BÉRENGÈRE KRIEF « L’INTIME EST POLITIQUE ! »

Bérengère Krief actrice technikart

Grâce au réjouissant « Sexe », son spectacle le plus introspectif et engagé, Bérengère Krief – numéro 1 de la catégorie Société cette année – le prouve : il est possible, et même souhaitable, de rire des sujets les plus délicats. Avant de sauver 2026, alignons nos chakras ! Interview « mise à nu ».

À 41 ans, elle incarne une vague féministe et pop qui fait un bien fou aux scènes françaises. Son troisième one-woman-show, sobrement intitulé « Sexe », est une déclaration d’amour à la sexualité décomplexée : sincère, drôle, jamais cringe. Elle y parle désir, ésotérisme et prévention avec une malice libératrice, créant l’espace safe et joyeux qui lui a tant manqué. Résultat : une tournée triomphale qui passera par le Théâtre Édouard VII dès le 27 janvier 2026 avant de s’achever à l’Olympia en octobre 2026.

Révélation de la série Bref (2011) où elle incarnait la très libérée Marla, elle a depuis enchaîné les rôles au cinéma (Joséphine…) et les plateaux télé (Palmashow, LOL : qui rit sort, saison 2 de Bref en 2025). Vous l’aurez compris : avec « Sexe », Bérengère Krief fait respirer le stand-up français : un shot d’introspection joyeuse qui nous rend plus libres…

À l’aube de 2026, alors que les gens ne font plus l’amour d’après les médias, tu partages un moment sur scène avec ton public à l’occasion de ton 3e spectacle, « Sexe ». Tu es comédienne, humoriste, auteure… Comment te présentes-tu ?
Bérengère Krief : Je pense que, d’un côté, je suis une femme de 42 ans et d’un autre côté, je suis partagée, parce que je me sens comédienne, mais aussi humoriste et artiste de ma propre vie. Je suis également hyper habile dans les rapports humains, dans la compréhension des rouages de chacun. Ça me passionne vraiment et je m’en sers pour écrire mes spectacles. Le cheminement de l’individu m’intéresse beaucoup.

Tu dis avoir lu beaucoup au sujet du sexe avant de te lancer dans l’écriture du spectacle.
Mon premier coup de poing sur la sexualité qui m’a permis de changer de regard, c’est le livre de Camille Emmanuel, Sex Powerment, un essai à la première personne, facile à lire, qui ne ressemblait pas à un livre de biologie. C’est comme si d’un coup, j’avais mis des nouvelles lunettes. C’était il y a dix ans, j’avais une trentaine d’années et je me suis vraiment dit : OK, qu’est-ce qu’on fait de ce corps, en fait ?

« ÇA DEMANDE DU TEMPS, UN ORGASME DIVIN… »

 

Bérengère Krief


Tu cites également des ouvrages plus WTF…
Oui, un bouquin que j’ai adoré, mais qui était un petit peu confus, c’était À la rencontre de l’orgasme divin de Margot Anand-Naslednikov. Elle en a carrément fait son métier en créant une méthode un petit peu tantrique, le Skydancing. Elle raconte son premier contact avec la sexualité pendant lequel elle a cet orgasme qui la transcende et son parcours du combattant pour retrouver cette sensation qui l’a marquée. Finalement, elle part quinze jours sur une île avec un prof de yoga, je pense qu’il mange des graines pendant tout le début du séjour. Et puis, ils se regardent les cinq jours suivants. Ça demande énormément de temps, apparemment, d’avoir un orgasme divin.

Dans le spectacle, tu parles du manque de prévention que tu as reçu vis-à-vis de la sexualité quand tu étais plus jeune. Penses-tu que ton spectacle puisse être une bonne séance de prévention pour une classe de quatrième ?
J’espère ! Beaucoup de mamans sont venues avec leur ado ou me disent après le spectacle : « j’ai envie que mon ado le voit ». Je pense que ça permet aussi d’aborder le sujet de façon frontale, ce qu’il est difficile de faire en tant que parent. Du coup, je suis un peu la tante qui crée un espace, qui vient expliquer les choses d’une manière un peu ludique. En tout cas, personnellement, c’est vraiment le spectacle que j’aurais aimé voir à cet âge-là. Quand j’ai décidé de faire ce spectacle, j’espérais qu’un jour mes nièces puissent le voir. Je l’ai fait aussi pour elles, pour qu’elles aient accès à quelque chose que j’avais manqué.

Tu te réfères beaucoup à ta famille dans le spectacle. Comment ont-ils réagi ?
Ils soutiennent vraiment mon travail depuis le début. Au moment où j’ai dit le titre à mes parents, bon, on n’était pas super à l’aise avec le sujet… Et la première fois qu’ils sont venus, j’avoue que je n’ai pas apprécié du tout. Ce que je dis, je ne l’avais pas beaucoup raconté, même à mes amis, ou peut-être pas de cette manière-là. Et puis une femme qui parle de sexe, c’est quand même un engagement dans la société. Ils sont revenus plusieurs fois et ma mère adore le spectacle, malgré les moments où je parle d’elle.

Bérengère Krief


Est-ce que tu parles de sexe aussi librement dans la vie que sur scène ?
J’ai l’impression qu’avec mes copines, j’avais à cœur de parler de sexe, mais je crois que ma porte d’entrée, parfois, c’était la problématique. À l’époque, je n’étais pas encore en thérapie, donc n’importe quel groupe était un groupe d’écoute. À chaque fois que je racontais une problématique liée à la sexualité, ou que je partageais une expérience (une cystite, un truc qui s’est mal passé, etc.), il y avait quelqu’un qui me disait : « non, mais attends, mais moi aussi, ça m’a fait ça ». Je me suis rendue compte que c’était une souffrance de devoir gérer ses problèmes post-coïtaux en solitaire. J’ai donc continué à en parler, pour faire comprendre à l’autre qu’elle est entendue, compris, et qu’elle n’est pas seule.

« APRÈS LA GUERRE IL FAUT RECONSTRUIRE »

 

Maintenant que tu as testé le titre « Sexe » avec le public, cela a-t-il confirmé ton intuition ?
Mes producteurs étaient un peu sceptiques à l’annonce du titre, en disant que ça allait nous fermer des portes. Ça m’a confortée. Dans mes recherches, je m’étais intéressée au film


Par Léa Forestier
Photos Jeanne Pieprzownik
D.A Matthias Saint-Aubin
Stylisme Anaïs Dubois
Coiffure Rudy Marmet
Maquillage Lyana Kantsalieva

Canapé bocca studio 95 XXO