CANNES DAY 8 : LA FEMME LA PLUS RICHE DU MONDE

La femme la plus riche du monde de Thierry Klifa

Dans le nouveau film de Thierry Klifa, Isabelle Huppert incarne une milliardaire désœuvrée, inspirée de Liliane Bettencourt, qui tombe sous le charme d’un photographe excentrique. Rencontre avec un réalisateur en or massif.

Ça vous intéresse tant que cela les riches ?
Thierry Klifa : L’affaire Bettencourt m’a passionné dès qu’elle a commencé à être médiatisée. Mais s’il s’était agit de mettre simplement en image ce qu’on a pu lire dans les journaux, je n’aurais pas fait le film. Il y a ces sommes d’argent qui ne veulent plus rien dire, des noms de politiques qui ont circulé, puis le volet judiciaire… Et c’est devenu cette affaire qu’on connaît. Et tout cela ne m’intéresse pas plus que ça, en tout cas beaucoup moins que l’affaire de famille, l’intime. C’est pour cela qu’il fallait l’écrire cette histoire, la fictionnaliser. Sinon, il n’y avait pas de cinéma…

Il y a aussi un côté un peu voyeuriste, on aime bien regarder par le trou de la serrure.
Les gens riches, les ultra-riches, on les exècre, on les envie. Mais en même temps, il y a quelque chose d’assez fascinant.

Naturellement, vos personnages n’ont pas les noms de leurs modèles. Juridiquement, c’était compliqué ?
Sincèrement, non. À partir du moment où on est parti dans la fiction, tout allait bien… En tout cas, on a écrit le film que l’on avait envie d’écrire. Mais il fallait avoir les couilles de produire un film pareil, d’ailleurs, le film a été très compliqué à financer.

Et vous débarquez à Cannes, la patrie de L’Oréal !
Je ne sais pas bien quoi répondre… Je pense que ça n’a pas été un sujet. Les sélectionneurs aimaient suffisamment le film pour que ça ne soit pas un sujet. Après, c’est à eux qu’il faudrait poser la question.

Vous êtes content d’être ici ?
C’est juste un plaisir immense, un honneur. Je savoure !

Quand j’ai vu le film, j’ai pensé que c’était aussi drôle, cynique et mordant qu’un Jospeh L. Mankiewicz, avec des kilos de dialogues.
C’est vrai que c’est un film qui passe beaucoup par l’oralité, ce sont les dialogues qui font avancer l’action. Mais Mankiewicz, ça me va à fond, c’est mordant et cruel.

Il y a quelque chose de très beau, c’est cette impression que les acteurs s’éclatent vraiment, qu’ils jubilent.
Les acteurs ont pris beaucoup de plaisir, même si c’était difficile, ils se sont amusés à jouer ces personnages. Ça a été bien sûr un rêve de tourner avec Isabelle Huppert, elle est extraordinaire. Marina Foïs avait un personnage très compliqué, tragique, elle ne joue pas dans le même registre que les autres. C’est un personnage qui n’a pas été regardé, qui n’a pas été aimé par sa mère, elle est dans la souffrance. Le thème du film n’est pas l’argent mais bel et bien l’amour et le désamour.

Et Laurent Laffite ?
Il est intelligent, subtil, il a pris une envergure dingue depuis la Comédie-Française. Il me fait penser à Michel Serrault dans sa démesure, sa folie. Comme Isabelle et Marina, il n’a pas peur d’aller dans des zones d’ombre, de gratter là où ça fait mal.

Vous avez profité de Cannes pour annoncer votre prochain projet, un film sur Jean Gabin.
Oui, ça s’appelle Gabin, un héros français, avec Benoît Magimel dans le rôle-titre. C’est un gros film, avec le départ de Gabin pour les États-Unis pendant la guerre, puis son engagement dans les combats. Il en va revenir avec les cheveux blancs…


La femme la plus riche du monde
de Thierry Klifa
Sortie en salles le 29 octobre


Par Marc Godin