces inconnus avec des shows de danses ou des concerts hors-normes. D’où vient ce besoin d’échapper aux salles et à nos habitudes culturelles ?
Thuy-San Dinh : De notre manière de vivre à Genève. On a grandi dans des campagnes, des zones reculées, des lieux non destinés à la fête. Pourtant, avec Éric Linder (créateur et co-directeur d’Antigel, ndlr), on voulait faire de ces espaces des lieux où l’on se réapproprie notre territoire en s’amusant. On veut chaque fois faire un festival nomade, libre et ancré dans une géographie alternative de la ville.
Comment faites-vous dialoguer les lieux, leurs enjeux et leur histoire avec l’artistique ?
On passe l’année à rencontrer magistrats, habitants et associations. Le territoire oriente le projet artistique : un espace, une mémoire, une tension nous décident à inviter tel ou tel artiste; parce que certains formats ne peuvent exister qu’à un endroit précis. Une contrainte peut devenir une invention.
Qu’est-ce qu’un « lieu Antigel » ?
C’est un endroit qui peut être déplacé et réinterprété sans être maquillé. En fait, on révèle, on ne décore pas. On brainstorme chaque semaine. Une commune veut une pratique douce, on invente un yoga-musique. Un lieu porte une blessure ou une mémoire : on imagine une déambulation. Rien n’est décoratif : tout doit répondre à un besoin. Le territoire décide plus que nous.
Comment vos équipes rendent-elles opérationnels ces sites bruts ?
Avec du savoir-faire et beaucoup d’engagement. Les techniciens posent l’électricité, inventent des loges dans la boue, font circuler le public dans des espaces industriels, puis remettent tout en état pour le lundi matin. Ils gèrent l’imprévu en permanence, en gardant toujours un environnement digne pour artistes et public.
Quel récit de Genève voulez-vous faire émerger de l’édition 2026 d’Antigel ?
Les gens adorent accéder à des lieux secrets ou interdits : on veut montrer cette diversité, cette pluralité de paysages et de récits que Genève cache sous sa surface lisse.
Quel est le lieu impossible où vous rêvez de voir un spectacle Antigel ?
La zone franche de Genève. Un espace mythologique où transitent des œuvres d’art précieuses, entouré de secrets et de fantasmes. Peut-être impossible, mais on n’a pas renoncé. On rêve aussi de coffres-forts de banques ou d’espaces totalement fermés d’organisations internationales. Plus c’est interdit, plus c’est fascinant, plus c’est Antigel !
En prémisse du festival, Sofiane Pamart jouera au Palais des Nations, le 24 janvier. Qu’incarne ce spectacle pour vous ?
L’hybridation, il est tout à la fois classique, pop et urbain. Jouer au Palais des Nations, lieu où se négocie la paix, c’est aussi créer un dialogue entre des mondes qui ne se croisent jamais. C’est exactement Antigel
SYLPH, L2B, Murmuration, Sébastien Tellier… Au-delà de ces têtes d’affiche, quels seront vos autres temps forts en 2026 ?
Antigel 2026 s’illustre aussi par trois formats clés : les parcours immersifs au casque, qui transforment les parkings et non-lieux en scènes narratives ; les projets mémoriels comme Le Passage, ancrés dans l’histoire réelle du territoire ; et les créations dans des espaces industriels ou agricoles, où chaque spectacle se façonne selon le lieu.
Festival Antigel, du 5 février au 28 février
Par Lou Madamour




