La maman ou la putain… : où en est l’éducation sexuelle en France ?

actrice porno chubby

Alors que la droite dure multiplie les provocs anti-queer, la porn-star Anna Polina est allée questionner la blogueuse Daria Marx du futur de l’éducation sexuelle.

L’éducation sexuelle telle qu’on la connaît est menacée par plusieurs candidats à la présidentielle, avec Les Républicains et le FN voulant interdire toute brochure sur l’orientation sexuelle dans les écoles. Quel est le vrai danger derrière ces mesures ?

Daria Marx : Le vrai problème, c’est qu’on n’a pas d’éducation sexuelle en France. Les quelques associations qui arrivent à intervenir dans les collèges et lycées sont de moins en moins financées. Ces derniers temps, on leur interdit même de diffuser certaines brochures, notamment sur les orientations sexuelles ou sur la pornographie. Le danger est là. Les rares fois où un programme existe, il est le plus souvent édulcoré – on fait tout pour le rendre aussi inoffensif que possible.

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Et quel serait le meilleur moyen d’agir pour les écoles ?

On ne peut pas laisser aux familles, seules, la responsabilité de l’éducation sexuelle des enfants. L’école a un rôle important à jouer : ces cours devraient être obligatoires en classe de 4ème ou 3ème. Il faudrait des intervenants extérieurs, venus des nombreuses associations déjà existantes ; je comprends très bien qu’un professeur ne veuille pas assumer ce rôle-là. Celles-ci pourraient être, pourquoi pas, validées par l’Éducation nationale, si celle-ci en ressentait le besoin.

Daria Marx (cheveux bleus) en pleine discussion avec Anna Polina

Ces associations interviendraient comment exactement ?

Elles pourraient se rendre présentes quelques heures dans une école pour jeter les bases : c’est quoi le consentement ? La sécurité ? Quels sont les différents genres de sexualité ? Quelles sont les orientations sexuelles ? C’est quoi être transgenre ? Cisgenre ? Il s’agit de donner non seulement les clés de la sexualité mais aussi d’inculquer l’importance du consentement. Il pourrait également y avoir un autre module d’éducation aux images, parce qu’on est dans un monde où on est tous sur un téléphone, une tablette, où les ados sont bombardés d’images sexuelles… Dès 9 ans, ils voient des pornos sur internet. Il faut donc les éduquer là-dessus : « Attention, ce sont des films, ces femmes sont des actrices. »

Et le rôle des actrices là-dedans ?

Elles pourraient venir dire : « Voilà, c’est mon métier. » Expliquer qu’il y a un réel travail du sexe. Parce qu’on sait très bien que nous vivons dans un état abolitionniste dès qu’il s’agit du travail du sexe – surtout en ce qui concerne les prostitué(e)s, mais ça touche quand même un peu les acteurs et les actrices du sexe. Et cette situation crée un malaise : comment peut-on parler d’une chose alors qu’on souhaite l’interdire ? Pour l’État, c’est compliqué. Ce qui rend d’autant plus nécessaire le fait de pouvoir éduquer sur ce qu’est la pornographie, de pouvoir décrypter des images porno, de savoir qu’il existe un travail du sexe…

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Ces formes de censure n’ont jamais été aussi importantes. En même temps, l’imagerie sexuelle est de plus en plus envahissante (servant à vendre toutes sortes de biens de consommation). Comment expliquer ce paradoxe ?

De toutes façons, quand tu es une femme, ou que tu t’identifies comme telle, tu es prise dans des injonctions contraires. Ça commence quand tu es petite et que tu dois être à la fois pudique et jolie. Puis vient l’adolescence : tu dois bien présenter sans être trop maquillée. Quand tu commences à avoir des relations sexuelles, c’est la même histoire : il ne faut pas accepter tout de suite, mais accepter quand même. Toute ta vie, tu as le choix entre être la maman ou la putain, la prude ou la Marie-couche-toi-là. Tu dois pouvoir être rangée dans une case – mais pas trop quand même, sinon t’es chiante. On est face à toutes ces injonctions qui rendent folle.

ANNA POLINA