Big boss du festival du cinéma américain de Deauville, Aude Hesbert lève le voile sur une 51e édition glam et féministe.
Après le cinquantième anniversaire du festival de Deauville et la crise qui perdure à Hollywood, ce n’était pas trop difficile de monter cette 51e édition ?
Aude Hesbert : Cela a été un vrai challenge. Il fallait se hisser à la hauteur des précédents festivals et les contextes politiques, économiques à Hollywood nous ont amenés à nous interroger. Il y a une grosse crise, moins de films produits. Avec le Covid et les grèves, le cinéma américain va mal, Hollywood licencie, les plateformes prennent le dessus, même si Netflix nous a donné un film, Train Dreams, avec Joel Edgerton, un acteur remarquable auquel nous rendrons hommage. Nous avons néanmoins une compétition solide de 13 films, avec une très grande diversité de formes, des styles, de genres… Nous avons un film d’horreur, un film musical, des films expérimentaux, des œuvres qui viennent des tous les états, du Maine, du Kentucky, du New Jersey…
La concurrence avec le festival de Venise et ses stars et Toronto n’est pas trop difficile ?
On ne joue pas dans la même catégorie que Venise. C’est plus compliqué avec Toronto qui fête ses 50 ans et qui se déroule exactement en même temps que nous. Les personnalités sont très sollicitées et le marché se rétrécit. Quand les stars vont à Cannes et Toronto, elles ne reviennent plus en Europe… À contrario, certaines vedettes qui sont déjà venues chez nous reviennent, car elles ont adoré Deauville. Comme cette année Kristen Stewart.
Vous allez continuez à présenter des films de Cannes ou des films français ?
C’est fini. Avec le Covid et le festival de Cannes qui n’avait pas eu lieu, c’était une bonne idée. Aujourd’hui, j’ai voulu recentrer le festival de Deauville sur son ADN américain. Et si on montre des films français, il y aura un angle américain, comme avec le film Vie privée de Rebecca Zlotowski, interprété par Jodie Foster. Ce sera beaucoup plus lisible.
J’ai l’impression que l’on va assister à une édition plus féminine, voire féministe. Tandis qu’il y a deux ans, le festival déroulait encore le tapis rouge à Luc Besson, cette année, vous honorez Kim Novak, Pamela Anderson, Zoey Deutch, Alice Guy-Blaché, la première femme cinéaste au monde, Kristen Stewart, la présidente du jury sera Golshifteh Farahani…
C’est effectivement une sélection assez féminine, avec des invitées, des portraits de femmes de générations différentes qui se font échos, des hommages, de nouveaux films… Nous avons Kim Novak, la pionnière Alice Guy, qu’il est temps de réhabiliter et dont nous montrerons les films américains, les premières réalisations de Kristen Stewart ou de Scarlett Johansson…
À propos de Kim Novak, j’ai retrouvé cette citation : « quand Harry Cohn, le patron de la Columbia m’a engagée, il m’a dit ‘‘Vous n’êtes qu’un morceau de viande dans une boucherie. Ne l’oubliez jamais’’. Je n’ai jamais oublié ! »
Elle était un symbole du star system, on l’a transformée, façonnée, on a changé son prénom, mais elle s’est rebellée, elle a fait grève pour avoir un salaire plus important, elle a crée sa société de production… Je suis tellement émue de la recevoir à Deauville…
En compétition officielle, on pourra voir Eleanor the Great de Scarlett Johansson, l’extraordinaire The Chronology of Water de Kristen Stewart ou encore I live here now de Julie Pacino…
Il y aura aussi The Plague sur la masculinité toxique et le harcèlement. Sur nos treize films en compétition, dix sont des premiers films ! Nous en avons vu à peu près 400, ce qui veut dire qu’il y a encore une production abondante. Il y a toujours de l’espoir…
La beauté du festival de Deauville, comme de Gérardmer ou de Reims Polar, c’est qu’il est ouvert au public.
C’est vrai. Une de mes plus grandes joies, c’est de voir la salle du CID à 10 heures du matin, pleine à craquer, avec 1500 personnes. C’est extraordinaire, le public adore Deauville, et plein de jeunes ont forgé leur cinéphilie là-bas.
Vos trois conseils pour cette édition ?
Je ne vais pas vous donner le titre d’un film en compétition. Pour les jeunes, le film de Richard Linklater, Nouvelle Vague. Il faut venir revoir Vertigo avec Kim Novak et je vous conseille de découvrir les films assez joyeux d’Alice Guy. Elle a tout inventé !
51e festival de Deauville, du 5 au 14 septembre
Toutes les infos sur www.festival-deauville.com
Par Marc Godin