À BÉCHEREL, LES CLÔTURES TOMBENT POUR FAIRE CULTURE !

Cartographie des récits

À Bécherel, une commune bretonne, sous l’impulsion de l’association Regards de Mômes, les habitants ont fait le choix de décloisonner leurs espaces de vie pour créer des lieux dédiés à la culture, au lien social et à la rencontre avec la biodiversité. Naît alors une autre idée du vivre ensemble.


Du littéraire au spectaculaire

Repérée par la Fabrique des récits dans sa cartographie des récits, cette initiative illustre la manière dont la culture peut se réinventer au contact de la nature. En 2011, l’association Regards de Mômes s’installe dans cette commune qui a déjà une activité littéraire bien en place et propose alors un pas de côté : faire sortir la culture des espaces habituels, en la déplaçant dans la nature, pour s’émanciper du bâti et du cloisonné auxquels les évènements culturels étaient jusqu’alors restreints. Faisant le constat que beaucoup de jardins sont privés, fermés ou laissés à l’abandon, l’association entreprend d’investir ces espaces en ouvrant les jardins des particuliers pour en faire des lieux de rassemblement culturel.

L’idée prend forme avec le festival Ô Jardins Pestaculaires, qui ouvre une douzaine de jardins de particuliers. Théâtre, cirque, danse, musique : les spectacles s’y jouent à ciel ouvert. En parallèle, des ateliers de jardinage, de poésie ou d’observation de la nature attirent enfants, parents et curieux, afin de sensibiliser l’ensemble des habitants à la biodiversité et d’offrir des expériences artistiques ancrées dans la nature.


L’art de créer du lien dans des espaces communs

Ce qui devait être un événement ponctuel devient une dynamique locale et pérenne. L’association crée un “jardin guinguette”, espace festif et collaboratif, et anime toute l’année un réseau de jardins répartis dans la ville. Certains sont publics, d’autres ouverts par des habitants qui y accueillent expositions ou chantiers collectifs.

L’esprit est toujours le même : décloisonner, partager, expérimenter. On répare, on bricole, on plante, on apprend à faire ensemble. Les activités attirent toutes les générations et réactivent un tissu social souvent abîmé. La nature devient un terrain commun, un prétexte pour se retrouver.


Le vivant comme partenaire

En 2024, Regards de Mômes lance le projet “Tisser des liens avec le vivant”. Sept jardins sont désignés pour que l’on y recense les espèces qui y vivent. Une artiste crée des illustrations pour représenter ces voisins non-humains, puis un poète invite les participants à écrire ce que ces dessins leur inspirent. L’ensemble a donné naissance au Carnet des Vivants en janvier 2025, un ouvrage collectif mêlant science, art et émotions.

L’association travaille aussi à la réhabilitation d’un jardin abandonné mis à disposition par la mairie. Avec une école de design, il sera d’abord pensé pour les non-humains, insectes, oiseaux, plantes, avant d’être imaginé pour accueillir des humains. Une manière de rappeler que la transition écologique passe aussi par une remise en question de nos habitudes d’aménagement, de nos manières d’appréhender notre environnement, et de s’approprier tous les espaces pour les humains.


Une culture du commun

Le festival attire désormais plus de 2 000 participants chaque année. Autour, une centaine de bénévoles s’implique nt dans la logistique, l’accueil, les ateliers. Ce succès repose autant sur la créativité que sur l’énergie collective : les habitants sont depuis les premiers jours les acteurs principaux du projet.

Finalement, à force d’ouvrir leurs jardins, ils ont aussi ouvert leur ville. Pour beaucoup, c’est une autre manière d’habiter Bécherel : moins dans la propriété, plus dans le partage. En quelques années, Regards de Mômes a transformé des espaces clos en lieux d’échange et d’expérimentation, autant entre humains qu’avec le reste du vivant.

Cartographie des récits


Photo ©Regards de Mômes