Elle nous avait émus par sa justesse et sa fraîcheur dans Nos enfants après eux (Ludovic et Zoran Boukerma, 2024). Aujourd’hui, Angelina Woreth est aux côtés de Mélanie Laurent et Sarah Pachoud dans Ce qui brille au combat, le premier long métrage de Joséphine Japy. Rencontre.
Comment arrives-tu sur Ce qui brille au combat, le premier long métrage de Joséphine Japy ? Tu y joues Marion, qui s’occupe de sa petite sœur en situation de lourd handicap.
Angelina Woreth : Avec Joséphine, on s’est rencontrées au moment du film. J’ai passé le casting de manière très classique. On a échangé un peu, et tout s’est fait assez vite. Je pense qu’elle a reconnu quelque chose d’elle en moi. Ce film est très important pour elle, parce qu’en plus d’être son premier long métrage en tant que réalisatrice, il est en grande partie inspiré de sa vie. Le film raconte le combat de cette famille pour mener une vie « normale », et surtout pour obtenir un diagnostic, après des années d’erreurs médicales.C’est un film vraiment puissant sur la famille, l’émancipation, la responsabilité. Et ce sont des sujets profondément universels.
Comment se prépare-t -on à incarner un rôle aussi chargé, face à une réalité que l’on n’a pas forcément vécue ?
On a passé beaucoup de temps avec la vraie sœur de Joséphine. On est allées la voir là où elle vit, près de la mer. On s’est aussi rendues dans un centre spécialisé, où on a rencontré un petit garçon atteint du même syndrome. On a beaucoup échangé avec eux, ainsi qu’avec les aidants. Ensuite, on a travaillé de manière très particulière, presque chorégraphique. On a appris à se toucher, à se déplacer ensemble. Habiller quelqu’un qui bouge sans cesse, lui coiffer les cheveux, tous ces mouvements-là qui ne m’étaient pas familiers. Certaines scènes sont de véritables danses. J’avais tenté d’imaginer la complexité de vivre avec le handicap, mais le vivre n’a rien à voir. Tu réalises à quel point ça impacte chaque membre d’une famille, profondément. Toute ta vie est différente et, en même temps, tu es comme les autres.
Le film parle aussi de grandir trop vite.
Quand tu grandis dans la peau de Marion, tu deviens adulte plus vite et tu portes beaucoup plus de responsabilités. Tu ne t’occupes pas seulement de toi, et ça change tout. Marion doit composer avec sa vie de lycéenne et tout ce que ça implique de désirs et de contradictions, tout en assumant une place de proche aidante qui prend un espace immense dans sa vie, à la hauteur de l’amour qu’elle porte à sa petite sœur.
C’était le premier film de Joséphine, et une vraie rencontre entre vous deux.
Complètement. Il y a eu une connexion assez impressionnante.
Le travail n’était ni rigide, ni freestyle. On avait une colonne vertébrale très claire, mais on s’autorisait à ajuster. Je pouvais lui dire : « Là, j’ai l’impression qu’une fille de 17 ans ne parlerait pas comme ça. » On était dans une grande relation de confiance, et ça m’a permis de jouer en total lâcher-prise. Il y avait aussi une relation presque de grande sœur à petite sœur. Joséphine a déjà fait un grand bout de chemin, une vraie carrière, et c’est une source d’inspiration énorme pour moi. Quand on a monté les marches, puis présenté le film à Cannes, j’étais tellement fière d’être à ses côtés.
Avant de te passionner pour le cinéma et le jeu, tu étais déjà passionné par la scène et ses icônes pop ?
Absolument, je voulais être chanteuse, c’était un rêve que j’avais chevillé au corps. J’étais complètement fan de Justin Bieber et infusée aux One Direction, j’avais des posters jusqu’au plafond. Je voulais être comme eux, j’adorais l’aura de ces pop stars. J’ai même envoyé des auditions pour X-Factor et La Nouvelle Star… Ils ne m’ont jamais rappelée. Je me souviens d’une vidéo démo de moi à 11 ans, filmée par ma sœur, plantée devant une vieille armoire. Je la cherche depuis des années, je ne la retrouve pas et tant mieux, je crois.
Tu as commencé le théâtre à 16 ans, en quittant une scolarité qui ne te plaisait pas du tout.
J’étais dans un lycée pro privé, vraiment horrible. Avant ça, j’avais déjà fait cinq lycées différents, avec une scolarité complètement chaotique. J’étais perdue et j’ai décidé d’arrêter pour entrer dans une école de théâtre pendant deux ans, en avançant un peu à tâtons.
Et puis, presque par hasard, il y a eu une première pub, puis une autre. J’ai rencontré une directrice de casting qui m’a fait passer des essais pour un film, et c’est comme ça que le cinéma est arrivé. J’ai commencé à travailler, tout doucement, étape par étape.
À quel moment tu te dis que ça peut devenir ton métier ?
Il m’a fallu beaucoup de temps pour me sentir légitime. Même aujourd’hui, ce sentiment reste fragile. Pendant longtemps, quand on me demandait ce que je faisais dans la vie, je répondais : « je fais de la céramique (ndlr : un talent indéniable dans ce domaine), et parfois je joue dans des films, de temps en temps ». Dire je suis actrice me semblait trop grand, j’avais l’impression que ce serait mentir. Pourtant, dès mon premier film, quelque chose s’est imposé. Je me suis dit : waouh, j’ai envie de faire ça longtemps, ce serait sublime d’en faire une carrière. Aujourd’hui, je dis que je suis actrice, mais je le murmure.
Tu as grandi dans une famille très cinéphile.
Mon père travaillait dans l’audiovisuel, alors avec mes sœurs, on a été bercées par le cinéma. Il nous montrait énormément de films.
On regardait beaucoup de classiques, des films que tout le monde ne découvre pas forcément enfant. Évidemment, quand t’es petite, les films américains des années 30 et Orson Welles, tu trouves ça un peu barbant. Et puis tu grandis, et tu te rends compte que ça t’a ouvert le regard, que ça t’a appris à aimer plein de choses différentes. J’ai adoré Jacques Demy, François Truffaut, Michel Gondry. Et en même temps, il y avait toute une époque de la comédie française, parfois un peu potache, mais hyper fondatrice pour moi : La Tour Montparnasse Infernale, Brice de Nice, Les Onze Commandements… C’était un vrai rituel de se retrouver devant ces films avec mes sœurs, ça avait quelque chose de très gourmand. Et puis on allait beaucoup au cinéma.
Le cinéma était déjà un lieu important pour toi ?
Oui, notamment Le Méliès, à Montreuil. C’est un cinéma d’art et d’essai, un lieu profondément emblématique de ma vie. J’y ai passé énormément de temps pendant l’enfance. Je me souviens très précisément de son odeur et des rehausseurs multicolores à l’entrée. Je crois que cet endroit a été vraiment important pour beaucoup de monde.
Et la suite pour toi ?
Très clairement, continuer à être sur des plateaux, c’est là où je me sens le mieux !
Par Max Malnuit
Photos Valentin Fabre




