Petite histoire de la fellation (en deux temps trois mouvements)

il se fait sucer

 CUL(TURE) 

Les américains ne pensent qu’à ça. Les Français aimeraient s’y mettre plus souvent. Mais qui a eu l’idée en premier ? Une pépite Technikart de 2001.

Alors qu’elle s’est depuis longtemps convertie à la culture de l’alimentation rapide américaine, la société française reste à la traîne en matière de sexualité. La petite fellation que les Yankees consomment sur le pouce entre deux portes capitonnées est encore, chez nous, un sujet tabou, voire même, en certains endroits de l’Hexagone, le signe ultime de l’attachement sentimental (« Allez, je t’en fais une petite, mais c’est vraiment parce que je t’aime. ») Soyez prévenus, ces choses-là risquent de changer. En effet, des OGM aux mœurs les plus privées, l’Amérique a pour vocation de s’imposer à nous sans que nous puissions émettre la moindre réserve. En modifiant la structure économique de nos sociétés, elle change jusqu’à nos comportements sous la couette et remodèle nos envies en profondeur.

 

 Aujourd’hui, la pipe telle qu’elle est pratiquée au pays de l’ultralibéralisme n’est rien moins que le reflet d’un individualisme forcené à dimension hédoniste 

Une philosophie « politique » qui déteint sur nous un peu plus chaque jour. Dans cet univers contractuel (« Je te suce mais tu laisses ma chouchoune en paix ! »), le rapport intime finit par devenir lui aussi un rapport d’échange non impliquant, vécu sur un mode totalement serviciel. Ne débouchant sur aucun processus reproductif (donc productif), la pipe n’est par conséquent pas cotée sur le grand marché de la nidification. A ce propos, dans un récent article du « New York Time », le docteur Levy Warren avançait un chiffre enthousiasmant : selon lui, les concitoyennes de Monica Lewinski pratiquent en toute nonchalance de 50 à 60 turluttes avant de connaître leur premier rapport sexuel (avec pénétration, NDLR).
Mais, pour les Quaterbacks de l’université de Sacramento, il n’a pas toujours été aussi facile de se faire pomper en toute amitié. Au milieu des années 70, la fellation restait, pour beaucoup, un continent inexploré, un sujet tabou. Il aura fallu attendre le formidable impact du film « Gorge profonde » pour que la situation se débloque. Dans ce monument du cinéma porno, Linda Lovelace décomplexe le Yankee et sa bobonne, annonçant le Monicagate qui allait secouer quelques années plus tard l’Amérique en même temps que la pulpe clintonienne.

Mais au fait, d’où est venu aux êtres humains l’idée saugrenue de mettre en contact leur bouche et leur appareil génital respectifs ? Pour qu’une jeune stagiaire de la Maison blanche se retrouve avec l’engin le plus puissant de la planète calé entre les incisives, il aura fallu que Lucy se livre à une pratique jusqu’alors inconnue que les spécialistes de la préhistoire assimilent à une paléo-fellation.

Suck like en Egyptian

Comme celui qui en a bénéficié n’est plus là pour témoigner aujourd’hui, il faut s’en remettre à des traces plus fiables et notamment celles que l’on trouve en grattant du côté de l’Egypte ancienne. Là-bas, la culture de la fellation a profondément imprégné la mythologie, donnant lieu à de savoureuses histoires. En voici une. Un jour, le pauvre Osiris se fait dégommer par son frère qui, non content de lui avoir ôté la vie, le découpe en morceaux. Sa femme Isis, ivre de douleur, se met à rassembler les pièces du puzzle et à les recoller, avant de s’apercevoir que la zigounette d’Osiris est introuvable. En bonne épouse, elle décide donc de lui en fabriquer une en terre glaise et de la sucer vaillamment afin de lui insuffler la vie. Ô miracle. Pompé comme le pétrole de l’Erika, Osiris remonte à la surface et quitte le royaume des morts.

 Au-delà de ses vertus réanimatoires, la fellation a longtemps symbolisé, dans certaines cultures, un rapport de domination. 

Chez les soldats romains, elle était envisagée comme un droit de réparation. Si quelqu’un démolissait le feu arrière de votre char, vous pouviez refuser le constat amiable et l’obliger à vous faire une petite succion sur le champ. Dans ce contexte ultramachiste où mieux valait ne pas griller les priorités, le suceur se voyait considéré comme un banal sous-homme, rabaissé par son acte au rang d’aspire-miettes. Le rapport à la pipe est à peu près similaire chez les Incas : dans cette ancienne civilisation aujourd’hui disparue au milieu d’arbres touffus, plus on se fait sucer et plus on est fort ; plus on suce et plus on se rapproche de la lie de l’humanité. Signalons également que les curés, au XVIIIème siècle, n’hésitaient pas à s’épancher dans la bouche de leurs ouailles, ayant ainsi le sentiment de respecter leur vœu de célibat, un peu comme Bill Clinton respecte ses engagements de fidélité envers sa femme.

Comme au drive-in

Dans ce vaste panorama historique et ethnologique d’une précision à faire pâlir un professeur au Collège de France, l’heure est venue de révéler au monde incrédule l’existence d’une culture antifellation, la seule connue à ce jour : les Inuït. Dans cette peuplade vivant au milieu de vastes étendues glacées, on n’aime pas vraiment ce genre de faiblesse labiale. Avouez qu’il est plutôt comique d’apprendre que les Esquimaux refusent de se faire sucer. Peuple pudique, dévorés par la promiscuité de leurs habitations, ils sont également les seuls à pratiquer l’orgasme silencieux, ce afin de ne pas déranger le voisin qui dort à quelques centimètres.
Quant à nous, il semble que notre destin proche soit situé aux antipodes de celui que connaissent les habitants de ces contrées réfrigérées.

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Selon des modèles prospectifs tout à fait fiables, la fellation va s’imposer massivement à nous dans les années qui viennent, sans même que nous nous en apercevions (hourra !). Face à cet inévitable devenir, une question se pose : rêvons-nous vraiment de nous faire sucer comme des Américains, de s’introduire dans une bouche comme on va au drive-in ? Oui et non. Oui, parce que c’est bon. Non, parce que nous ne voulons pas voir la pipe vidée de son contenu, amputée de son caractère exceptionnel et magique. Après les fast-food, José Bové osera-t-il s’attaquer au fast-fuck ?