L’ÈRE DE LA « KERINGLUTION »

luca de meo kering

C’est LE mercato de la saison ! Recruté pour turbo-booster le groupe Kering, le redresseur de Renault Luca de Meo se prépare à passer la cinquième. Décryptage.

Ce 15 septembre, Luca de Meo prendra les rênes opérationnelles de Kering, deuxième groupe de luxe français, maison mère de Gucci, Balenciaga et Saint Laurent. L’ex-PDG de Renault, nommé en 2020, a sauvé ce symbole national en pleine crise après 8 milliards d’euros de perte et le chaos Carlos Ghosn. Il a l’intuition que les marques, qu’elles soient de voitures ou de mode, se redressent en travaillant la mémoire, l’émotion, et la structure industrielle. Après la « Renaulution » vient la « Keringlution » ?

Luca de Meo a orchestré un spectaculaire redressement de l’image et des comptes du groupe Renault grâce à un récit émotionnel et une rigueur financière. C’est ce talent que François-Henri Pinault convoque pour Kering, en crise d’image et lesté d’une dette profonde. En cinq ans, l’endettement de l’écrin du luxe est passé de 2,8 à 10,5 milliards d’euros, alourdie par des emplettes risquées : 1,7 milliard pour 30 % de Valentino au fonds qatari Mayhoola et la maison de parfum Creed en 2023. Gucci est en perte de vitesse avec -24 % au premier trimestre 2025 et la nomination de Demna le 14 mars (ex-Balenciaga) à la direction artistique avait fait chuter de 10 % le groupe en Bourse. La situation est suffisamment tendue pour que le groupe ait annulé une réunion d’analystes financiers prévue le lundi 16 juin, dans un contexte de forte défiance boursière. L’action Kering a perdu 78 % de sa valeur depuis 2021. Luca de Meo a pour mission de relancer une machine autrefois brillante. L’annonce de son nouveau poste a déjà provoqué une hausse spectaculaire de 11 % en Bourse mais une baisse de 8 % pour Renault.

MARQUE PREMIUM

Chez le groupe français de l’automobile, son grand plan a été la « Renaulution » en trois étapes : Résurrection, Rénovation et Révolution. Il a réduit les coûts structurels. Deux de ses grandes décisions ont été de décider l’arrêt de la production de moteurs F1 locaux à partir de 2026 pour externaliser à Mercedes économisant jusqu’à 120 millions par an et de renommer Renault Sport en Alpine comme marque premium. La marge opérationnelle est passée de 3,6 % en 2021 à 7,6 % en 2024. Si l’on en croit la recette magique, Kering pourrait se voir rationaliser les investissements, fermer des boutiques pour économiser mais continuer à dépenser dans la pub et l’image – vitales dans le luxe. Le tout en gardant une vision internationale sur les marchés de la Chine et des États-Unis.

LE « E » D’ÉMOTION

Sa première étape chez Renault a été d’ouvrir les archives du centre de design, détérrant une maquette grandeur nature mise de côté avant son arrivée : une nouvelle R5 jaune, un hommage électrique au modèle culte des années 1980. Avec ce modèle, puis la 4L réinterprétée, il réveille des icônes et 120 ans d’histoire. Il est le maestro du marketing et mise sur deux notions : le mythe et le rêve. Deux mots-clefs que le luxe ne cesse d’entretenir aussi. Son mantra : « garder le E d’Émotion dans l’équation parce que si il y a pas d’émotion il y a pas de premium price » , explique-t-il dans la série qui lui est consacrée sur Amazon Prime, Anatomie d’un come-back.

Le vainqueur du storytelling va probablement redéfinir une vision claire pour les marques du groupe avec un dream dressing à l’image du dream garage. En 1947, suite à la pénurie de matières premières, Gucci s’est réinventé en produisant le sac Bamboo, un modèle en lin ou en bambou à la place du cuir qui a été un succès mondial. Peut-être que cette belle endormie retrouvera ses lettres de noblesse sous l’ère Luca de Meo.

 

Par Anaïs Dubois